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Théories globales de la communication
Introduction
La France est le premier pays européen en nombres de suicides. Un quart des suicides concerne les 15/24 ans, mais on remarque une baisse notable ces dernières années.
Les nouveaux outils d’information / communication ont leur rôle dans cette baisse en permettant de nouveaux modèles de reliance, les multiplient et aboutissent à régénérer le tissu social.
Les réseaux numériques donnent l’impression d’un monde parfait, de fraternité universelle. Il y a 10 ans on voyait les réseaux numériques comme un outil négatif, mais aujourd’hui on juge ces outils indissociables du quotidien, pour le bonifier et modifier les profondeurs de notre vie dans les prochaines années.
Concernant Internet, la France s’est retirée des technologies numériques au mauvais moment, elle accuse aujourd’hui un retard de 10 ans impossible à combler.
On est passé d’un modèle de réseau du type « racine », à un réseau du type « Rhizome ». Ces réseaux évoluent très vite : par exemple MySpace est bientôt dépassé, au profit de FaceBook. Notre rôle, en tant que spécialiste de communication, est d’appréhender ces mouvements technologiques, de les comprendre, et d’aider les entreprises et les gens à les comprendre.
L’historique des réseaux numériques
Qu’est ce qui explique un tel retard en France ? Pourquoi la France n’a-t-elle sa place que dans l’industrie aéronautique (sachant que l’industrie lourde ne représente plus que 1/10 du capital mondial) ? Pourquoi tant de précautions ?
? Pour comprendre ce décalage, il faut remonter aux origines des médias numériques :
Historique du web
Vers la fin de la deuxième guerre mondiale, les chercheurs en SIC évoluent dans un monde en pleine guerre froide. Deux blocs se sont constitués : le « monde libre » des Etats-Unis et des pays de la vieille Europe), opposés à la Russie et Bulgarie. On se pose alors la question « en faisant la guerre, quel est le point le plus sensible ? » et on trouve le point sensible : la communication entre les unités.
Les américains créent alors Arpanet dans le cadre militaire, l’armée ayant toujours été un moteur d’innovation scientifique. On s’aperçoit vite que la structure en arbre est moins sécurisée que la structure en maille des réseaux.
Le réseau en maille permet de ne jamais saturer les réseaux (car les nœuds sont beaucoup plus nombreux), et aucun contrôle n’est possible sur le réseau. On remplit ainsi les 3 conditions du cahier des charges :
- non-saturation
- non-contrôle du réseau
- fiabilité et sécurité
Dans le même temps l’Us Army récupère une invention anglaise : la commutation par paquets. Cette invention établit une transmission de l’information par paquets.
? Avec ce système on casse l’information en segments et on la fait transiter par tous les nœuds du réseau, pour être finalement reconstitués chez le récepteur. De cette manière, l’information n’est jamais bloquée.
Puis viennent les année 1970, époque durant laquelle l’innovation se déplace du militaire vers le monde civil, et où l’on forme de plus en plus de jeunes à l’informatique. Vinton CERF, étudiant, crée une innovation qui consiste à harmoniser l’ensemble des communications sous une même démarche : c’est le Protocole ou Internetwork.
A cette époque, Internet est un réseau de réseaux (parmi lesquels MilNet, FidoNet, BitNet, etc.). Vinton CERF a permis d’accorder tous les violons pour que les réseaux puissent échanger entre eux, ce qui ne concerne alors que quelques centaines d’utilisateurs.
Puis l’outil Web fait son apparition en 1989, grâce au travail du CERN, un groupe composé de chercheurs européens. Parmi eux, Tim BERNES LEE est le père du World Wide Web. C’est un outil qui permet au grand public de s’approprier le Net, même s’il faut attendre 1995 pour que la démocratisation se fasse. C’est un outil de simplification extrême, qui permet déjà d’aller chercher des informations précises, présentées avec de l’hypertexte (c'est à dire un empilement d’informations les unes dans les autres qui forment une arborescence), des hyperliens qui sont des hypermédias qui pour la première fois transportent du texte, des images et du son.
Cette technologie va permettre de présenter les informations dans des pages web, auxquelles sont associées des URL. Pour que ce système fonctionne, il faut un serveur (serveurs http), un langage (le html) et un navigateur qui permet d’utiliser et coordonner tous ces services.
Remarque : aujourd’hui Internet c’est 13 serveurs dans le monde, dont 11 aux USA, 1 au japon et 1 en suède. De plus les américains ont la propriété de l’ICANN : un système qui distribue les noms de domaines.
L’avènement des réseaux numériques a conduit à l’apparition d’un certain vocabulaire propre.
Pour les anglo-saxons, virtuel signifie en acte, en vrai, en concrèt.
Pour les français, virtuel signifie iréel.
Pendant 10 ans, de 1995 à 2003, tous les textes autour d’Internet, beaucoup trop alarmistes, façonnaient une idée erronée d’un monde réel trop important et d’un monde virtuel dangereux. Les médias ont accompagné ce discours « technophobe ».
Aujourd’hui il est important de permettre à une socio-culture de s’approprier une technologie car toute la réalité devient support du réseau. De plus, la superposition du monde physique sur le monde numérique laisse place à une réalité hybride.
Du moteur de recherche à l’hybride humain/machine
Un moteur de recherche utilise un algorithme qui permet de trouver rapidement l’information. Pour cela il faut que l’information soit sur une page Web, et qu’elle soit annexée. La force de Google vient de son temps de réponse (7sec dès sa mise en service) et l’étendue des pages qu’il englobe.
Qui dit indexation des informations dit qu’elle est filtrée par les moteurs de recherche. Il y a donc une médiation via le moteur de recherche entre nous et l’information : en effet, la position des réponses peut être achetée, ainsi que les mots-clés ? L’accès à l’information est aujourd’hui biaisée.
Les méta-moteurs (comme Copernic), utilisaient plusieurs moteurs de recherche simultanément, mais ont été supplantés par Google qui le fait déjà tout seul. Cette convergence technologique mène à « l’ubi-média », à un monde d’interconnexion absolue et de connectivité universelle.
? C’est « la connexion partout, à tout moment », ce qui induit d’énormes enjeux commerciaux (Par ex, Yahoo poèse aujourd’hui plus lourd que le groupe Boeing)
Aujourd’hui le moteur de recherche devient omniprésent entre le domaine public et privé. Ainsi le logiciel « SPOC » permet de trouver des informations personnelles sur les américains, car la culture outre-atlantique n’a pas développé un grand cloisonnement entre vie privée et vie publique, laissant traîner numéros de sécurité sociale, de permis de conduire, etc.
La conséquence est la traçabilité de l’individu par les entreprises.
? Ainsi, tant que le web sera régi par une logique anglo-saxonne, on tendra vers un système qui s’accapare les données de la vie privée.
