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Protection de la vie privee du defunt.docx

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Master 2 - Droit Privé Fondamental et Droit de la Famille Droit des personnes La protection de la vie privée du défunt Sommaire Introduction 3 I. La protection de la vie privée du défunt : un fondement impossible 8 A. La vie privée des morts, droit mythique 8 1. Obstacle matériel 8 2. Obstacle théorique 12 B. Les vivants endeuillés, sujets réellement protégés 15 1. Une atteinte potentielle à la vie privée des proches 15 2. Une atteinte réelle aux sentiments des proches 18 II. La dignité humaine : fondement opportun pour la protection de la mémoire du défunt 20 A. Une valeur immortelle de dimension duale 20 1. La consécration effective du principe général de la paix des morts 20 2. La protection simultanée du souvenir et de l’humanité 25 B. Une valeur absolue d’application limitée 28 1. Absence de restrictions 28 2. Strictes conditions 30 Conclusion 35 Bibliographie 36 Introduction « Nul ne peut s'estimer assuré de n'être pas observé, déshabillé, disséqué ». L’intimité de l’homme et le caractère privé de sa personne sont menacés par l’inflation des moyens d’investigation et de divulgation. Des écoutes téléphoniques à la vidéosurveillance et au téléobjectif, en passant par le développement des logiciels et des fichiers informatiques ; les techniques déployées sont aujourd’hui illimitées. Les pouvoirs publics sont renseignés sur chaque individu, les établissements financiers organisent leur traçabilité, l’employeur contrôle ses salariés. Autant affirmer que l’homme n’a pas le monopole de la connaissance des données personnelles de son existence. L’apparition de la presse à sensation l’a même contraint à partager ses secrets ou ses souffrances avec l’ensemble de la société. Sa vie intime et les drames dont il est victime sont aujourd’hui en proie au voyeurisme. Il n’est donc pas surprenant que l’homme aspire à l’isolement ; qu’il ressente le besoin de faire respecter sa « sphère d’intimité » en la tenant à l’écart des regards indiscrets. Bien que ce sentiment semble indissociable du fonctionnement de notre société, « on jurerait » qu’il a toujours existé. Les historiens ont pourtant révélé la modernité de la vie privée. Jusqu’à une époque relativement récente, les mœurs semblaient ignorer la pudeur. Beaucoup d’actes de la vie quotidienne s’accomplissaient au grand jour. Les parisiens se baignaient nus dans la Seine, la reine de France accouchait en public et le secret ne protégeait pas la maladie du Roi. C’est au dix-huitième siècle qu’est généralement associé le véritable essor de la vie privée. La promotion de l’épanouissement personnel - résultat de l’individualisme - favorisait le repliement de l’être sur lui-même. Ainsi est né le besoin de soustraire à « la commune renommée les informations dont la proximité avec la personne justifie qu’elles lui soient réservées ». La protection de cette nouvelle vie privée fut assurée par le juge français qui recourait aux techniques de la responsabilité. C’est sur le fondement de l’article 1382 du code civil que fut forgé le droit à réparation des atteintes à l’intimité. Sous l’influence du progrès de la technique et des sciences, les atteintes et les procès se sont multipliés, incitant le législateur à renforcer la protection par l’érection d’un droit subjectif au respect de la vie privée. Ce fut l’objet de la loi du 17 juillet 1970, qui proclame - à l’article 9 alinéa 1er du code civil - le droit de chacun au respect de sa vie privée. Cette proclamation figurait déjà dans les déclarations, pactes et conventions, qui reconnaissent la protection de la vie privée comme un droit de l’homme. Nous sommes alors tentés de penser que la reconnaissance d’un droit général au respect de la vie privée est, sinon universelle, à tout le moins commune au monde occidental. Nous observerons qu’elle reflète, en réalité, la particularité du droit français. Si la protection de la vie privée n’est pas ignorée des droits étrangers, sa portée est généralement limitée. Nombreux sont les pays qui n’ont pas instauré de régime directement protecteur de la vie privée. A la différence de la France, ces derniers n’ont pas réellement éprouvé le besoin de mettre en place une protection efficace. L’appréhension juridique de la vie privée dépend donc du contexte socioculturel de l’Etat concerné. Si le droit français fut le premier attentif à la protection de la vie privée, c’est parce que l’aspiration à l’intimité - le culte de la tranquillité - est un tempérament typique des français. Bien que ce sentiment ne soit pas dominant aux Etats-Unis, la protection de la vie privée connait, dans ce pays, une remarquable avancée. Le droit américain se caractérise en effet par l’existence d’un right of privacy, consacré par les juridictions ou les lois d’un grand nombre d’Etats. La sanction de ce dernier est assurée par le mécanisme des torts, que l’on peut assimiler à une responsabilité civile pour atteinte à la vie privée. La common law américaine connait quatre catégories de torts susceptibles de fonder une demande de dommages et intérêts. Beaucoup d’Etats ont désormais codifié tout ou partie de ces derniers. S’il ne fait aucun doute que le droit à la vie privée existe aux Etats-Unis, il doit néanmoins s’incliner devant la liberté d’expression, garantie par le premier Amendement de la Constitution. En matière de protection de la vie privée, le droit des Etats-Unis a devancé le droit anglais, qui ne connait pas le right of privacy. S’il ne parvient à s’implanter dans le paysage britannique c’est en raison de l’important pouvoir reconnu aux médias. Plusieurs propositions tendant à l’adoption d’un droit général au respect de la vie privée furent élaborées sans succès. Seuls les tribunaux peuvent donc développer au cas par cas une protection de la vie privée. Pendant longtemps, ces derniers ont toutefois refusé de reconnaître un droit direct au respect de la vie privée, préférant recourir à des délits spécifiques pour sanctionner toute atteinte à l’intimité. L’adoption du Human Right Act en 1998 - intégrant en droit anglais la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme - fut l’occasion d’une nouvelle tentative de création d’un droit protecteur de la vie privée. Si l’entreprise a de nouveau échoué, la protection jurisprudentielle de la vie privée s’est depuis intensifiée. En cette matière, l’Angleterre demeure néanmoins derrière bon nombre de ses voisins. Le droit allemand au respect de la vie privée, dont la situation était similaire à celle du droit anglais, s’est considérablement développé depuis la Seconde Guerre. Initialement, le juge ne protégeait qu’indirectement la vie privée sur le fondement de délits spéciaux, tel que le droit à l’image ou au nom. Depuis l’entrée en vigueur de la Loi fondamentale, la jurisprudence a consacré le droit général de toute personne au respect de sa dignité et au libre développement de sa personnalité. Il existe donc en Allemagne un droit général et direct au respect de la vie privée. Remarquons alors que les allemands ont devancé les français, qui n’ont raisonné que récemment en termes de droit subjectif. Si l’appréhension de la vie privée par ces droits étrangers devait être esquissée - pour témoigner de la spécificité du droit français et de l’importance du sentiment de vie privée en France - nous limiterons notre étude à « la protection de la vie privée du défunt » en droit français. Puisque la notion de vie privée est essentiellement culturelle, car tributaire des conceptions de chaque société, il importe à présent de déterminer son contenu en droit français. Précisons alors que le législateur ne propose pas de définition générale et absolue de la notion, dont il est difficile de fixer les limites. Le caractère nécessairement fluctuant de la vie privée constitue toutefois la force de cette notion, susceptible de s’adapter aux évolutions et permettant les plus larges interprétations. Il convient en effet de constater que le contenu de la vie privée est très étendu en droit français, ce qui semble traduire notre forte aspiration à l’intimité. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous pouvons affirmer que relèvent de la vie privée toutes les données relevant de la vie personnelle et familiale d’un individu. Ainsi en va-t-il naturellement de son identité, de sa vie sentimentale, de son image ou de son état de santé. La jurisprudence a également étendu le contenu de la vie privée aux loisirs de l’individu, à son patrimoine et à sa situation fiscale, ainsi qu’à certains aspects de sa vie professionnelle. Sont en revanche exclus du domaine de la vie privée toutes les activités publiques de la personne, ainsi que son honneur et sa réputation. C’est au sentiment de la pudeur et non à celui de l’honneur que fait référence le concept de vie privée. Il subsiste, quant à l’étendue de la vie privée, une interrogation directement liée à l’étude de notre sujet : la mort appartient-elle à cette « sphère d’intimité » que constitue la vie privée ? Mieux vaut poser la question en ces termes : le mort reste-t-il protégé par le secret de la vie privée ? Cette interrogation - dont la solution sera donnée dans le corps de la présente étude - commande de s’intéresser plus généralement au sort juridique du mort. Le décès est-il en droit un total effacement ? Comme Planiol, peut-on affirmer que « les morts (…) ne sont rien » ? Souviens-toi que tu n’es que poussière et à la poussière tu retourneras … telle n’est pas l’exacte conception de notre droit. S’il est difficile de déterminer un véritable statut juridique du cadavre humain, il est impossible de nier sa prise en considération par le droit. Il convient d’ailleurs de constater que sa protection est plus importante que par le passé. Sans faire un inventaire général des hypothèses concernées, nous proposons de rappeler certains aspects de cette protection. Commençons par mentionner la répression de la violation ou de la profanation des sépultures et monuments édifiés à la mémoire des morts. Cette première remarque nous incite à signaler l’existence d’un droit du mort à être enterré sur le territoire d’une commune donnée. En dehors de cette protection de la dernière demeure, il convient de constater le respect généralement porté au derniers repos. Cela se traduit notamment par la protection de l’image posthume et par l’interdiction d’exhumer un corps sans une autorisation. Quant à la mémoire du mort, elle est protégée en cas d’injure ou de diffamation envers ce dernier, à condition toutefois que les vivants soient eux-mêmes offensés. Dans le même ordre d’idée, mentionnons la possibilité de rendre son honneur à un mort dont la culpabilité fut injustement reconnue. Le droit admet enfin que des manifestations de volonté émises par le vivant puissent recevoir exécution après sa mort. Ainsi reconnait-on la licéité du mariage posthume et la possibilité pour l’individu de décider du devenir de ses