Les assistants personnels viennent prolonger ces évolutions, amenant le développement de l’interaction humain / machine : on profite de la miniaturisation des outils pour les faire disparaître, et tendre vers des objets intelligents.
Dans le domaine technologique, on tend à développer les rapports entre machine et homme, pour parvenir à terme à « échanger » des émotions. Une start-up californienne a mis au point un logiciel qui scanne les conversations téléphoniques, repère les mots-clés, les analyse puis envoie des publicités en réponse aux centre d’intérêts sur les téléphones mobiles. Aussi certains espèrent développer un ordinateur capable de repérer certaines manifestations d’états d’humeur et de proposer des offres adaptées.
Mais de telles avancées par connexion universelle font de nous des individus fichés et enchaînés, comme avec « un fil à la patte ».
C’est déjà presque le cas avec la téléphonie mobile qui ne nous quitte plus : 60% des utilisateurs ne s’en servent que pour la fonction phatique, si bien que le portable répond d’abord aujourd’hui à un besoin de sentir les autres proches de nous. C’est donc un objet a but commercial qui a finalement répondu à un besoin vital.
Plus loin dans cette association, on tend vers une hybridation entre humains & machines, vers le cyborg (humain aux capacités augmentées par la machine). Dans cette avancée vers l’ubi-média, les puces RFID jouent un rôle important. Les supports toujours plus petits et performants peuvent contenir et échanger des informations.
VIRILLO (Paco Rabanne du monde des SIC) dit que dans un monde où tous les ordinateurs sont interconnectés, la panne générale serait fatale. Plus on avance, plus cette théorie est à oublier, du fait de la construction des réseaux en arbres.
Notion de gratuité
La notion de « Nétiquette » (la dimension éthique sur Internet) était attachée à cette idée de « connaissance accessible à tous et gratuitement » (Cf. Marcel MAUSS : l’éthique du Don).
Aujourd’hui l’ensemble de ces informations est devenue un bien culturel, et le Web nous a appris à ne plus les payer, mais à les échanger contre d’autres informations. S’il y a gratuité, c’est donc parce qu’il y a une logique d’échange et de partage au cœur du système.
Internet a donc inventé une nouvelle monnaie, à base de sociabilisation et de culture réunis en un bien commun.
> C’est le fait de devenir consommateur du Web qui est une erreur.
Principes fondateurs du Web
Pour comprendre l’évolution des réseaux numériques, il faut considérer un contexte politique bien particulier. L’ensemble des réseaux est régi par leurs fondateurs réunis en deux groupes :
- L’EFF (Electronic Frontier Foundation) : institut mondial basé aux Etats-Unis
- Internet Society : institut qui présente des chapitres nationaux dans chaque pays.
> Leur soucis est de veiller à ce qu’Internet reste fidèle à volonté politique révolutionnaire des années 1970 et que personne ne s’en accapare la propriété.
Ces organisations ont ainsi lutté contre la Clipper Cheap proposée sous le gouvernement Clinton (projet de puces à implanter dans chaque ordinateur pour tracer et remonter à la source de chaque utilisateur.
Internet est donc un mouvement « hippie », empreint de mouvements du libertarisme, de l’anarchisme et du communautarisme.
? Libertarisme : refuser toute limité à la liberté individuelle. L’individu et ses besoins priment sur le groupe. La société est donc un conglomérat d’individus qui tente d’accorder leurs besoins.
? Anarchisme : Au 18ème siècle PROUDHON (philosophe français) et BAKHOUNINE (philosophe Russe du 19e s) en sont les fondateurs. C’est une critique de l’Etat qui refuse à toute autorité verticale le droit d’exercer un pouvoir sur les individus. Le but est de passer d’un rapport vertical à un rapport horizontal.
? Communautarisme : c’est un mouvement qui connaît deux évolutions (Américaine et Européenne).
Les Etats-Unis sont devenus multiculturels très tôt et ont créé une démocratie qui se doit de respecter les communautés qui la composent. La vision française est différente car construite sur le modèle de la république et du contrat social. On dit que nous avons fondé une démocratie sur l’idée que chaque citoyen est neutre, mais notre conception politique reste centralisée.
Or le principe des réseaux numériques est la décentralisation totale. Ex : dans les années 1990, la France a eu le choix entre le minitel (réseau fermé) et Internet (réseau ouvert) : le minitel a été choisi, en particulier grâce à l’argent que cela rapportait.
Un réseau autorégulé
La force des réseaux numériques est son insolence à ne se plier à aucune loi extérieure à lui-même. Comment se passe alors l’organisation ? Elle est fondée sur l’auto-organisation, l’autocensure, pour être libre jusqu’à certaines limites établies par les internautes eux-mêmes (pédophilie, racisme, etc.). C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’autant d’informations circulent sans avoir été contrôlées, et c’est la première fois que chaque individu peut être à la fois récepteur / producteur et émetteur.
Les mouvements qui expriment cette liberté manient toujours la technique et le social. Le grand mouvement des logiciels et systèmes d’exploitation libres accompagnent le mouvement de « Licence Creative Commons », et pose la question de la propriété intellectuelle des contenus du Web. L’idée est de s’engager à faire circuler des outils en Open Source (logiciels dont le code source est ouvert à tous), à condition de ne pas se considérer propriétaire de la modification, mais d’en faire profiter la communauté Internet. L’idée même de Copyright est remplacée par le CopyLeft.
La philosophie du Libre nous a conduit vers un modèle de société qui a changé : Internet a changé notre relation au monde et à la politique. Nous avons grandi dans un monde de compétition et de concurrence, pour que les « meilleurs » s’en sortent. Ce modèle de la compétition est partout, et explique par exemple l’omniprésence du sport dans les médias aujourd’hui.
Internet nous propose une conversion d’un monde fondé sur la concurrence et l’individualisme vers un modèle collaboratiste.
Un modèle d’échange : le WIKI
? C’est la naissance du modèle WIKI : créer des plateformes qui permettent de fabriquer du contenu, détournant la figure de maître, au profit de l’idée que chacun sait quelque chose.
Ce nouveau rapport à l’information entraîne la chute des presses spécialisées et fait tendre cers le journalisme participatif : on licencie de plus en plus de journalistes professionnels pour engager des gros réseaux de petits journalistes. Dan GILMORE, dans « We, the Media », encourage les gens à devenir eux-mêmes les médias puisqu’ils en ont les outils et qu’ils ont perdu confiance dans l’information.
? Ce nouveau rapport à l’information est en corrélation avec l’avènement du Web2.0. Le Web2.0 n’est pas une innovation mais une mise à disposition d’outils qui simplifient l’interaction et la coopération entre individus. On voit ainsi la technologie comme ayant la capacité à former une société homogène et systématique, c'est à dire voir la société comme un système où tous les éléments sont en interdépendance dynamique.
Remarque : aujourd’hui on tend vers le Web3.0, qui sera probablement un mélange du 2.0 et de l’intégration de l’Intelligence Artificielle.
La remise en question de l’autorité & du pouvoir par le réseau numérique
Avec l’arrivée du web2.0, on considère les réseaux comme une restructuration de la société. Mais un outil seul ne suffit pas : il se lève dans un cadre profondément modifié.
? Anne HARENDT travaille sur l’activité politique, le totalitarisme et la modernité d’un point de vue philosophique et historique. Elle montre comment les sociétés contemporaines sont rentrées dans une crise culturelle large. Pour elle, l’effondrement de la notion d’autorité et de ce qu’elle représente a bouleversé la société. Autrefois patriarcale et à hiérarchie verticale, le pouvoir était dans les mains de peu de personnes, et les « servants » n’avaient pas de droit de réponse.
Harendt distingue « concept d’autorité » et « concept de pouvoir » : l’autorité est dans les mains de celui qui détient le savoir. Or aujourd’hui, le savoir devient pluriel et se partage.Cette crise a bouleversé toutes les figures de l’autorité qui se fissurent au profit d’une contestation généralisée.
Les fondements du système hiérarchique autoritaire
FOUCAULT donne le nom de « technologie du pouvoir » aux dispositifs de contrôle : la famille en est un. Autrefois, une famille représentait 40 personnes. Au 19ème on invente le modèle de la famille nucléaire : couple + enfants. Ce modèle naît du capitalisme, de la révolution industrielle et de son besoin d’œuvres qui font naître la classe sociale ouvrière.
Le capitalisme invente un mode de vie dans lequel l’ouvrier peut rentrer chez lui, à côté de son lieu de travail. On a réussi à fixer l’ouvrier au sol ? La famille et le cocon familial ont ainsi permis de fragmenter les besoins.
? C’est ainsi qu’une organisation sociale découle d’une organisation économique et a eu des répercussions politiques : c’est la montée de l’individualisme.
Le modèle ouvrier était très patriarcale : des familles entières étaient dévouées à des grandes entreprises comme Renault, Filatures du Nord, etc. Derrière cette façade philanthropique des grandes usines, on a glissé vers une société tétanisée, incapable de bouger et gangrenée par le chômage ? On aboutit ainsi à une société d’individus fermés sur eux-mêmes ; on fabriqué des individus de plus en plus exigeants dans leurs besoins de consommation.
?La montée de l’individualisme est aussi un résultat du conditionnement commercial.
C’est un bien pour un mal : on arrive à une société d’individus beaucoup plus instruits que dans les générations précédentes, qui sont en situation de demander plus. Le but visé aujourd’hui est l’épanouissement personnel, un idéal de vie transporté par la vie.
Internet, outil de contestation ambivalent
De la même façon, le Net n’est pas arrivé par hasard : c’est l’émanation du marché et la contestation du marché à la fois, en contestant le plus les excès du marché et du monde moderne.
? Les réseaux numériques sont une figure de proue de la contestation de l’autorité.
GRAMCSI, marxiste révolutionnaire italien, dit : « je pratique le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté ».
Enjeux économiques / sociologiques / politiques / anthropologiques.
Le visage du Net est un système qui propose une réorganisation de notre société. Le web2.0 met de côté la dimension technologique, au profit de la dimension relationnelle et collaborative (c’en est fini de la phrase « Internet diminue le bien social »). Le web2.0 est principalement un outil d’interaction sociale multiplié et augmenté.
L’Internet militant / citoyen / participatif est l’Internet qui se vit le plus comme une force de renouvellement social et politique.
> Cf. Michel de CERTEAU, dans « la prise de parole & autres écrits » et « la culture au pluriel ».
Dans son concept de prise de parole, il montre que la prise de parole est une prise de pouvoir : le pouvoir politique.
Les sociétés évoluent dans cette revendication des sans-grades où prendre la parole revient à devenir sujet de sa propre histoire. Internet rend possible cette prise de parole généralisée, et est le seul endroit de personnalisation de l’espace public, où tout le monde devient producteur d’information.
Habermas dit « Internet c’est la pluralisation de l’espace public ». Pour lui, les réseaux numériques ont fragmenté l’espace public et ont permis la multiplication de l’échange et de l’argumentation. La grande majorité des échanges sur le Net sont développés sur le modèle rationnel de la communauté > les réseaux développent un nouvel espace de citoyenneté et d’expression démocratique.
Modifications profondes de la production et de la diffusion du savoir par les réseaux numériques.
Le nom de « navigateur » n’est pas anodin : le mot désigne un rapport à un matériau qui se divise en 3 natures :
? Les données brutes
? Le niveau informationnel
? Les connaissances
70% des informations (pas des connaissances) sont aujourd’hui sur Internet, mais la question se pose : est-ce que cette mise à disposition des informations modifie notre acquisition des connaissances ?
Le nom de « surf » prouve bien que le Net permet de glisser sur la surface des informations. Sommes-nous alors condamnés à un apprentissage de surface ? ou bien cette surface constitue-t-elle un nouveau fond ?
L’avènement d’une vieille utopie : l’intelligence collective
Le phénomène « Wiki » change l’aspect de la relation au savoir dans l’intelligence collective, c'est à dire la connexion de tous les cerveaux humains par les ordinateurs ? Cette connexion crée le « cerveau planétaire ».
Pierre LEVY, dans cette même voie, parle même d’une nouvelle idée d’humanité, dotée d’une connaissance commune. On rejoint ici l’utopie de Saint-Simon, qui pensait que le développement de l’industrie allait fraterniser les peuples.
En face de cette pensée s’oppose toujours les défenseurs du modèle classique maître / disciple. La philosophie numérique nie cette idée de personne qui ne sait rien, et prône le fait que chacun dispose d’une base de savoir échangeable. On peut passer de la compétition à la collaboration et considérer le Net, non pas comme un espace de mémoire, mais comme un cerveau qui fonctionne.
Critiques de la connaissance sur le web
Les anti-web disent qu’un savoir qu’on fait circuler, qu’on ne s’approprie pas sur la longueur, et qui ne demande pas d’effort ne fait évoluer personne et ne peut donc pas être considéré comme un savoir.
Pour les pro-web, cette transformation ne doit plus être individuelle mais collective : on évolue tous ensemble ou on n’évolue pas du tout.
> Autre question qui se pose : le réseau numérique ne mène-t-il pas au rapt ?
Si l’on suit les pro-webs, dans le cadre de progrès collectif, le piratage n’existe pas. Il n’existe que dans une logique propriétaire. CERTEAU parlait lui de braconnage cognitif > les données culturelles sont en ont toujours eu besoin. C’est cette pratique des basses classes qui devient aujourd’hui l’emblème du grand nombre.