éléments corporels (don du corps à la science, choix de l’inhumation ou de l’incinération, lieu de dispersion des cendres…). S’agissant des prélèvements génétiques post mortem, ils sont aujourd’hui interdits lorsque le défunt n’y avait pas expressément consenti. Parallèlement à cette protection du défunt, semble se dessiner une tendance contradictoire ; celle de l’instrumentalisation croissante du cadavre humain. Elle se traduit essentiellement par des interventions médicales, menées après le décès, à des fins scientifiques ou thérapeutiques, et dans le cadre de procédures judiciaires. Outre l’affaiblissement des mœurs judéo-chrétiennes, cette instrumentalisation du corps mort révèle la tendance réificatrice de notre droit. Si le mort n’est pas rien, il est juridiquement assimilé à une chose. La conséquence de cela est l’absence de personnalité juridique du mort, dont résulte son inaptitude à être titulaire de droits. De ce constat nait la problématique du sujet ; Peut-on envisager l’existence d’un droit posthume au respect de la vie privée, dont les héritiers pourraient se prévaloir au nom et dans l’intérêt du décédé ? Il n’est pas de question soulevée par les droits de la personnalité auxquelles il est plus difficile de répondre . C’est pourtant à cette question que nous tenterons d’apporter une réponse. Bien qu’il soit impossible de protéger la vie privée du défunt (I), celui-ci ne reste pas sans protection. Sa mémoire pourra être protégée sur le fondement du respect de la dignité humaine (II). La protection de la vie privée du défunt : un fondement impossible Lorsque sont divulguées des informations qui étaient personnelles au défunt ou qu’est diffusée l’image de son corps mort, les proches de ce dernier invoquent - en son nom et dans son intérêt - le droit au respect de la vie privée (C. civ., art. 9). Si le choix d’un tel fondement se comprend aisément, il se révèle pourtant doublement inopérant ; quant à l’objet du droit invoqué - qui ne peut être le respect posthume de la vie privée (A), et quant au sujet protégé - qui n’est pas la personne décédée mais ses proches endeuillés (B). La vie privée des morts, droit mythique La reconnaissance, au profit du décédé, d’un droit au respect de sa vie privée dépend de l’existence même d’une vie privée post mortem. Peut-on alors imaginer la permanence de la vie privée au-delà du décès, après que la vie elle-même ait cessé d’exister ? L’apparente contradiction que révèle cette interrogation nous dévoile d’ores et déjà la solution. « C’est faire jurer les mots », a-t-on dit, que de concevoir la vie privée d’un mort. Cette dissonance sémantique - qui témoigne d’une impossibilité matérielle de reconnaitre l’existence d’un droit posthume au respect de la vie privée (1) - se double d’une hérésie juridique - dont résulte une impossibilité théorique d’envisager la protection post mortem du droit concerné (2). Obstacle matériel Pas de vie privée sans vie. La vie privée des morts n’a pas d’existence ; c’est là une vérité d’évidence. « Sphère d’intimité » au sein d’une vie, la vie privée ne peut exister indépendamment de celle-ci. Monopole des vivants, elle disparait naturellement avec le décès, sans que sa survie ne puisse raisonnablement être envisagée. C’est donc par la force des choses que la négation d’une « vie privée posthume » s’impose. Comment les morts, dépourvus de vie, pourraient-ils encore bénéficier d’une vie privée ? Malgré cette impossibilité de fait, certains auteurs ont invoqué le prolongement de la vie privée par delà le décès. Ce raisonnement, pour le moins surprenant, est bien évidemment erroné. Lorsqu’il n’y a pas de vie, il n’y a pas a fortiori de vie privée ; cela n’a pas à être démontré, c’est un truisme de l’affirmer. Il suffit donc d’observer la réalité pour s’apercevoir que « l’immortalité » de la vie privée est une absurdité. Comment expliquer alors que d’éminents auteurs aient décelé une vie privée là où elle ne saurait matériellement exister ? Ont-ils simplement commis une erreur ou ont-ils raisonné de manière consciente et délibérée ? Autrement dit, l’affirmation d’une vie privée post mortem est-elle un abus de langage ou un « forçage » en vue d’accorder au mort certains avantages ? La deuxième hypothèse est la plus vraisemblable. Il apparait, en effet, que ces auteurs ont instrumentalisé le concept de « vie privée » en le transposant du monde des vivants à celui des personnes décédées. Pour que ces dernières conservent l’intimité dont elles jouissaient avant le décès, il fallait éviter que des éléments anciennement constitutifs de leur vie privée soient impunément révélés. A travers l’emploi des termes « vie privée » ce sont les effets de droit, c'est-à-dire la protection qu’elle présuppose, qui étaient recherchés. Ce n’est donc pas la vie privée mais l’intimité de la vie passée que les auteurs souhaitent voir perdurer après le décès. Plus que la « vie privée » elle-même, c’est le caractère « privé » qui est au cœur de l’analyse des auteurs : ce qui était privé du temps de la vie doit le demeurer après celle-ci. Mieux vaudrait alors parler d’une « mort privée ». Toutefois, si cette expression est plus appropriée, elle n’est pas légalement consacrée, ce qui semble justifier l’extension posthume des règles applicables aux vivants, ou à tout le moins de leurs effets. D’un point de vue moral, cette solution se comprend aisément. Il n’est pas acceptable que la mort fasse tomber dans le domaine public les aspects les plus intimes de la vie. Le décès ne saurait constituer « une franchise permettant à n’importe qui de jeter en pâture au public » l’intimité passée des personnes décédées. C’est toutefois en dépit de toute rationalité que les auteurs ont octroyé au défunt une vie privée. Cette attitude surréaliste semble révéler une confusion entre la vie privée - qui a disparu - et le souvenir de l’existence - qui précisément prend naissance. Les données anciennement constitutives de la vie privée et l’intimité qui leur est attachée continuent d’exister à travers le souvenir qu’ont conservé du défunt ses proches endeuillés. En effet, si la vie privée cesse d’exister, sa disparition n’est pas entachée de rétroactivité. Les éléments réputés privés durant la vie ne perdent pas cette qualification par le seul fait du décès. Il n’existe alors aucune raison d’ordre matériel pour que l’intimité de la vie privée disparaisse avec elle. Celle-ci appartient aux proches du défunt - gardiens de sa mémoire - seuls à pouvoir décider si elle doit ou non être préservée. L’octroi d’une « vie privée posthume » - car c’est d’octroi dont il s’agit - était le préalable nécessaire à la consécration d’un droit du mort à ce que sa vie privée - ou de manière plus réaliste son intimité passée - demeure respectée. La reconnaissance de ce droit, en ce qu’elle repose sur un postulat erroné, n’a aucune légitimité. L’absence de vie privée a pour corollaire l’inexistence de tout droit relatif à cette dernière. Pas de droit sans objet. Le droit au respect de la vie privée s’éteint inévitablement au jour du décès, lorsque la vie privée elle-même disparait. Nous l’avions annoncé, l’existence d’une vie privée post mortem est la condition sine qua non de la reconnaissance d’un droit posthume au respect de la vie privée. Il est matériellement impossible d’envisager un droit ayant pour objet une chose qui n’existe pas. La « vie privée posthume », appréhendée comme telle, ne peut donc faire l’objet d’une protection juridique. Rappelons en effet qu’il existe une corrélation entre le droit subjectif et l’action en justice que l’on peut schématiser à travers l’expression : pas de droit, pas d’action. Destinée à garantir l’exercice effectif du droit subjectif, l’action ne peut valablement être intentée si elle n’a pas pour support le droit concerné. A défaut d’être fondée, l’action tendant au respect de la vie privée du mort ne peut prospérer. Pour justifier l’absence de protection nul n’est besoin d’aller chercher aussi loin. Il suffit de constater qu’il n’existe, au-delà du décès, aucune vie privée à protéger. Toute action en justice, en plus d’être infondée, serait donc inutile. Il est impossible en effet d’attenter à la vie privée inexistante des personnes décédées. Ce constat de logique est moralement problématique. Il est pénible d’accepter que la protection édifiée en matière de vie privée puisse céder à un moment où elle s’avère pourtant nécessaire. Ce qui n’était guère tolérable du vivant de la personne est encore moins supportable lorsque celle-ci, sans vie, est incapable de se défendre. Il importe alors de bien comprendre que c’est le fondement et non le principe même de la protection qui est rejeté. Dire qu’il ne peut être attenté à la vie privée des personnes décédées, ne saurait signifier que les faits intimes de la vie passée peuvent être dévoilés en toute impunité. Il est certain que la révélation posthume des secrets de la vie constitue une atteinte que des impératifs moraux commandent de sanctionner. Il ne peut toutefois s’agir d’une atteinte à la vie privée, laquelle - ce n’est plus à démontrer - n’a aucune réalité posthume. Une atteinte à la vie privée antérieure ne peut d’avantage être retenue dès lors que toute atteinte à la vie privée - sans égards à la date de réalisation des faits intimes - est caractérisée au jour de la divulgation de ces derniers. Or, si la divulgation intervient après le décès, l’atteinte n’est pas constituée puisque toute référence à la vie privée doit être abandonnée. L’unique solution est de renoncer à fonder la sanction sur le droit au respect de la vie privée ; c’est là un fondement inapproprié et manifestement erroné. Telle ne fut pas toujours la position adoptée par les tribunaux. Certains d’entre eux ont parfois consacré une « vie privée posthume » en permettant aux héritiers du défunt d’en assurer la protection au nom de ce dernier. Toutes les décisions concernées - dont la plus célèbre est celle rendue dans l’affaire Jean Gabin - avaient pour fondement l’article 226-1 du code pénal. Ce texte incrimine la reproduction non autorisée de l’image d’autrui, en considération de l’atteinte à l’intimité de la vie privée qu’elle est susceptible de causer. La valeur sociale protégée, le fondement de la protection organisée est donc bien le respect de la vie privée. Signalons d’ailleurs que le texte figure au sein d’une section intitulée « De l’atteinte à la vie privée ». Les juges ne se sont pas contentés de mentionner ce texte au visa de leur décision, ils ont ouvertement pris position en affirmant que « la protection de la vie privée [persiste] au-delà de la mort », et qu’il ne peut être allégué que « le droit au respect de l’intimité de la vie privée prend fin à la date du décès ». Ces décisions sont évidemment embarrassantes eu égard aux propos tenus précédemment. Deux remarques peuvent toutefois être formulées. Constatons en premier lieu que ces décisions - rendues par des juridictions du fond ou par la chambre criminelle de la Cour de cassation - ont pour fondement le droit pénal, ce qui invite à relativiser leur portée au regard de la théorie civiliste des droits de la personnalité. Soulignons en effet l’aptitude du droit pénal à raisonner sans sujet de droit et sans se soucier de l’effectivité du droit subjectif invoqué. Lorsque le juge pénal doit se prononcer sur les intérêts civils, c’est sur la réalité de l’atteinte et sur la nécessité d’une indemnisation que se portent ses attentions. Il convient également de préciser que ces décisions sanctionnaient la diffusion de photographies d’une dépouille mortelle. Or l’image du mort, en raison de sa présence matérielle, peut être l’objet d’une protection. Affirmer que « la fixation de l’image d’une personne, vivante ou morte, est prohibée » ne soulève donc aucune difficulté. Qui peut approuver l’exploitation mercantile de l’image mortuaire ? Justifier l’interdiction sur le fondement d’une atteinte à la vie privée du décédé est en revanche plus gênant. Ce qui l’est également, au regard des règles de droit, c’est de permettre aux héritiers du défunt d’agir pour le respect de sa personnalité. Les décisions ayant consacré un droit posthume au respect de la vie privée sont donc inadmissibles tant au regard de la logique que de la théorie juridique. Obstacle théorique Le régime des droits de la personnalité. L’obstacle matériel précédemment exposé pourrait juridiquement être surmonté. Il est permis d’imaginer au moyen d’une fiction le prolongement de la vie privée par delà le décès. Dénaturation de la réalité en vue de parvenir à une solution d’opportunité, la fiction est une technique familière à notre matière. Postuler l’existence d’une vie privée après la mort afin d’octroyer au défunt un droit au respect de son intimité pourrait donc être envisagé. Toutefois cette solution se heurte à un obstacle théorique dont le contournement est beaucoup plus dérangeant. Même à considérer, au moyen d’un artifice, que la vie privée survit au décès, le droit assurant son respect ne saurait exister. Rappelons en effet que le mort n’est pas, par principe, titulaire de droit subjectif. Or, faute de sujet pour l’exercer, le droit au respect de la vie privée ne peut subsister. La seule possibilité pour cela serait d’envisager la transmissibilité du droit aux héritiers, laquelle doit précisément être écartée. La nature même du droit étudié, en faisant obstacle à sa transmissibilité, empêche la persistance de ce dernier au-delà du décès. Droit de la personnalité, il est « irréductiblement attaché à la personne »  et permet d’assurer la protection de sa personnalité, ce que celle-ci, en elle, a de propre et d’essentiel. Il est, en d’autres termes, consubstantiel à la personne humaine. Le droit au respect de la vie privée - de même que la personne et sa personnalité - disparait donc naturellement après le décès. Il est un droit par essence temporelle dont la limite est celle de l’existence humaine. Puisque la mort du droit coïncide avec celle de la personne, le droit ne survit pas à cette dernière le temps nécessaire à sa transmission. Il suffit, pour fonder en droit cette solution, de constater que le droit au respect de la vie privée appartient au genre des droits extrapatrimoniaux. Or, nous le savons, si la mort opère transmission des droits patrimoniaux, elle est une cause d’extinction des droits extrapatrimoniaux. Le droit au respect de la vie privée ne saurait donc se transmettre aux héritiers. Privés du droit, ces derniers sont corrélativement dépourvus de l’action en justice permettant d’en assurer la défense. Les juridictions qui ont accueilli l’action des héritiers, exercée au nom du défunt en vue de protéger sa personnalité, ont introduit une hérésie dans le paysage juridique. Elles autorisent la transmission d’un droit de la personnalité qui, par son essence même, exclut la patrimonialité et donc la transmissibilité post mortem. Elles contrarient ainsi une solution de principe commandée par le régime des droits de la personnalité : l’intransmissibilité du droit au respect de la vie privée. L’unique moyen pour contourner cette intransmissibilité serait de reconnaitre au défunt une personnalité diminuée ; d’admettre qu’il demeure titulaire du droit mais qu’il n’a plus le pouvoir de l’exercer. C’est précisément ce que prévoit la loi en qualifiant de « perpétuel » le droit moral de l’auteur. Si la survie de la personnalité est dans ce cas justifiée - par la présence matérielle de l’œuvre qui, en tant que création originale, est l’expression de cette personnalité - tel n’est pas le cas en matière de vie privée. Cette solution impliquerait par ailleurs une double fiction : le maintient posthume de la vie privée et de la personnalité. Il convient de préciser que le principe d’intransmissibilité du droit au respect de la vie privée est contrarié par l’article 226-6 du code pénal. Ce texte permet aux « ayants droit » du défunt d’agir contre la fixation, attentatoire à la vie privée, de l’image de ce dernier. Si les textes ne contiennent aucune référence expresse à la personne décédée ou à une possible transmissibilité, l’allusion aux « ayants droit » postule que l’action peut être recueillie par succession. Au regard du régime juridique des droits de la personnalité, l’application qui est faite de ce texte doit être condamnée. Telle est, semble-t-il, la position actuelle des juridictions civiles. La règle jurisprudentielle interdisant d’invoquer le droit posthume au respect de la vie privée. Dans un arrêt du 14 décembre 1999, la première chambre civile de la Cour de cassation a anéanti sans ambiguïté le mythe d’un droit posthume au respect de la vie privée. Aux ayants droit de François Mitterrand - qui demandaient réparation de l’atteinte à la vie privée que la parution d’un livre causait à ce dernier - la Cour répond que « le droit d'agir pour le respect de la vie privée s'éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit ». Cette solution révèle une application logique et rigoureuse des règles gouvernant le régime des droits de la personnalité. En se plaçant sur le terrain du droit à agir, la Haute juridiction affirme le caractère personnel du droit au respect de la vie privée et son intransmissibilité aux héritiers. Au décès de leur auteur, ces derniers ne recueillent - et ne peuvent donc intenter - aucune action relative aux droits de sa personnalité. La protection de la vie privée doit désormais être invoquée par une personne vivante, à la vie privée de laquelle il est attenté. Les héritiers ne peuvent en aucun cas agir au nom et dans l’intérêt de leur parent défunt sur le fondement de l’article 9 du code civil. Cette voie leur est définitivement fermée. La solution adoptée par la première chambre civile de la Cour de cassation a été analysée, par une doctrine unanime, comme le terme des incertitudes jurisprudentielles en la matière Les juges ne peuvent plus faire état d’une atteinte à la vie privée du mort sans contredire désormais la jurisprudence établie de la Haute juridiction. Subsiste néanmoins une interrogation. Cette règle jurisprudentielle - interdisant d’invoquer le droit au respect de la vie privée des morts - vaut-elle également pour les autres droits de la personnalité, notamment le droit à l’image ? En se plaçant sur le terrain du droit à agir, il semble que la Cour de cassation ait souhaité conférer à sa décision une large portée. Elle parait consacrer de manière ferme et définitive le principe de l’intransmissibilité de tous les droits attachés à la personne. Il serait donc logique d’appliquer cette solution au droit à l'image, sauf à lui reconnaitre un caractère patrimonial. Quant au droit posthume à la vie privée, il doit doublement être condamné ; parce qu’il est intrinsèquement erroné et parce qu’il est impossible de l’invoquer. Il faut également constater qu’il ne rend pas compte des intérêts réellement protégés. Les vivants, sous couvert de ce fondement, poursuivent en réalité la satisfaction de leurs propres sentiments. « Ce qui justifie pleinement l'intervention du juge ce n'est pas le respect évanescent des droits subjectifs d'une personne qui n'est plus sujet de droit mais le manque de décence pour les larmes et la douleur des vivants ». Les vivants endeuillés, sujets réellement protégés Incapable de souffrir, le mort lui-même n’a plus d’intérêt à être protégé. Au-delà de sa personne, c’est sa mémoire qu’il convient de préserver, le souvenir que conservent de lui ses proches endeuillés. Personnellement lésés lorsque la mémoire du mort n’est pas respectée, ce sont ces derniers que le droit peut effectivement protéger. Ce qui, la vie durant, constituait une atteinte à la vie privée n’est donc sanctionné que si les vivants sont affectés. Dès lors qu’ils ont intérêt à la protection - dont ils sont les seuls à bénéficier concrètement - c’est en leur propre nom qu’une action doit être exercée. Reste à déterminer le fondement juridique de cette action. Est-ce le droit au respect de leur propre vie privée que les proches du défunt doivent invoquer ? Si une atteinte à la vie privée de ces derniers est parfaitement concevable, elle est toutefois peu vraisemblable (1). Il est certain en revanche que l’irrespect du deuil leur cause un préjudice moral susceptible de fonder une action en responsabilité (2). Une atteinte potentielle à la vie privée des proches Problématique. L’intimité du défunt - celle de sa vie passée - et l’intimité de ses proches endeuillés semblent intimement liées. Il apparait impossible d’attenter à l’une sans offenser l’autre également. La famille - ou du moins les plus proches parents - font partie de la « sphère d’intimité » que constitue la vie privée de tout individu. Vie privée et vie familiale sont d’ailleurs généralement confondues. Le doyen Carbonnier allait même jusqu’à affirmer que « la vie privée est indivisiblement familiale », l’ancienne vie privée du mort appartenant désormais à ses descendants. On comprend alors que les consorts Erignac et Mitterrand se soient sentis violés dans leur propre vie privée lorsque l’image ou les secrets de celui dont ils partageaient l’intimité furent publiquement exhibés. Parallèlement à leur action fondée sur le respect de la vie privée du défunt, ces derniers demandaient, en effet, réparation de l’atteinte causée à leur propre vie privée. Les juridictions saisies dans ces affaires, refusant de se fonder sur la mythique vie privée des morts, jugeaient recevable l’action des héritiers sur le fondement de leur droit personnel au respect de la vie privée. Dans l’affaire qui opposait la famille Mitterrand au docteur Gubler, à propos de son livre Le grand secret, les premiers juges consacraient la notion de « vie privée familiale » en référence à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dans l’affaire Erignac, la Cour d’appel de Paris relevait une violation de la vie privée des proches, résultant de l’atteinte à leurs sentiments d’affection envers le défunt. Rappelons qu’avait été publiée la photographie du cadavre ensanglanté du préfet de Corse, gisant sur la