Autre élément de l’évolution : les réseaux numériques changent notre rapport à l’espace-temps et ont entraîné une légitimation de l’impatience. On remarque déjà une modification d’attention ? Les réseaux numériques ont amené des changements à notre structure cognitive.
Avantages & limites de l’apprentissage sur les réseaux numériques
Certains pays ont depuis longtemps adopté le modèle d’enseignement collaboratif. La France a accusé un énorme retard dans son système éducatif : elle se place en 17ème position sur 22 dans un classement sur la compréhension de l’écrit à l’entrée au collège. Les premiers pays de ce classement ne prônent pas une charge de travail par élève, mais l’intégration de l’élève dans une tâche commune.
Quand une technologie s’impose, elle fait se lever un cliquet d’irréversibilité. Ainsi, assumer l’entrée dans le monde des réseaux numériques, c’est accepter d’entrer dans un monde nouveau.
Exemple : le modèle de cours en amphithéâtre tend à glisser vers le e-learning, à base de cours virtuels sur support numérique.
Cette modification pose une question : qu’est ce que la présence ? Qu’est ce que cela apporte en plus ? Il y a tout un système d’échange des informations non-verbales qui nous aident à mieux comprendre. Dans cette optique, OMNIPRESS a mis au travail un groupe de chercheurs pour comprendre les réactions cognitives et physiologiques dans une relation avec présence humaine, pour le transposer sur les échanges en ligne.
Jusqu’ici on se rend bien compte que la présence fait défaut aux échanges numériques et lui confère des limites
Cornelius CASTORIADIS dit que nous sommes partis d’une société très hétéronome pour aller vers des sociétés toujours plus autonomes, au point qu’il s’agisse d’une mutation anthropologique majeure. C’est un mouvement irréversible qui entraîne beaucoup plus que le changement du rapport au savoir, mais nous entraîne vers un transhumanisme.
L’Internet communautaire
Cette pratique transversale des réseaux numériques pose la question du lien social. On a reproché à Internet de dissoudre le lien social, mais aujourd’hui, les réseaux numériques fabriquent de nouvelles formes de sociabilité, suivies par une hyper-connectivité bientôt permanente (ces connexions sont autant de fils à la patte). Dans ce lien social se sont mis en place un certain nombre d’outils comme les communautés virtuelles (Cf. Howard RHEINGOLD ; texte sur les communautés virtuelles) ou des communautés à interface graphique, où chacun est représenté par un avatar personnel.
? Mais à quoi sert un second monde du type 2nd life ? avec ses qualités et défauts ?
On remarque que le nombre d’inscrits a explosé du moment où les entreprises, les politiques (etc) ont compris qu’il fallait y être présent. Ce type de communauté permet de compenser les frustrations de la vie physique. Mais rien n’est gratuit, même sur 2nd life, on commence avec un avatar minable, qu’il faut customiser avec une monnaie : le « Linden Dollars », qui s’achète avec de l’argent réle.
Avec l’Internet communautaire, on est dans une supplémentation de la vie physique, qui accroît l’offre de sociabilisation, en ne conduisant vers une hyper-communication, et fait de la communication la définition même de l’humanité.
Mondes numériques : une nouvelle réalité ?
Phénomène de communication virtuelle : c’est une interface graphique, où l’on évolue avec des avatars.
On assiste à une hybridation de la communauté dans l’interface virtuel et ludique. Ce basculement se fait sur deux niveaux :
> Le monde persistant
> Les mondes ouvertes
Jeux de rôle : une nouvelle forme de socialisation
Le monde persistant est un monde dans lequel on acquiert de l’expérience sur une longue durée. Ce sont des mondes dans lesquels on va capitaliser des relations sociales et symboliques.
Cette notion a été créée pour décrire l’émergence et l’image des jeux de rôles. Ces jeux se déroulent sur une très longue durée. Ce sont des jeux qui se posent littéralement en parallèle du réel.
? Ces jeux, ces communications virtuelles, qui sont devenus ludiques, ont des enjeux de socialisation de sociabilité.
On tend ainsi vers l’hyper-socialisation. Le gouffre qui souffre alors est celui de l’identité.
En effet, le monde virtuel présente des avantages tels qu’on se demande si la vie réelle ne gagnerait pas à mimer les jeux vidéos ?On est face à l’ouverture des mondes parallèles.
La part prise par le monde persistant dans le développement de l’imaginaire est aujourd’hui tellement importante qu’il pèse sur notre relation aux réseaux numériques.
Dans cette mouvance, les jeux qui ont le plus de succès sont des jeux de modélisation sociale comme « Les Sims ». C’est une virtualisation de la vie sociale qui vient étoffer et renforcer la vie physique. Elle ne se substitue pas à elle mais amène un croisement et une hybridation des mondes.
Continuité entre monde physique et monde numérique
Aujourd’hui nous ne pouvons plus séparer vie physique et vie imaginaire. On parle d’avantage d’une continuité entre les deux mondes : le « continuum physico-numérique » ? Il existe en effet une continuité entre le monde numérique et le monde réel. On pense ces deux mondes comme un ensemble d’éléments qui interagissent les uns sur les autres. Cet ensemble devient cohérent, on parle de système physico-numérique.
Notre rapport à l’image a été profondément modifié, et plus particulièrement notre rapport cinématographique.
Ex : phénomène du « happy-slapping ». Cela consiste en provoquer un évènement en agressant quelqu’un en diffusant la vidéo sur Internet > Ce rapport à l’image, totalement autonome, est un processus qui doit être interrogé dans le cadre de l’évolution dans sa globalité. Il permet de trouver se place dans la société et de trouver du sens même quand celui-ci est absurde.
L’avènement d’une nouvelle réalité ?
Le critère qui nous a permis de distinguer la réalité physique du rêve et de l’illusion est la durabilité de celle-ci. La réalité est ainsi composée de l’ensemble des évènements qui perdurent.
Nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’une même réalité qui se divise en comportements : réalités physique et virtuelle ne deviennent qu’un.
Socialisation = interactions sociales
Sociabilité = aptitude à la socialisation
Les sociétés humaines partagent avec les primates une hyper-aptitude à la sociabilité.
?On n’assiste pas à une révolution d’outils mais à une révolution numérique, composée de idées importantes :
1. Le Continuum physico-numérique
2. La durabilité des mondes virtuels / réels
3. Ce qui change vraiment, c’est le statut de l’illusion et notre rapport à elle.
Depuis toujours les hommes se sont posés la question de savoir ce qui distingue le monde réel de l’illusion (Cf. Le monde de la caverne – Platon). Nous prenons tout ce que nous regardons autour de nous comme la réalité, mais ce n’est que l’ombre d’un autre monde, un monde sensible.
> En effet, le réel n’est composé que d’idées, le monde sensible n’est pas le vrai monde.