chaussée. Il convient de préciser que la Haute juridiction, dans ces deux espèces, n’a pas adopté la position des juges du fond. Toutefois, si elle n’a pas consacré l’existence d’une vie privée familiale ni constaté une atteinte la vie privée des proches, elle n’a pas expressément rejeté le fondement invoqué. Il importe alors de s’interroger quant à la validité et l’opportunité de ce dernier. Lorsque sont divulguées des informations intimes concernant une personne décédée, ses proches peuvent-ils invoquer l’article 9 du code civil afin d’obtenir réparation de l’atteinte prétendument causée à leur propre vie privée ? La publication de l’image mortuaire d’un parent défunt peut elle troubler la vie privée des membres de sa famille, les autorisant à invoquer en leur nom personnel l’article susvisé ? Une vie privée protégeable. Commençons par constater que c’est là un fondement plus approprié que ce droit mythique à la vie privée dont seraient titulaires les personnes décédées. Voilà évincée « l’analyse fallacieuse » d’une protection posthume de la vie privée. Au regard de la théorie juridique, l’invocation d’un droit propre aux membres de la famille permet de contourner l’intransmissibilité des droits attachés à la personne. Les proches ne se fondent plus sur le prétendu droit au respect de la vie privée du mort mais sur le droit au respect de leur propre vie privée dont ils sont intrinsèquement titulaires. Ce n’est plus en qualité d’ayants droit mais en qualité de parents affectés par la divulgation qu’ils intentent leur action. Il n’existe a priori aucun écueil juridique au succès de leurs prétentions. « La seule vraie question » en termes de vie privée est donc celle de la reconnaissance, en pareille occurrence, d’un droit au respect de l’intimité des proches. C’est d’ailleurs la seule question que l’on peut légitimement se poser. Contrairement à celle du défunt, la vie privée des proches endeuillés est une réalité. Belle et bien existante, elle appelle respect et protection comme toute autre vie privée. Il faut en conclure que le fondement du droit au respect de l’intimité des proches n’est pas intrinsèquement erroné. Il peut donc être invoqué et est susceptible de prospérer. Encore faut-il pour cela que l’atteinte à la vie privée des proches soit réellement caractérisée. Une vie privée en pratique non outragée. Un article ou une photographie relatif à un mort peut-il, du seul fait de sa diffusion, constituer une violation de l’intimité de ses proches ? La question est celle de la recevabilité de ces derniers à agir sur le fondement de l’article 9 du code civil pour la protection de leur droit propre. La réponse est tributaire du contexte inhérent à l’affaire. Lorsque la publication, en plus de concerner la personne décédée, représente ses proches ou révèle des informations qui leurs sont personnelles, l’atteinte à leur vie privée ne peut être contestée. Telle est la solution retenue par la Cour d’appel de Paris dans l’Affaire Yves Montand. Elle juge recevable la compagne de l’artiste à contester la diffusion d’un ouvrage qui, en exposant sa relation avec le défunt, violait son intimité. En l’espèce, l’atteinte à la vie privée du proche est directe et indépendante des liens unissant le mort au vivant. Ce dernier n’agit pas en qualité de proche du défunt mais en qualité de personne lésée dans sa propre intimité. La problématique n’est donc pas celle des jurisprudences étudiées. Dans les affaires Erignac et Mitterrand, il n’était fait aucune allusion aux familles des défunts. Les premiers juges considéraient que la représentation ou l’évocation du mort - en elles-mêmes et indépendamment de toute référence aux vivants – pouvaient être qualifiées d’atteintes à leur vie privée. Celle-ci résulterait du manque de respect envers le deuil des familles, causé par les publications litigieuses peu après le décès. Cette analyse doit, selon nous, être écartée. S’il est certain que la douleur des proches est rehaussée par la divulgation intervenue pendant la période de deuil, aucune atteinte à leur vie privée n’est pour autant constituée. C’est uniquement dans leurs sentiments à l’égard du défunt et non dans leur intimité que les familles sont offensés. Certains répliqueront alors que la douleur des proches - atteints dans le tréfonds de leur affection - relève de l’aspect le plus intime de leur être, et donc de leur vie privée. C’est étendre démesurément la notion de vie privée, au risque de nuire à son identification et à l’effectivité de sa protection. Assimiler par ailleurs l’atteinte aux sentiments des proches à une violation de leur intimité révèle une confusion entre le préjudice moral et l’atteinte à la vie privée. Cette dernière, de toute évidence, devait être écartée. Peut-être faut-il voir, dans les décisions commentées, une solution d’opportunité. Les juges devaient en effet arbitrer le traditionnel conflit entre liberté d’expression (Conv. EDH, art. 10) et droit au respect de la vie privée (C. civ., art. 9). Faire primer ce dernier était sans doute la seule solution permettant de faire échec à la liberté d’expression et de garantir aux proches le succès de leurs prétentions. Quant à la référence au critère de la protection du deuil, elle permettait de limiter dans le temps les restrictions portées à cette liberté et d’assurer la transaction entre les deux impératifs. Quelle que soit toutefois son opportunité, ce critère révèle la faiblesse du fondement invoqué. Il n’est pas concevable en effet que le droit au respect de l’intimité des proches disparaisse une fois la période de deuil achevée. Seule la douleur peut ainsi s’estomper. Cela démontre bien que la vie privée n’était en rien concernée. Une atteinte réelle aux sentiments des proches Un préjudice moral indéniable. L’exploitation de l’image ou des données relatives à l’existence d’une personne décédée causent un préjudice incontestable aux proches de cette dernière. La souffrance ressentie à l’annonce de son décès est renforcée par le spectacle médiatique de son image mortuaire. Il en va de même lorsque sont publiquement révélées des informations de nature à entacher la mémoire de cette personne décédée. Profondément atteints dans leurs « sentiments d’affliction », les proches subissent un préjudice moral et personnel, que la proximité de la diffusion par rapport au décès rend d’autant plus évident. L’allusion au mort pendant la période de deuil ravive, en effet, des souvenirs douloureux. Personnellement blessés, ils bénéficient alors d’un intérêt légitime à agir en réparation de leur préjudice. Ils peuvent intenter une action civile en responsabilité (C. civ., art. 1382), laquelle est née en leur personne et constitue donc un droit propre à ces derniers. Le fondement de la responsabilité permet ainsi d’éluder tout débat relatif à l’intransmissibilité. Remarquons également qu’il est plus adapté que le droit au respect de l’intimité des proches pour sanctionner les atteintes portées à la mémoire du décédé. Contrairement à la violation du droit susvisé, qui ne pouvait être caractérisée, l’existence du préjudice moral est une réalité. La recevabilité de l’action des proches semble toutefois conditionnée par la référence au deuil. La publication, pendant cette période, d’une image ou d’un article relatif au mort devrait suffire à caractériser tant le préjudice que la faute. Quant au lien de causalité entre la diffusion et le préjudice des familles, il n’est pas nécessaire de le démontrer. Ainsi l’exploitation - à des fins mercantiles - d’informations relatives au défunt - lors du deuil de sa famille - est-elle source de responsabilité civile. Il y a, pendant la période qui succède au décès, conjonction des conditions de la responsabilité. Or c’est essentiellement au cours de cette période qu’interviennent les diffusions concernées. Cela résulte des « conditions de fonctionnement de [nos] médias qui captent l’actualité immédiate ». Au regard de la théorie générale de la responsabilité, l’action des proche - sur ce fondement - devrait donc prospérer. Tel n’est pourtant pas le cas lorsqu’elle se heurte à la liberté d’expression et aux nécessités de l’information. L’action civile en réparation conditionnée par la liberté d’expression. La jurisprudence a réduit le droit à réparation des proches, en limitant le recours à la responsabilité lorsqu’une publication nuit à la mémoire du défunt. Elle fait prévaloir, en pareilles circonstances, les libertés d’expression et d’opinion, ainsi que les droits de l’histoire. Cela se traduit en pratique par l’annihilation du droit des familles à agir en réparation. Seules deux situations - improbables ou indémontrables dans leur réalisation - permettent la réparation du préjudice causé par la publication. Il s’agit, en premier lieu, du cas de diffamation ou d’injure contre la mémoire d’un mort, dès lors que l'auteur avait l'intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des vivants. Une action sur ce fondement n’aboutie que rarement, l’intention de nuire aux héritiers étant difficile à prouver. Or, à défaut de rapporter cette preuve, les proches d’un défunt insulté ou diffamé ne sauraient invoquer le droit commun de la responsabilité. En dehors de toute publication à caractère outrageant ou insultant, seule une relation de faits inexacts ou déformés peut donner lieu à réparation. Aucune faute ne peut être imputée au journaliste, à l'écrivain ou à l'historien qui se borne à relater des faits avérés et à exposer sans excès ses opinions. Face à la puissante liberté d’expression, exit le principe de réparation ! Si la représentation du mort et la révélation de ses secrets sont des causes indéniables de responsabilité, elles engendrent un préjudice pratiquement impossible à réparer. Il importe alors de trouver un autre fondement, susceptible de protéger efficacement la mémoire des décédés. Au delà du strict impératif de réparation, le principe général du respect des morts commande une protection absolue et infinie de la mémoire humaine. La dignité humaine : fondement opportun pour la protection de la mémoire du défunt Bien que le fondement de la vie privée posthume du défunt soit erroné, que celui de la vie privée des proches soit en pratique inadapté, et que la responsabilité civile ne permette pas d’obtenir réparation du préjudice subi par les proches du défunt, l’impératif moral de protéger ce dernier, et notamment sa mémoire demeure. C’est la raison pour laquelle les juges, plutôt que de fonder leur décision sur l’article 9 du Code civil, se réfèrent à l’article 16 dudit Code consacrant la dignité humaine. Ils obtiennent ainsi la protection souhaitée à l’égard du défunt et de sa mémoire, la dignité humaine étant une valeur immortelle (A). Ce principe est par ailleurs plus protecteur que celui du respect de la vie privée en ce qu’il ne s’accommode d’aucune atteinte, bien qu’étant soumis à de strictes conditions (B). Une valeur immortelle de dimension duale La dignité humaine, qui connaît un essor dans différentes branches du droit et qui a aujourd'hui une valeur constitutionnelle et internationale, ne disparaît pas après le décès. Ce fondement a permis de rendre effectif le principe général du respect des morts (1). Par ailleurs, elle permet une protection à la fois du défunt, de sa mémoire, ce dernier demeurant une personne humaine après son décès, et du souvenir des proches endeuillés qui exerceront l’action pour atteinte à la dignité humaine et de l’humanité (2). La consécration effective du principe général de la paix des morts Essor du concept de dignité humaine. La première chambre civile de la Cour de cassation va pour la première fois, à propos de la publication d’une photographie du corps du Préfet Erignac, se fonder sur l’article 16 du Code civil et donc sur l’atteinte à la dignité humaine : « la cour d’appel a pu juger, dès lors que cette image était attentatoire à la dignité de la personne humaine, qu’une telle publication était illicite, sa décision se trouvant légalement justifiée au regard des exigences tant de l’article 10 de la Convention européenne que de l’article 16 du Code civil ». La Haute juridiction ne procède pas à la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait statué en faveur des proches de M. Erignac sur le fondement de l’atteinte à leur propre vie privée - article 9 du Code civil- mais substitue à ce fondement celui de l’article 16 du Code civil. On voit dès lors l’intention de la Cour de cassation : protéger la mémoire du défunt et les proches. La notion de dignité humaine a fait son apparition après la seconde Guerre mondiale, « comme réponse nécessaire à la barbarie ». Elle a aujourd’hui une valeur constitutionnelle depuis la décision du 27 juillet 1994. Ainsi, la dignité de la personne humaine constitue un principe qui s’impose au législateur. Elle a fait son apparition dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, mais également en droit de la santé publique, en droit pénal. Depuis une loi du 29 juillet 1994, l’article 16 du Code civil consacre ce principe en disposant notamment que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie ». De plus, ce principe du respect de la dignité humaine a également une portée internationale en ce qu’il a fait l’objet d’une consécration par les législations étrangères (Allemagne, Espagne, Grèce, Portugal…) mais également par les conventions internationales : la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 a ainsi proclamé « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine ». Le principe du respect de la dignité humaine a donc connu un essor tant au niveau interne qu’au niveau international. Aujourd'hui, il innerve l’ensemble du droit aussi bien civil, administratif que pénal. Ce concept de dignité de la personne humaine présente l’avantage de ne pas s’éteindre après la mort. Un concept immortel assurant le respect des morts. Les vivants, nous l’avons vu, bénéficient d’une protection de leur vie privée, ce qui n’est pas le cas des morts. Néanmoins, nul ne peut contester que le défunt nécessite d’être protégé. Il s’agit d’un impératif d’ordre moral. « Si la mort entraîne l’oubli, la nouvelle de la mort elle-même rappelle souvent, comme dans un dernier éclat, l’attention du public sur ceux qu’ils avaient oubliés ». Il n’est pas rare en effet de voir ressurgir les scandales passés. Bien que le défunt n’ait plus droit au respect de sa vie privée puisque par définition il n’a plus de vie, il dispose d’un droit au souvenir à son égard. « La considération pour la mémoire du mort mérite d’être pleinement reconnue comme un droit de la personnalité ». On ne voit pas comment ce qui ne serait pas toléré du vivant de la victime – et donc sanctionné sur le fondement du respect de la vie privée – pourrait l’être une fois cette dernière décédée. Ce serait transgresser une valeur fondamentale de notre civilisation : le respect de la paix des morts. Cette valeur constitue un principe général du droit, notamment pris en compte dans le Code pénal qui consacre une section aux « atteintes au respect dû aux morts ». Reconnaitre une effectivité au respect de la paix des morts permettrait d’éviter le débat tenant à la transmissibilité aux héritiers du droit au respect de la vie privée du défunt, et de manière plus générale d’éviter le débat relatif au fondement. On aurait une règle nous permettant de sanctionner la divulgation de photographies du défunt ou de faits intimes. Le respect de la paix des morts constitue un « devoir de portée générale » propre aux morts, tout comme le respect de la vie privée s’adresse aux vivants. Il semble avoir toujours existé, constitue un héritage de notre culture chrétienne que chacun a au fond de soi. Ce principe existait à l’état latent ; la Cour de cassation, dans un arrêt rendu par la chambre criminelle à propos de la publication de deux photographies de François Mitterrand sur son lit de mort, a commencé à se départir du fondement de la vie privée sans pour autant se fonder sur la dignité humaine. Ils relèvent ainsi que « le fait de prendre des photographies d’une dépouille mortelle porte incontestablement atteinte à la vie privée d’autrui, le respect étant dû à la personne humaine, qu’elle soit morte ou vivante ». Elle a donc consacré l’existence de ce principe général du droit. Pour autant, les juridictions civiles étaient réticentes à l’affirmer. Finalement, le concept de dignité a permis de rendre effectif ce principe du respect de la paix des morts. Quand on applique le concept de dignité aux morts, on applique- consacre- le principe du respect dû aux morts. Au nom de cet impératif moral du respect des morts, il fallait assurer la protection de ceux-ci, de leur mémoire et trouver un fondement approprié : la dignité de la personne humaine. Le respect dû aux morts est un « devoir de décence et de discrétion que la loi et la coutume immémoriale s’unissent à consacrer », devoir dont la raison d’être réside dans la notion de dignité humaine. M. Prieur relève à juste titre que dans le Code pénal, la section IV consacrée aux « atteintes au respect dû aux morts » se situe dans un Chapitre V relatif aux « atteintes à la dignité de la personne ». Dans le dessein de respecter la paix des morts, la dignité de la personne humaine est considérée comme une valeur intemporelle ; elle « n’est pas seulement cet instantané fugitif de la personne saisie dans ses rapports avec les autres ou les choses ». Elle demeure après la mort de la personne, ce qui n’est pas le cas de la vie privée, droit subjectif qui, nous l’avons vu, s’éteint au décès de la personne. La dignité humaine, selon nous, constitue un droit de la personnalité, un droit subjectif : on parle de droit à la dignité humaine. Or, en principe, les droits subjectifs s’éteignent au décès de la personne, celle-ci n’étant alors plus sujet de droit. Ainsi, la personne une fois décédée ne devrait plus être titulaire de ce droit à la dignité humaine. Juridiquement, il a fallu recourir à la fiction afin de justifier le caractère intemporel de la dignité humaine. Le défunt demeure une personne humaine, qui n’aurait plus de personnalité juridique puisque celle-ci s’éteint après la mort ;  « le mort est la dépouille mortelle du vivant : une personne par son état mais qui n’est plus sujet de droit ». Il s’agit donc d’une fiction qui consiste à attribuer au mort un statut de personne eu égard à son passé qui se justifie par l’impératif moral de respect envers les morts. Cette fiction pose naturellement le problème du rattachement du droit à la dignité à la dépouille mortelle « alors qu’il ne saurait y avoir de droit subjectif ». Nous le savons, la personnalité juridique qui confère les droits subjectifs s’éteint après la mort. Pour autant, le souvenir de la personne demeure après son décès et c’est sur ce souvenir que pourrait s’appuyer le droit à la dignité humaine. En effet, le cadavre et sa mémoire demeurent après le décès de l’individu, ces derniers étant usuellement soumis à un statut de chose dont le respect s’impose à tous. Toutefois, « des entités personnalisées, il en est bien d’autres que l’individu vivant » : il est possible d’admettre que l’individu mort demeure une personne. Certains auteurs admettent que « comme il n’y a pas de droit subjectif sans titulaire, le mort serait alors effectivement investi, jusqu’à ce que le temps ait tout détruit ou effacé, de la jouissance de quelques droits extrapatrimoniaux ». Ainsi, l’on a recours à une fiction qui permet de maintenir des attributs extrapatrimoniaux après le décès de la personne, parmi lesquels la dignité humaine alors que la quasi-majorité des droits de la personnalité disparaissent avec la mort. Le défunt aurait donc une sorte de « personnalité juridique diminuée et résiduelle » qui lui permettrait de jouir de son droit à la dignité humaine - droit subjectif - l’exercice de ce dernier étant confié aux vivants mais pour le compte et dans l’intérêt du de cujus. La mémoire de ce dernier demeurant après son décès, elle justifierait la survivance de l’attribut extrapatrimonial que constitue la dignité humaine. Il ne s’agit pas, contrairement à la vie privée, d’un problème de transmission à cause de mort aux héritiers de l’action initialement conférée au défunt. Etant toujours sujet du droit à la dignité humaine par le truchement de la fiction juridique, le prolongement de sa personnalité est admis mais de manière restreinte, uniquement pour ce qui est de sa dignité humaine. Il s’agit donc d’une exception à la théorie des droits de la personnalité mais qui, contrairement à la vie privée se justifie : le défunt ne peut plus avoir droit au respect de sa vie privée puisque, matériellement, il n’a plus de vie. Pour autant, il a droit au respect de sa dignité puisque, matériellement, le souvenir du défunt, sa mémoire, ainsi que son cadavre demeurent après sa mort. On décèle donc bien depuis l’affaire Erignac la volonté de revaloriser le mort par le droit, ceci en souvenir de ce qu’il a été, une personne juridique à part entière. On tend à lui accorder de plus en plus de protection, notamment en lui permettant de conserver certains droits extrapatrimoniaux, alors même qu’il n’a plus de véritable personnalité juridique. L’évolution est perceptible au regard de la théorie de Planiol selon laquelle le mort n’était rien. Le doyen Cornu, quant à lui, plutôt que de se fonder sur la fiction de la personnalité juridique résiduelle des morts préfère concevoir le respect dû aux morts comme un précepte de droit objectif : « la dignité de la personne est l’objet direct d’une norme de droit objectif. Il n’existe pas de droit subjectif à la dignité ». Comme il ne s’agit pas d’un droit subjectif, la dignité humaine n’aurait pas vocation à disparaître après le décès de la personne. La dignité humaine constituerait ainsi un devoir que les vivants ont envers le défunt, une règle qui s’impose à tous et non pas un droit propre au défunt. L’analyse que fait le Doyen Cornu de la dignité humaine apparaît satisfaisante. Il tente d’assurer une protection au défunt sans avoir