L’hypothèse de Baudrillard est que les mondes de l’imaginaire, du cinéma, des réseaux numériques (etc.) créent une déréalisation. Nous sommes plutôt face à un processus d’hyper-réalité.
Ce que nous appelions autrefois « illusion » n’existe plus. Nous sommes, grâce et à cause des réseaux numériques, arrivés à une étape où nous dépassons la notion d’illusion et de réalité, mais où nous assistons à la fusion des deux. La réalité se multiplie et va englober ce que à quoi elle s’oppose.
? Les réseaux numériques donc régénèrent toute la réalité. Ce qui au départ est un outil devient une dimension intégrale de la réalité.
C’est un état de l’évolution de l’humanité à un moment donné de son histoire : Internet est nous, et nous sommes Internet.
Les médialogues
La médialogie est une approche disciplinaire à l’intérieur des SIC. C’est une approche qui essaye de comprendre comment les techniques arrivent à modifier les cultures.
> Théorie de « l’effet jogging » (Régis Debray – Daniel Bougnoux) : il existe un paradoxe qui fait que nous sommes à la fois une société qui construit des villes sophistiquées, mais dépensons aussi beaucoup d’énergie pour entretenir de simples parcours de randonnées : les cultures humaines compensent en permanence.
Nous devons vivre en permanence avec la perte de ce que nous connaissons.
Platon, dans « le Phèdre », traite du paradigme de l’oralité et de la transmission : la perte du processus mémoriel passe par la perte de ce que nous connaissons, ainsi qu’une étape de déploration (que nous venons de passer par rapport aux réseaux numériques) ? Nous sommes en train de changer de paradigme de la représentation, c'est à dire le fait qu’on se représente le monde de manière non systématique. L’approche systématique à laquelle on est habitué nous a permis de penser les évènements interdépendants en relations dynamiques.
Dans un monde basé sur la séparation réalité / objet, on est dans une relation frontale à la réalité : il y a NOUS et de l’autre côté il y a la REALITE. C’est la symbolique de l’écran de cinéma.
Nous sommes passés dans un nouveau paradigme : le paradigme de l’immersion.
Nous nous immergeons dans un monde en 3D. Cette tridimensionnalité est une pixélisation du monde qui explique ce nouveau paradigme.
? Ces mondes ouverts se retrouvent dans les dernières générations de jeux vidéos : ce sont des mondes développés en intégrant un très grand nombre d’intégration possibles entre les différents personnages du jeu.
Cette mise en place d’autres réalités est un prolongement de la symbolisation.
Transhumanité et mutation de l’espèce
On mute aujourd’hui vers le concept de transhumanité, qui nécessite de penser de nouveaux cadres.
Le transhumanisme est l’idée selon laquelle les technologies du numérique sont en position de faire évoluer considérablement les conditions de la vie humaine, de façon à bouleverser biologie, intelligence et aptitudes… C’est l’humanité augmentée.
Vers une mutation du biologique vers le numérique
Or, toutes les formes de vie ont un support biologique. Seront-nous alors capables de faire muter la vie du support biologique vers le support de silicium ? Les transhumanistes répondent OUI.
Ray KURZWEIL, dans « Singularity is near », dit que la mutation devrait avoir commencé vraiment d’ici 20 ans. L’humanité va virer du biologique vers la machine et on assisterait à une migration du cerveau humain en le « scannant » vers la machine. La technologie va devenir capable de copier chaque détail du cerveau humain, de manière à ce que ce qui fait chaque personne se retrouver copié dans la machine.
André LEROI-GOURHAN, dans « milieu et technique », explique que toutes les techniques ont rajouté des prothèses au corps humain. Nos sens sont déjà des outils.
Aujourd’hui les actions possibles sont de plus en plus nombreuses, à des distances du corps toujours plus grandes.
Avec la civilisation numérique et numérisée, nous sommes dans un mouvement irréversible au cours duquel nous n’avons pas besoin d’utiliser ces outils pour en savoir plus, mais nous les utilisons pour en savoir moins car nous déchargeons le travail de mémoire sur les machines ? le cerveau humain se débarrasse de l’obligation de stockage.
Exemple : les GPS sont une externalisation de la faculté de se déplacer dans l’espace et de mémoriser l’espace.
? Que devient un cerveau qui n’a plus comme axe de développement l’accumulation du savoir ?
Mutation de l’espèce
La stabilité phylogénétique n’amène pas d’évolution physique, mais une évolution culturelle horizontale.
Dans « La machine Univers » ; Lévy traite de nouveaux interlocuteurs : des machines aussi intelligentes que nous avec toutes les connaissances que cela peut avoir. Elles vont permettre à l’homme d’atteindre le stade des Dieux. C’est l’affranchissement des frontières biologiques et des lois de la nature ? Le but ultime est l’immortalité.
Niet BOSTKOM a ouvert un institut à Oxford, L’Institut du futur de l’humanité. On y fait des recherches destinées à faire comprendre et concevoir les mutations et l’externalisation des facultés. Dès que nous aurons migré, l’immortalité sera à notre portée.
La transhumanité est une humanité qui migre, s’hybride avec la machine pour aller vers une supra-entité. L’être humain redéfinit un nouvel univers, donc un nouvel humanisme : le trans-humanisme.
Le corps humain est l’objet d’un grand nombre de tabous dans nos sociétés. Ces tabous sont liés à l’idée que le respect du corps est le fondement de nos civilisations, et que la violence infligée au corps est insupportable.
Dans ce contexte, nous sommes héritiers du post-nazisme > il existe un intouchable et donc un sacré ! Nous avons abouti à une sacralisation du corps humain dans le meilleur sens. C’est cette sacralisation qui nous empêche de penser le dépassement du corps, ainsi que toute évolution de son statut. Or la révolution numérique nous amène à nous affranchir de notre corps ? nous nous servons de moins en moins de notre corps.
Un corps de mammifère impose de nombreuses contraintes qui coûtent cher : maintenir une température de 37°C, manger toute la journée, rester en activité pour ne pas risquer l’obésité.
Un corps numérique en 3D est un avatar. Un corps humain est porteur d’une identité biologique, d’un ensemble de forces d’actions sur le réel, d’une capacité à sentir et ressentir.
Avec ses capacités émotives et son intelligence, l’être humain est encore plus complexe que les machines. Ce n’est pas parce qu’on va scanner le cerveau humain que la machine sera capable de s’émouvoir.
? On se pose alors plusieurs questions : Existe-t-il un propre de l’espèce humaine ? Avons-nous encore besoin de corps ? Avons-nous encore besoin d’autre chose que de notre cerveau ? Inventer une nouvelle forme de plaisir dont nous n’avons pas idée ?
1ère tendance : Le corps coûté trop cher et se montre trop défaillant, il faut l’abandonner !