recours à la fiction juridique du prolongement de la personnalité. Pour autant, l’existence d’un droit subjectif à la dignité humaine ne peut être niée selon nous. Les auteurs, bien que ne concevant pas le concept de la dignité humaine de la même manière, ont tous le même objectif : protéger le défunt et sa mémoire. C’est ce que le fondement de la dignité humaine permet de réaliser. La protection simultanée du souvenir et de l’humanité Une double protection de la mémoire du défunt et des proches endeuillés. Le fondement de l’article 16 du Code civil, à savoir la dignité de la personne humaine permet une protection du défunt, et notamment de sa mémoire. Il s’agit d’un droit de la personnalité, un droit subjectif dont il dispose et jouit au-delà de la mort. L’exercice de ce droit est laissé à « la discrétion des vivants » puisque, bien évidemment, le défunt n’est plus à même d’exercer une telle action. Cependant, celle-ci est engagée pour le compte du défunt par les vivants, dans l’intérêt de ce dernier, par respect envers lui, envers sa mémoire. Néanmoins, nul ne peut contester que cette action que les proches endeuillés pourront exercer leur permet d’être indirectement protégés: « les sentiments de la famille du défunt ne sont pas étrangers aux actions intentées dans ce domaine » . Toutefois, il s’agit d’une protection plus large que celle des sentiments des proches pendant la période de deuil. La dignité humaine transcende son sujet : à partir du moment où l’humanité est intéressée, tout le monde est concerné. On voit dès lors que la théorie du Doyen Cornu, qui consiste à concevoir la dignité humaine comme un devoir que les vivants ont envers le défunt plutôt que comme un droit subjectif appartenant à ce dernier, n’est pas erronée : même s’il s’agit de protéger le mort, cela intéresse les vivants et c’est eux aussi que l’on cherche à protéger. Ce n’est pas tant le mort qui doit rester digne, que le souvenir que les proches vont en garder. Les proches ressentent très certainement le besoin que le défunt reste digne dans le souvenir des vivants. En d’autres termes, il s’agit de la dignité du défunt mais ce sont les vivants qui ont besoin de voir cette dignité reconnue et protégée car ce sont eux qui se souviennent. Ils ont donc tout intérêt à voir la mémoire de ce dernier protégée. L’on comprend très bien que les proches veuillent empêcher la publication d’un article ou d’une photographie concernant le défunt qui serait attentatoire à la dignité humaine, tant par respect pour ce dernier que dans l’objectif de voir les vivants garder un souvenir du défunt autre que la photographie ou l’article concerné. Ainsi, on voit la portée de la décision de la Cour de cassation du 20 décembre 2000 concernant le Préfet Erignac : l’action intentée par les proches du Préfet assassiné a permis d’une part de protéger le défunt conformément au principe du respect de la paix des morts et d’autre part, de protéger le souvenir que désirent en garder les proches pour eux-mêmes et pour les vivants. C’est ce qui rend le fondement de l’article 16 du Code civil opportun contrairement aux autres fondements possibles : le défunt n’a plus de vie privée, ce qui empêchait de fonder l’action sur l’article 9 du Code civil, autrement dit sur le respect de la vie privée posthume. L’action fondée sur le respect de la vie privée des proches ne pouvait être justifiée qu’autant que leur propre vie privée était mise en cause, ce qui la rendait conditionnelle, bien que les proches soient atteints dans leurs sentiments par la publication d’un article ou d’une photographie. Enfin, le fondement de la responsabilité civile ne permet pas en pratique d’obtenir réparation du préjudice subi par les proches du fait de la publication d’un article ou d’une photographie attentatoire à la dignité humaine. L’action fondée sur la dignité humaine permettra au contraire une double protection du défunt et de ses proches. Une revalorisation par le droit du statut juridique du mort. Le fait d’appliquer le concept de dignité humaine au défunt implique de s’attacher au statut de celui-ci. La conception que l’on a de la dignité humaine découle du statut que l’on attribue au mort. Dans l’affaire Erignac, la Cour de cassation a estimé la photographie publiée attentatoire à la dignité humaine. Elle a ainsi appliqué le concept de dignité à un mort. Or, appliquer la dignité humaine au mort, c’est reconnaître à ce dernier une humanité, ce qui traduit l’évolution du statut juridique du mort. Dans son Traité, Planiol affirmait : « Les morts ne sont plus des personnes ; ils ne sont rien». Dans l’édition de 1956, Ripert adoucit la formule en énonçant que « La personnalité se perd avec la vie. Les morts ne sont plus juridiquement des personnes ». De ces formules, M. Beignier en déduit que le droit français commet une erreur en ne parvenant pas à distinguer la personnalité juridique de l’humanité. Certes, le mort n’est plus rien matériellement, du moins une fois que son cadavre est devenu poussière et donc ne peut plus être sujet de droit ; mais il est ce qu’il reste d’une personne, ce qui justifie le respect dû à la paix des morts. Désormais, pour un grand nombre d’auteurs, le mort n’est plus considéré comme rien mais comme une chose : il y a une tendance à la réification du mort. Pour autant, son corps ne saurait devenir « chose vulgaire à son décès ».Ce serait une chose pas comme les autres en ce qu’elle serait sacrée. Le traiter comme une chose ordinaire serait méconnaître son humanité passée ; c’est pourquoi il convient de le traiter avec égards, le statut des morts devant être rattaché à la dignité de la personne humaine. Comme le relève M. Beignier, « leur disparition n’enlève rien à leur humanité ». Le défunt demeure une personne humaine, qui n’aurait plus de personnalité juridique puisque celle-ci s’éteint après la mort ;  « le mort est la dépouille mortelle du vivant : une personne par son état mais qui n’est plus sujet de droit ». L’appartenance au genre humain persiste au-delà de la mort. Le mort est ce qui reste d’une personne et en cela appartient à l’Humanité. Admettre que la dignité humaine est un principe juridique qui implique la primauté de l’être humain, nécessite de considérer qu’elle suppose « la reconnaissance de l’égale dignité des personnes humaines et l’interdiction d’utiliser un être humain comme un objet à une fin qui lui est étrangère ». Ainsi, porter atteinte à la dignité de la personne humaine serait la traiter comme une chose, ne pas la considérer comme appartenant à la « famille humaine ». Le droit reflète la vision chrétienne de la dignité de la personne humaine consistant « pour toute personne à être reconnue et traitée comme un homme par la communauté des humains ». Le droit a donc évolué dans la manière dont il appréhende le statut du mort. Plus qu’une simple chose, il demeurerait humain. Ainsi, l’Humanité serait composée des vivants mais également des morts, ce qui justifie que le concept de dignité humaine s’applique aussi bien aux uns qu’aux autres. L’évolution du droit en ce qui concerne le statut juridique du défunt amène à se poser la question suivante : finira-t-on par considérer le mort comme un vivant ? Ainsi, le fondement de l’article 16 du Code civil apparaît opportun en ce qu’il permet d’assurer une double protection, ce que ne permettait pas les autres fondements. Il apparaît également séduisant de par son caractère absolu bien que son application soit soumise à certaines conditions. Une valeur absolue d’application limitée La dignité de la personne humaine constitue une valeur absolue en ce qu’elle permet de faire échec à la liberté d’information et ne s’accommode d’aucune atteinte, contrairement au respect de la vie privée (1). Encore faut-il que les caractéristiques de l’atteinte à la dignité humaine soient remplies, ce qui laisse place à la subjectivité, le concept de la dignité humaine demeurant « obscur » (2). Absence de restrictions Primauté de l’intérêt général. Retenir le fondement de l’article 16 du Code civil permet de protéger tant le défunt que ses proches mais il présente également un avantage non négligeable par rapport au respect de la vie privée : celui de prévaloir sur la liberté de l’expression. Bien que les droits de la personnalité soient protégés, ils subissent une restriction commandée par la préservation de la liberté d’expression, pilier fondamental d’une société démocratique. La liberté d’expression constitue un droit fondamental de l’homme consacré notamment par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considérations de frontières… ». Ce texte ayant une valeur supra-législative, il peut être invoqué devant les juridictions de l’ordre interne et permet de ne pas voir la liberté d’expression restreinte abusivement. La liberté d’expression, et plus précisément la liberté de communication a en outre une valeur constitutionnelle, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 précisant dans son article 11 que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas prévus par la loi ». La liberté de communiquer des informations et des idées présente donc un caractère fondamental. Il semble que cette liberté d’expression implique un droit à l’information du public, une nécessité pour celui-ci d’être informé. Dès lors, on comprend pourquoi les juges ont admis que la révélation de faits relevant de la vie privée se justifiait par la liberté de l’information dès lors que l’exercice de cette liberté était légitime, à savoir que la révélation de l’information relative à la vie privée présentait un intérêt pour le public, qu’elle était en relation avec l’actualité et qu’elle était dépourvue d’exagération ou de recherche du sensationnel. On voit clairement la volonté de faire prévaloir la liberté de l’information sur le droit au respect de la vie privée, l’intérêt général sur l’intérêt des particuliers. Le droit au respect de la vie privée peut donc subir des atteintes provenant de la liberté de l’information. La dignité humaine, réserve à la liberté de l’information. Contrairement au droit au respect de la vie privée, il apparaît que la dignité de la personne humaine ne s’accommode d’aucune restriction et permet donc une protection accrue du défunt. En effet, dans l’affaire Erignac, les juges énoncent que « la cour d’appel a pu juger, dès lors que cette image était attentatoire à la dignité de la personne humaine, qu’une telle publication est illicite, sa décision se trouvant ainsi légalement justifiée au regard des exigences tant de l’article 10 de la Convention européenne que de l’article 16 du Code civil ». Ainsi, constate-t-on la prévalence de la dignité humaine sur la liberté d’expression. Dès qu’une atteinte à la dignité humaine serait constatée, la liberté de l’information serait limitée. C’est en cela que le fondement de la dignité humaine apparaît absolu : il ne peut subir aucune restriction. Cette supériorité de la dignité sur la liberté de l’information a d’ailleurs été réaffirmée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 