2ème tendance : (Cf. David Le Breton dans « Anthropologie des sens ») Il ne faut pas abandonner le corps car celui-ci développe des interfaces avec la nature. Notre corps nous délivre ainsi des messages en interface avec la réalité.
Les réseaux numériques et la question de l’identité
De la naissance de l’identité à l’anonymat moderne
Notion d’identité : très travaillée, c’est une des notions qui a le plus évolué, « celle dont il faudrait se débarrasser aujourd’hui pour révolutionner les sciences sociales ».
Donner une identité, c’est d’abord donner une limite.
Inventée au 16ème siècle avec l’Etat civil, l’identité permet au pouvoir de gouverner l’individu et a donc vu le jour dans un but social et politique, non pas pour permettre à un individu de savoir qui il est, mais par soucis de gouvernance et d’organisation.
? Les réseaux numériques remettent en question cette identité établie depuis des siècles et font rentrer dans une stratégie onomastique (à nominations multiples), qui devient une stratégie d’anonymat.
A la naissance, nous ne choisissons pas notre nom. Les réseaux numériques permettent de choisir, de se nommer soi-même et ainsi de se redéfinir dans des stratégies de pseudonymie, pratique illégale dans la vie mais complètement légale dans la vie virtuelle. Cette multiplication des noms entraîne un brouillage des pistes et une possibilité de s’exprimer dans l’anonymisation impossible jusque là (cet anonymat est relatif puisqu’il est toujours possible de tracer les internautes).
? On peut donc parler de pluralisation de l’offre identitaire (avec un marché de l’identité et une organisation économique des noms) et des jeux identitaires : le rapport à l’identité devient ludique.
Réalité numérique : le lieu des nouvelles identités
Une autre réalité se crée ainsi, où il n’y a pas de liens obligatoires entre l’identité et l’individu. Chaque individu devient comme un kaléidoscope : il possède plusieurs facettes de lui-même qu’il ne pouvait pas exprimer dans le contexte socio-politique d’autrefois. Un seul individu peut donc avoir plusieurs vies.
Et c’est aussi le lieu du pouvoir qui se déplace : il n’est plus politique et vertical, mais bascule du côté de chaque individu qui connaît tous ses masques. Et le fait d’être le seul à les connaître crée une richesse de connexion sociale.
La société classique où prédomine la proximité géographique a volé en éclat. En effet, Internet a développé une nouvelle sociabilité : la proximité émotionnelle d’intérêt. Chaque individu possède un pouvoir qui fait qu’il est détenteur du secret de la totalité de ses identités et du pouvoir de les exploiter comme il veut.
L’individu connaît une fragmentation des identités qui aboutit peut être à ne plus savoir exactement qui on est. Sommes-nous en train de sombrer dans une certaine schizophrénie ? Pour l’éviter nous devons être capable de penser la nouveauté en dehors des schémas anciens, en oubliant la peur.
L’enrichissement de la personnalité par la multiplication des identités
Quelle est l’étape intermédiaire entre notre représentation classique de l’identité et ce qu’elle est amenée à devenir avec les réseaux numériques ?
Il s’agit de l’enrichissement de la personnalité, amenée par une plus grande liberté où l’on n’est plus limité à être ceci ou cela, mais où nous est donné la possibilité d’être plusieurs à la fois ? C’est la densification et la multiplication des rapports humains.
L’ubiquité était le signe grâce auquel le Vatican canonisait les Saints et en faisait des personnes exceptionnelles, à mi-chemin entre l’Homme et le Divin.
La sociabilité classique est liée au sol, au terroir et à la tradition. Aujourd’hui le monde se virtualise et devient transparent. L’ubiquité est le témoin de cette nouvelle forme de sociabilité qui nous rend mobiles, trans-culturel, trans-humanitaire. Elle nous permet de croiser toutes les formes de sociabilité > autant de formes de société que d’individus.
Vers un nouveau nomadisme… le vagabond virtuel
Dans « nomadisme & vagabondage », MAFFESOLI traite du vagabondage en expliquant que c’était un délit (on devait toujours avoir sur soi des papiers et une somme minimum d’argent). Le vagabond renvoie à l’image du fou et du danger car il n’a pas d’identité. En effet, ce que nos sociétés définissent comme la liberté est une notion délictueuse : c’est un crime que de vouloir échapper aux règles d’identification de la société.
Depuis le néolithique nous sommes passés de l’état de déplacement à la sédentarisation.
Jusqu’au 19ème siècle les déplacements étaient réduits mais réguliers (30km de rayons de déplacement).
Puis la sédentarisation a fait apparaître les activités de cultivateur et de pasteur.
Ainsi, en 1930, 75% des gens qui travaillent en France étaient agriculteurs… aujourd’hui il en reste seulement 2,5%... nous avons accompli notre sortie définitive du néolithique.
? Cette tendance amène un nouveau nomadisme, qui permet de s’affranchir de l’espace et du temps pour se déplacer instantanément à l’autre bout du monde.
Le principe du vagabond, qui erre sans savoir où il va, se retrouve dans l’Internet qui remet à jour le thème de l’errance. Mais un monde dans lequel on ne peut plus se perdre est aussi un monde sans liberté.
Des individus plus que jamais différenciés
La vie en réseau, et les formes de sociabilité qu’elle fabrique, va enrichir et densifier l’offre identitaire. Contrairement à une lecture négative, nous allons vers plus d’hétérogénéité : ce que nous cherchons c’est l’Autre, le changement et l’instabilité de la rencontre. Les réseaux numériques sont une invitation à la différence.
Paradoxe : cette différenciation qui s’accentue entre monde économique et culture de masse aboutit à une homogénéisation des pratiques > faut-il pour autant résoudre ce paradoxe ? NON.
Cet individu qui se retrouve au centre de tout a besoin des autres plus que jamais pour exister, et trouve plus que jamais son compte dans la communication numérique. Le monde de la communication est aussi celui de la symbolisation, un monde imaginaire fait de concepts qui sont le véritable monde que nous habitons.
Dans cette mouvance, les médias dits classiques sont aussi en train de se transformer : l’Internet devient participatif, et la pratique du podcasting permet une personnalisation de l’accès au média. Le Broadcasting (chaîne de télé, radio, etc) s’inscrit dans une structure verticale, alors que le podcasting permet une fragmentation des médias classiques en petits modèles et la recomposition de l’offre médiatique en fonction de nos propres besoins.
Une pratique encore plus récente, l’EgoCasting nous permet de créer nos propres TV, radios, voire de mixer les deux …
Aux Etats-Unis, cette reconfiguration a été théorisée par un certain nombre de personnes, notamment Dan GILMORE, qui dans « We the Media » donne un nouveau mot d’ordre : « Cessez de faire la critique des médias, devenez les médias ! ».
Une des plus grandes difficultés aujourd’hui est de comprendre que la première promesse faite avec Internet était celle du danger et d’une apocalypse annoncée.
La seconde promesse était celle qui disait que les nouvelles technologies allaient faciliter les relations humaines, fluidifier notre rapport au monde, nous permettre d’augmenter nos compétences professionnelles, physiques et cognitives.
La complexification des rapports humains
Les rapports humains se complexifient et deviennent plus abstraits. Les nouveaux canons d’information et de communication s’ajoutent aux anciens et le niveau d’interconnexion est de plus en plus compliqué.
L’usage des outils numériques aboutit à reconstruire un nouveau monde numérique qui demande plus d’intelligence et un plus haut niveau d’abstraction, en nous obligeant à échanger les outils contre l’information, la représentation, la modélisation et la simulation ? Nous avons besoin d’un nouvel apprentissage neurocognitif où la langue des réseaux nous apprend de nouveaux vocabulaire, synt-axe et grammaire qui s’ajoutent à la langue traditionnelle, nous obligeant à nous placer dans le symbolique.
L’impact sur notre système cognitif et nerveux est déjà en train de s’opérer. Nous fabriquons un nouveau mode de mémoire, un nouveau mode d’apprentissage et d’intelligence, et ce malgré nous. Le développement de l’espèce humaine est ainsi en train de tendre progressivement vers l’abstrait.
? Notre cognition va développer un rapport à l’abstraction qui n’était pas envisageable avec les générations précédentes… il faut accompagner cette mutation et ne pas se raidir contre elle.
Les nouvelles démocraties sous l’ère numérique
Comment utiliser les réseaux numériques pour revitaliser le politique ?
Le terme démocratie électronique définit nos sociétés contemporaines, qui ont vidé de son sens le rapport du citoyen au politique.
Alors que le citoyen consommateur est surinformé, gâté, égoïste, et a l’impression de pouvoir agir sur la société, il se rend compte qu’il n’a en fait aucune action sur le politique.
Le citoyen est le géant de l’information et de la communication, mais n’est qu’un nain pour ce qui ce qui concerne la politique car le politique s’est de plus en plus éloigné des gens.
Que ce soit au niveau mondial, national, ou local, c’est l’impuissance à tous les niveaux.
Un contrat de confiance brisé
Le terme « démocratie de représentation » qualifie une société où le Parlement, qui est le représentant du peuple, détient le pouvoir législatif, exécutif, et judiciaire. Peuple souverain signifie élections.
Le contrat sociétaire est un contrat de confiance entre le peuple et ses représentants, qui vont exprimer au mieux les valeurs, idées, représentation, modèle, préjugés des votants.
Or, aujourd’hui, le contrat de confiance est rompu, confiance qui est pourtant le ciment de la démocratie. Quand les votants ne se retrouvent plus dans leurs élus, on observe une hausse du taux d’abstention. Le système politique européen renvoie le politique encore plus loin des gens.
? Il existe aujourd’hui, une crise de la représentation dans nos sociétés.
Cette crise naît du fait que nous refusons l’idée que qui que ce soit se substitue à nous pour prendre une décision … Cela rejoint la crise d’autorité et l’horizontalisation du pouvoir.
Il existe donc un paradoxe entre les Institutions de liberté qui se sont éloignées de nous, et le rapprochement au plus près des individus des prises de décision. e paradoxe vient d’une exigence du peuple d’être de plus en plus acteurs dans la prise de décision.
La démocratie de participation
Le terme démocratie de participation se distingue de la démocratie de représentation.
- Dans la démocratie de représentation l’action est indirecte, c’est une démocratie de médiation.
- A l’inverse, la démocratie de participation se bâti sur un modèle d’action directe, et qui se passe de médiation. C’est une nouvelle forme de médiations, plus fines et plus subtiles.
Habermas est l’auteur d’une réflexion sur l’espace publique. Il date l’apparition des sociétés modernes au 18ème siècle, car c’est l’époque de la mise en place de débats, dans lesquels la raison peut s’exprimer. Ces espaces de délibérations se sont de plus en plus développés de et ont crée une résonance par rapport aux médias comme si ces débats n’étaient plus vraiment politique.
Le temps politique est un temps long, qui a besoin de rencontrer des oppositions et les nouvelles technologies ont permis de diminuer ce temps du politique. Le temps politique devient extrêmement rapide au sommet de l’Etat, en suractivité. Cependant le temps reste toujours lent en bas de l’échelle. Les gens sont donc déboussolés, fragmentés, le sentiment qu’il n’y a pas d’action se développe.
Les pseudo débats et une pseudo démocratie engendre une société malade. Les corps intermédiaires comme les syndicats et les ONG (etc.) se sont du coup beaucoup affaiblis.
Il y a à la fois une baisse de la médiation, puisque les intermédiaires sont moins puissants, et il se creuse une distance encore plus grande entre le peuple et le pouvoir.
Le réseau comme modèle globalisé de société
- Peut-on réorganiser les individus autour de système individuel et collectif ?
- Prendre en compte l’intérêt du groupe et de l’individu ?
- Peut-on créer un système qui fasse disparaître les médiations et nous rapproche du pouvoir ?
- Peut-on rénover la notion de citoyenneté, en mettant de nouveau les citoyens au cœur de la vie politique et non plus à la périphérie?
- Peut-on créer une institution au service des citoyens, et non pas à leur propre survie ?
? OUI, car nous avons entre les mains, un système réticulaire (de réseaux), qui donne lieu à une mise en réseaux des individus par la numérisation de ces réseaux (interaction) et donc de réinjecter de l’interactivité au cœur du politique.
Le réseau numérique est aujourd’hui le réseau modèle d’organisation des sociétés, à tous niveaux, qui fait du réseau l’image même du devenir de nos sociétés.
Non seulement le réseau va revitaliser le politique, mais il reprend un outil fantastique pour refondre toute l’organisation, tout l’agencement, tous les stéréotypes de sociétés que nous avons fondé.
On assiste à un remodelage en profondeur de nos habitudes sociétaires, culturelles, mais plus que ça, de notre physiologie, de notre biologie.
On trouve dans la démocratie participative, l’information et l’opinion qui sont deux choses servant à fonder le politique.
> L’opinion est la somme des identités et représentation d’un ensemble d’individu.
Les Etats-Unis ont inventés un outil de la consommation, le sondage d’opinion.
Le sondage est l’ennemi de la démocratie, car il est un leurre et n’est en aucune façon neutre.
Les réseaux permettent quant à aux de déployer émotion et opinion et donc donnent lieu à une régulation politique qui est en train de se mettre progressivement en place. Chacun peut s’exprimer son opinion politique, échange, et donne lieu à un croisement d’arguments.
Ex : Le Référendum pour la Constitution Européenne en 2005 a permit des arguments réfléchis, mûris, des discussions intelligentes.