février 2001. La Cour de cassation présente très clairement le respect de la dignité humaine comme une limite à la liberté de communication. Il s’avèrerait discutable d’admettre que le droit à l’information du public justifie la publication d’images dégradantes, que ce soit pour la personne visée personnellement, ou pour la personne humaine de manière plus générale. C’est là tout le problème de l’équilibre entre liberté d’information et dignité humaine qui constituent toutes deux des valeurs fondamentales, entre l’intérêt privé et l’intérêt général. Finalement, le respect de la dignité humaine constitue une limite hiérarchiquement supérieure qui fera échec à la liberté de communication, alors même que la vie privée n’est pas en cause. En effet, dans l’affaire Erignac, l’avocat général avait constaté l’absence d’atteinte à la vie privée. La protection de la mémoire du défunt et des sentiments des proches endeuillés est donc assurée de manière large, le mort bénéficiant du respect de la dignité de la personne. Toutefois, le concept de respect de la dignité humaine demeure « obscur » ce qui a conduit la Cour de cassation à énoncer les caractéristiques de l’atteinte à la dignité humaine ; cela devrait permettre un juste équilibre entre le respect de la dignité humaine et les nécessités de l’information, la liberté de communication. Strictes conditions Caractère « obscur » du concept de dignité humaine. Dans différentes décisions rendues, la Cour de cassation a reconnu que le respect de la dignité humaine constituait une limite à la liberté de communication. Toutefois, cette notion de dignité humaine apparaît « floue », et relativement imprécise. Certes, tout le monde s’accorde à affirmer l’importance de la dignité humaine, son caractère éminemment supérieur et absolu, mais il reste difficile de définir son contenu. On aura plutôt tendance à la définir de manière négative, c’est-à-dire à envisager les atteintes à la dignité humaine. Il apparaît certain que les traitements humiliants, les actes de torture ou de barbarie, l’esclavage et tout ce qui est dégradant pour la personne humaine sera constitutif d’une atteinte à cette dignité. Comme le souligne M. Molfessis, « cette norme est largement à construire » . Il s’agit là d’un concept dont le contenu est « mou » : tout le monde n’aura pas forcément la même conception de la notion, qui sera également variable selon les pays mais aussi les époques. L’abstraction de ce concept fait alors naître la crainte de l’arbitraire, de l’insécurité juridique. Si les juges n’ont pas la même conception de ce qu’est la dignité humaine, et ne peuvent en donner une définition claire, les risques sont grands de voir des décisions contradictoires qui seraient rendues à propos de faits similaires. Or, ce concept de dignité humaine est celui qui permet de restreindre la liberté de communication, le droit au public d’être informé, les nécessités de l’information. Autrement dit, ce concept permet la limitation d’une liberté fondamentale. Par conséquent, aucune place ne doit être faite à l’arbitraire, le respect de la dignité humaine ayant des répercussions sur des valeurs essentielles à notre société. C’est la raison pour laquelle les juges semblent avoir élaboré des conditions pour que l’atteinte à la dignité humaine soit retenue et ainsi limiter la liberté de communication dans le but de protéger la mémoire du défunt. De strictes conditions nécessaires à l’équilibre des intérêts. Dans l’affaire Erignac, les juges ont estimé que la publication de la photographie du Préfet était attentatoire à la dignité de la personne humaine : on y voyait le Préfet assassiné gisant sur la chaussée, son corps et son visage distinctement représentés. Les conditions de l’atteinte à la dignité humaine n’étaient pas clairement déterminées. Or, dans l’arrêt rendu à propos de l’une des victimes de l’attentat survenu à la station RER de Saint-Michel à Paris en 1995, les juges de la Cour de cassation réaffirment sous la forme d’un principe que le respect de la dignité humaine constitue une limite à la liberté de communication des informations. Néanmoins, ils considèrent que ne porte pas atteinte à la dignité de la personne visée la photographie dépourvue de recherche de sensationnel et de toute indécence. Ainsi, la recherche de sensationnel et d’indécence serait constitutive d’une atteinte à la dignité de la personne humaine et rendrait la publication de la photographie illicite. La simple photographie de la dépouille mortelle ne suffit donc pas à caractériser l’atteinte à la dignité humaine. Elle doit avoir été prise dans un but illégitime d’information, dans le dessein d’attirer la « curiosité malsaine du public ». La limitation de la liberté de communication apparaît indirectement comme une sanction envers les professionnels qui « ont privilégié l’intérêt morbide du public plus que le souci de l’information ». C’est la raison pour laquelle a été considérée comme attentatoire à la dignité de la personne humaine la photographie aérienne « dont le cadrage et le grossissement sont étudiés pour attirer l’attention sur les corps déchiquetés des victimes, identifiées par un numéro aisément lisible ». La recherche de sensationnel et de l’indécence était clairement établie. Il est à noter que le respect de la dignité tend à protéger la personne humaine en tant que telle (envisagée de manière abstraite) d’une image dévalorisante, mais également la personne visée par la photographie et sa mémoire dans le cas où elle serait décédée. La Cour de cassation a donc établi des critères relativement stricts qui permettent d’identifier l’existence d’une atteinte à la dignité de la personne humaine en vue de limiter la liberté de communication d’information. Une limitation ténue à la liberté d’information. La Cour de cassation ayant prescrit des conditions relativement strictes pour caractériser l’atteinte à la dignité de la personne humaine, il semble qu’elle ait souhaité établir un équilibre entre la liberté de communication d’information et le droit au respect de la dignité humaine. En établissant des critères bien déterminés, elle limite le nombre de reconnaissance d’atteinte à la dignité, ceci afin de préserver la liberté d’information, qui rappelons-le, constitue une valeur fondamentale dans notre société. Il apparaît essentiel de garantir un équilibre, une proportionnalité entre la liberté de communication d’information - le droit au public d’être informé - et le respect de la dignité. Nous pouvons rapprocher l’exercice de cet équilibre par les juges du concept de censure, ces derniers ayant à décider, en fonction des valeurs admises par la société, ce qui peut être vu ou connu du public et ce qui ne le peut pas. Si la personne représentée n’est pas dévalorisée, le droit du public d’être informé primera. On voit là une nette prévalence de l’intérêt général sur l’intérêt particulier de la personne visée. Cette prévalence commande parfois, alors même que l’actualité serait violente, que la sensibilité d’une personne serait directement heurtée, de ne pas censurer l’information. « Un monde sans regard serait un monde aveugle sur lui-même. La dignité de la personne humaine n’en sortirait pas protégée mais blessée ». M. Auvret retient à titre d’exemple les affaires d’otages en Irak. Il est impossible de censurer les informations sur le sort réservé aux victimes et les conditions de leur exécution. Il ne faut pas trop édulcorer les informations afin que le public ait conscience de l’ampleur de tel ou tel fait d’actualité. Toutefois, il y a un degré dans la violence qui ne doit pas être dépassé et qui justifie que des images particulièrement violentes ne soient pas diffusées. Il est nécessaire de peser les intérêts en présence et de trouver un équilibre entre ceux-ci. Par ailleurs, la limite peut également sembler ténue dans la mesure où des images, bien qu’attentatoires à la dignité de la personne humaine, pourraient être communiquées dans le cadre de poursuites légales. En effet, des photographies prises sur les lieux d’un crime qui seraient nécessaires aux officiers de police judiciaire, au juge d’instruction, ou à la juridiction de jugement pourraient justifier leur communication. De même, lorsque le temps aura fait son travail et que le choc émotionnel sera passé, des publications historiques, ethnographiques peuvent justifier la publication de photographies attentatoires à la dignité humaine. Cela fait partie du devoir de mémoire. Ainsi, la destination de l’information qui permet de justifier la publication d’images attentatoires à la dignité humaine rend ténue la limitation à la liberté d’information. En outre, bien que des conditions strictes aient été posées par la Cour de cassation, il reste tout de même une grande part de subjectivité dans l’appréciation des juges, source d’insécurité juridique, « d’incertitude sur la portée d’une interdiction ». En effet, la recherche du sensationnel et de l’indécence est une question de degré. A quel moment, les juges estimeront que les photographies ont été faites afin d’attirer la curiosité malsaine du public ? Tout est affaire de sensibilité. Ainsi, dans l’arrêt Erignac, les juges ont considéré que le fait que la photographie représentait le Préfet allongé sur la chaussée, le visage et le corps distinctement représentés était constitutif d’une atteinte à la dignité. Pour autant, dans une affaire similaire soumise à la Cour de cassation, les juges en ont décidé autrement. Il s’agissait en l’espèce d’un hebdomadaire qui avait publié la photographie représentant un jeune homme accidenté de la route, ensanglanté autour duquel se trouvaient les secouristes ; il était mentionné « il faisait la course en scooter. Il avait 16 ans. Les médecins ne pourront le ranimer ». La cour d’appel avait considéré que la nécessité d’une illustration pertinente de l’actualité ne pouvant être invoquée, l’article étant consacré à un fait de société, la photographie était attentatoire à la dignité de la personne humaine. Pourtant, la Cour de cassation a censuré cet arrêt au visa des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 16 du Code civil en retenant que « le principe de la liberté de la presse implique le libre choix des illustrations d’un débat général de phénomène de société sous la seule réserve du respect de la dignité humaine ». Les juges considèrent ainsi que la liberté de la presse implique le libre choix des photographies illustrant un article même généraliste. On ne voit pas vraiment en quoi les circonstances entre l’affaire Erignac et cette affaire se distinguent mise à part que le Préfet était médiatique. Les deux victimes étaient étendues sur le sol, ensanglantées et elles étaient clairement identifiables. Pourtant, l’appréciation subjective des deux affaires a conduit à reconnaître qu’une photographie, celle du Préfet, était attentatoire à la dignité de la personne humaine et à dénier cette qualité dans l’autre affaire. Cela peut apparaître comme une restriction à la limite de la liberté d’information. Nous pouvons donc légitimement nous demander si la sanction de photographies indécentes sera réservée à des victimes exceptionnelles, aux personnalités médiatisées. Finalement, dans l’affaire Erignac, ne serait-ce pas plutôt le crime que l’on a jugé indigne, plutôt que la photographie en elle-même ? Cela expliquerait la différence de traitement des deux affaires. L’appréciation subjective montre que la limite apportée à la liberté de communication semble ténue. On le voit bien, la liberté d’information est somme toute très étendue. La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 juin 2007 a tenté de limiter cette expansion en considérant notamment que l'illustration d'une étude d'intérêt général n'implique pas nécessairement que les personnes représentées soient identifiables. Elle rend sa décision sur le fondement de l’article 9 du Code civil, à savoir le respect de la vie privée. Autrement dit, si la personne n’est pas identifiable, il n’y aurait pas atteinte à la vie privée. Ce critère de l’identification semblait avoir déterminé la Cour de cassation dans l’affaire Erignac qui a retenu l’atteinte à la dignité humaine en constatant que la photographie représentait distinctement le corps et le visage du Préfet étendu sur la chaussée. L’identification semble avoir joué un rôle dans la condamnation de la publication. S’il avait été retenu en matière de dignité humaine, ce critère de l’identification aurait pu permettre, dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 4 novembre 2004, de condamner la photographie de l’accidenté de la route illustrant un débat de société, l’identification du jeune homme étant tout à fait possible. Néanmoins, ce critère de l’identification demeure critiquable : certes, le fait de rendre impossible l’identification de la personne permettra de ne pas atteindre la dignité de la personne visée. Mais dans le cas de l’affaire Erignac ou encore de l’affaire du jeune accidenté de la route, l’impossibilité d’identifier la victime ne rendra pas la photographie moins attentatoire à la dignité de la personne humaine, envisagée de manière abstraite. L’absence d’identification n’empêche pas de voir le corps meurtri, la situation reste dégradante pour la personne humaine envisagée de manière abstraite. Conclusion Finalement, le fondement de la dignité humaine consacré par l’article 16 du Code civil apparaît opportun en ce qu’il assure une double protection. Cette dernière sera plus large que celle issue du fondement de la vie privée qui sera encore plus limitée par la liberté d’information, le droit au public d’être informé. Toutefois, l’atteinte à la dignité de la personne humaine étant constituée uniquement lorsque de strictes conditions ont été remplies, il semble que la limite à la liberté d’information soit mince. De plus, ce nouveau fondement n’a pas résolu les espèces où l’atteinte à la dignité humaine ne peut pas être retenue : ce sera le cas par exemple lorsque la photographie était dépourvue de recherche du sensationnel ou de toute indécence : on a simplement photographié la dépouille mortelle. La publication ne pourrait alors pas être empêchée. Il conviendrait finalement de raisonner au cas par cas : si la publication est attentatoire à la dignité humaine, alors il conviendrait d’agir sur le fondement de la dignité humaine consacré à l’article 16 du Code civil. Cela concernera surtout la publication de photographies car il est difficile d’envisager que la révélation de faits intimes puisse être attentatoire à la dignité humaine ; du moins, le cas sera certainement plus rare. Lorsque la publication d’un article atteindrait la vie privée des proches, alors ces derniers pourraient se fonder sur l’article 9 du Code civil en invoquant l’atteinte à leur propre vie privée. Ce fondement, rappelons-le n’a pas été écarté expressément par la Cour de cassation mais a été rendu conditionnel. Dans les autres cas, la responsabilité civile pourrait être invoquée en rapportant la preuve d’un préjudice, d’une faute et d’un lien de causalité. Pour autant, il n’existe pas un fondement général qui permettrait d’assurer la protection de la mémoire du défunt. Le Code civil a consacré à l’article 9 le principe général du droit au respect de la vie privée. Ce droit étant réservé aux vivants, pourquoi ne pas consacrer dans un nouvel article du Code civil le principe du respect de la paix des morts ? Il constituerait alors un fondement général de la protection de la mémoire du défunt. Bibliographie Ouvrages généraux J. CARBONNIER, Droit civil : Les personnes, 21e éd., Thémis, 2000. G. CORNU, Droit civil : les personnes, 13e éd., Domat, coll. Montchrestien, 2007. Ph. MALAURIE et L. AYNES, Les personnes – Les incapacités, 3e éd., Defrénois, 2007. • G. Ripert et J. Boulanger, Traité de droit civil, T.1 : LGDJ, 1956, n° 829. F. TERRE et D. FENOUILLET, Droit civil : Les personnes, la famille, les incapacités, 7e éd., Précis Dalloz, 2005. F. ZENATI-CASTAING et T. REVET, Manuel de droit des personnes, 1ère éd., PUF, coll. Droit fondamental, 2006. Ouvrages spéciaux, monographies, thèses M. DECKER, Aspects internes et internationaux de la protection de la vie privée en droit français, allemand et anglais, thèse, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2001. P. KAYSER, La protection de la vie privée par le droit – Protection du secret de la vie privée, 3e éd., Economica, PUAM, 1995. • N. MOLFESSIS, « La dignité de la personne humaine en droit civil, in La dignité de la personne humaine », ss la dir. De M.-L. PAVIA et Th. REVET, Economica 1999, p. 122. • N. ROULAND, L'anthropologie juridique : Que sais-je ?, PUF 1995. E. ZOLLER, « Le droit au respect de la vie privée aux Etats-Unis », in Le droit au respect de la vie privée au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, F. SUDRE (Sous la dir.), Coll. Droit et Justice n° 63, 2005, pp. 35-67. Encyclopédies, dictionnaires, codes D. ALLAND et S. RIALS (Sous la dir.), Dictionnaire de la culture juridique, 1ère éd., LAMY - PUF, coll. « Quadrige », 2003 ; V° Personne. D. AMSON in Juris-Classeur Communication, éd. 2006, fasc. 3720 : Protection civile de la vie privée. G. CORNU (Sous la dir.), Vocabulaire juridique - Association Henri Capitant, 8ème éd., PUF, coll. « Quadrige », 2007 ; V° Personnalité. B. BEIGNIER in Juris-Classeur Civil, éd. 2007, Art. 16 à 16-13, fasc. 72 : Respect et protection du corps humain – Le mort. D. FENOUILLET (D.) in Juris-Classeur Civil, éd. 2002, Art. 16 à 16-12, fasc. 10 : Respect et protection du corps humain (I. Dignité de la personne). H. PELISSIER-GATEAU et C. GUILLEMAIN in Juris-Classeur Civil, éd. 2002, art. 1382 à 1386 ; fasc. 133-10 : Droit à réparation, I. Droit au respect de la vie privée. fasc. 133-20 : Droit à réparation, II. Protection de la personnalité "post mortem". J. RAVANAS in Juris-Classeur Civil, éd. 2002, Art. 9, fasc. 10 : Jouissance des droits civils - Protection de la vie privée – Délimitation de la protection. D. TALLON in Encyclopédie Dalloz, Répertoire de droit civil, éd. 1996, V° Personnalité (droit de la). Code civil 2007. Articles et chroniques • P. AUVRET, « L’utilisation de la personnalité d’autrui », JCP G 2005, I, 123, p. 554s. R. BADINTER, « Le droit au respect de la vie privée », JCP G. 1968. I. 2136, n° 18 et s. B. BEIGNIER ; - « Vie privée posthume et paix des morts », D. 1997, p. 255. - « La vie privée : un droit des vivants », Dalloz 2000, p. 372. •I. CORPART, « La dignité de la victime photographiée face à la liberté de la presse » ; Dalloz. 2005, p. 696. B. EDELMAN, « La dignité de la personne humaine, un concept nouveau », D. 1997, p. 185. T. HASSLER et V. LAPP ; « Atteinte à la vie privée de la famille d’un préfet dont les journaux ont publié la photographie de la dépouille mortelle », D. 1999, p. 123. « Droit à la dignité : le retour ! », petites affiches 31 janvier 1997, p. 12. J. HAUSER, « Droit à l’information : la dignité des morts », RTD civ. 2005, p. 364. S. HOCQUET-BERG, « La responsabilité civile : fondement de la protection de la vie privée des défunts », D. 2000, p. 817. P. KAYSER, « Les droits de la personnalité, aspects théoriques et pratiques », RTD civ. 1971, p. 497, n° 39. • J.-M. LUSTIGER, « La personne devant le Cardinal Archevêque de Paris » : Dalloz 1995, chron. p. 6. B. MATHIEU ; - « La dignité de la personne humaine : Quel droit ? Quel titulaire ? », D. 1996, Chron. p. 282. - « De quelques moyens d’évacuer la dignité humaine de l’ordre juridique », D. 2005, chron. p. 1649. E.-H. PERREAU, « Des droits de la personnalité », RTD civ. 1909, p. 526. E. PUTMAN et F. RINGEL, « Après la mort… », D. 1991, Chron. p. 241. • Ph. Raimbault, « Le corps humain après la mort. Quand les juristes jouent au "cadavre exquis"... » : Dr. et société 2005, n° 61, p. 817 s. T. ROUSSINEAU, « La notion de droit à l’image existe-t-elle encore ? », Comm. com. élec. juin 2005, n° 6, étude 22. Notes, observations, rapports et conclusions de jurisprudence • Cass. 1re civ., 14 juin 2007, Juris-Data n° 2007-039456; JCP G 2007, II, 10158, p. 27. •Cass. 2ème civ. 4 nov. 2004, - RTD Civ. 2005, p. 364, obs. J. HAUSER. - JCP G 2005, II, 10160, note D. BAKOUCHE. • Cass. 1re civ., 20 févr. 2001, n° 98-23. 471, Lamyline ; Dr. Et patrimoine juin 2001, n° 94, p. 96, note G. LOISEAU ; JCP G 2001, II, 10 533, note J. RAVANAS. D. 2001, p. 1199, 1re esp., note J.-P. Gridel ; RTD Civ. 2001, p. 329, obs. J. Hauser. Cass. 1ère civ., 20 décembre 2000, Bull. civ. I, n° 341 (Cts Erignac) ; D. 2001, p. 885 et 872, note J.-P. GRIDEL ; ibid. Somm. 1990, obs. A. LEPAGE. JCP G 2001, II, 10488, concl. J. SAINTE-ROSE et note de J. RAVANAS. Petites affiches 7 mars 2001, note E. DERIEUX. « Atteinte à la dignité du préfet ou crime indigne ? », obs. S. ABRAVANEL-JOLLY. Cass. 1ère civ. 1ère, 14 décembre 1999, Bull. civ. I, n° 345  (Cts Mitterrand, affaire du grand secret) ; D. 2000, p. 372, note B. BEIGNIER.  D. 2000, Somm., p. 266, obs. Chr. CARON.  JCP G. 2000. II. 10241, concl. C. PETIT.  Petites affiches 22 mai 2000, n° 101, p. 8, note S. PRIEUR. RTD civ. 2000, p. 291, obs. J. HAUSER. CA Paris, 1ère Ch., 24 février 1998 (Cts Erignac) ; D. 1998, p. 225, note B. BEIGNIER. CA Paris, 17 mars 1998 (Affaire Yves Montand) ; Gaz. Pal. 1998, II, Somm. p. 465. Cass. crim., 20 octobre 1998, Bull. crim., n° 264 (Cts Mitterrand c/ Paris Match); D. 1999, jur. p. 106, note B. BEIGNIER. JCP G 1999. II. 10044, note G. LOISEAU. CA Paris, 27 mai 1997 (Cts Mitterrand, affaire du grand secret) ; JCP G 1997. II. n° 22894, note E. DERIEUX. CA Paris, 11e Ch., 2 juillet 1997 (Cts Mitterrand c/ Paris Match) ; D. 1997, jur., p. 596, note B. BEIGNIER. TGI Paris, 1ère Ch., 23 octobre 1996 (Cts Mitterrand, affaire du grand secret) ; JCP G 1997. II. n° 22894, note E DERIEUX. D. 1998, Somm. p. 85, note T. MASSIS. Cass. crim., 21 octobre 1980, Bull. crim., n° 262 (Affaire Jean Gabin) ; D. 1981, jur. p. 72, note R. LINDON. T. civ. Seine, 16 juin 1858 (Rachel) ; DP 1858. III. 62 

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