Web 3.0 : l’arrivée de l’intelligence artificielle
? Web 1.0 signifie contenu + information
? Web 2.0 : les internautes fabriquent le contenu, web service, partager d’avantage, mutualisation des information.
? Web 3.0 c’est le mariage avec le W 2.0 et l’Intelligence Artificielle.
Avec le Web sémantique l’internaute ne va pas seulement croiser des données, mais les faire interagir entre elles. Il y a donc une possibilité de réponses qu’on envisage un Web intuitif, qui réponde au mieux à nos besoins sur mesure.
Avec l’Intelligence Artificielle on arrive à la notion d’intelligence ambiante, différente de l’intelligence collective qui réunit plusieurs individus sur le réseau, mais qui consiste à injecter dans notre environnement de l’intelligence sous forme de puce RFID qui identifient la sollicitation des réseaux.
Elles servent
- au cheminement dans notre corps, pour la guérison de certaines pathologies
- au cheminement dans le réel dans les choses qui vont devenir bavardes avec nous et entre elles avec des échanges d’informations.
On va ainsi passer de l’esprit dans les choses de manière à ce que plus aucun des éléments qui constituent la réalité ne sera muet, mais chacun possèdera des informations qu’il sera possible d’aller chercher en fonction de nos besoins.
Un réseau global, efficace au niveau local
Ce qui se met en place est un réseau distribué, hybride des réseaux humains, sociaux, culturels avec les réseaux numériques. Ce réseau, basé sur une interconnexion généralisée, soulage les humains du travail de mémoire.
Deux échéances à cela :
- Toute mémoire est collective, et sera donc diffusée dans le réseau.
- La mémoire du passé fabrique l’identité
Cette civilisation retravaille les relations entre individus et collectifs : il n’y a plus de mémoire d’espèce mais une technique mémorielle qui circule dans le réseau ? Ce réseau c’est NOUS.
Caractéristique de ce réseau
- La tendance actuelle (outils de contrôle total, objets parlants) est celle d’une intelligence ambiante. Nous sommes dans un système où on trouve toujours plus de libertés, mais où il faut s’adapter au maximum aux demandes et anticiper les besoins des utilisateurs : c’est un système générateur d’attentes.
- Le multiparamétrage : il fonctionne grâce à la voix, au gestuel, à des séries d’émetteurs…
- Multimodalités : c’est un système très ouvert et très contraignant à la fois.
- Saturation : c’est le risque dans un univers où tout devient signe et où le cerveau est tout le temps sollicité, sachant que ce n’est pas le nombre de neurones qui compte dans la plasticité du cerveau mais la rapidité de connexion.
Dans ce rapport nouveau que l’on construit au jour le jour, l’informatique nous transforme en individu ubiquitaire. C’est à ce niveau que le développement des réseaux réseau peut s’avérer aussi positif que bénéfique que néfaste : il n’y a pas un endroit sur terre où l’on ne sera pas identifiable. Mais nos identités risquent de devenir trop interdépendantes de ce réseau.
Le risque est d’oublier les bases actuelles de l'existence et de se perdre dans cette existence numérique, au point de perdre toute distance critique, et d’être dans l’incapacité de répondre à la question « le réseau est-il bon ou pas ? ».
La modernité et sa faim d’unité
Ces nouveaux modèles agrandissent aussi nos territoires urbains ; en tienne pour preuve la chute libre du nombre d’agriculteurs depuis 1930. La ville a absorbé la réalité et tous ses modes de fonctionnement. Aujourd’hui, l’Urbanité est notre modèle et définit de nouvelles architectures spatiales et sociales. On tend aujourd’hui vers des villes intelligentes et une nouvelle temporalité ultra-urbaine et on rêve d’une seule et même ville qui englobe toutes les différences.
En 1968, Mc Luhan signe un texte célèbre « Guerre et Paix dans le village global »
Pour lui, le monde sera très vite unifié sous un même système de signes de perception, de représentation et de consommation.
Donc quand on mélange les facteurs mondialisation + ubiquité de l’identité + intelligence ambiante, on obtient une humanité homogène qui va fonctionner comme un seul organisme. On retrouve cette notion dans les discours écologistes qui parlent de l’humanité comme d’un seul organisme.
S’il est bien abordé, ce réseau doit ^pouvoir être efficace à 2 niveaux :
? Global
? Local
Le phénomène de « glocalisation » oblige le réseau à analyser nos besoins pour améliorer notre quotidien et répondre à nos besoins généraux. Pour cela il faut s’attarder sur le partage des émotions, qui dit que l’intelligence est le produit entre capacité de raisonner et de ressentir.
Le réseau amène au mécanisme subtil de mondialisation des émotions, qui permet de ressentir la même chose partout dans le monde. Exemple : Les premiers pas sur la lune ; La mort de Diana, etc.
? Cette obsolescence de nos modèles de pensée implique une incompréhension des nouveaux modèles en train de se mettre en place, fondés sur une sorte de « chaos intelligent ». Alors que nos sociétés sont fondées sur l’ordre, il faut accueillir le désordre qui est plus riche pour mieux accompagner un réseau en réorganisation permanente.
Ce réseau est donc en réorganisation sur l’horizontalité des individus qui le composent, qui passe par l’ancienne hiérarchie. L’ordre était incarné par le système hiérarchique mais aujourd’hui il vole en éclat. Or aujourd’hui nos sociétés restent fortement hiérarchisées.
L’idéologie de la compétition et de la performance est à l’opposé de ce qui se met en place avec un tel réseau. C’est pourquoi nos sociétés s’accrochent à l’organisation hiérarchique qui a fait ses beaux jours, alors qu’elle est déjà dépassée.
Ce réseau a aujourd’hui la possibilité de joindre 2 éléments :
-Le développement des hyper-outils, les médias et les techniques les plus innovantes viennent à la rencontre de ce désir nouveau qui est né chez l’homme d’être pleinement créateur de sa propre vie.
Ce désir puissant va pouvoir être relayé par ces outils, et nous oblige à une reconfiguration dans laquelle on doit prendre en compte le fait que le réseau est le point d’aboutissement de l’homme à partir duquel tout est à recommencer et à réinventer > Le travail qui nous incombe est d’être iconoclaste, de casser les structure héritées et de voir le réseau comme une critique radicale de ces structures.
Dans une telle projection, la colère devient le mode principal des sociétés, générée par le refus.
La passivité reprochée aux individus est une conséquence de l’obligation de se conformer à une réalité qui ne nous plait pas … « il y a pire que le bruit des bottes, il y a le silence des pantoufles ».
Pondérée par la capacité des gens à proposer des nouveaux sens, à aucun moment il ne nous faut verser dans l’optimisme naïf, ni dans le scepticisme négatif, mais juste au milieu. Il convient d’adopter le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté.
? Le réseau c’est NOUS, il doit être le mariage du pessimisme et de l’optimisme par toutes les compétences qu’il amène.