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Sociologie de la Musique.docx

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SOCIOLOGIE DE LA MUSIQUE Musicologie INTRODUCTION   La sociologie est une discipline qui apparaît à la fin du XIXe siècle ; elle s’est développée dans le cadre d’une sociologie précise dans les années 20-30, à savoir la sociologie de l’art. En 1921, Max Weber publie de façon posthume Sociologie de la musique, qui constitue plus une réflexion sur la manière dont la musique s’est constituée, en rapport avec l’histoire. L’Histoire de la sociologie musicale est dépendante de l’histoire de la sociologie. Cette discipline touche l’esthétique, l’histoire, la philosophie, ayant une dimension plurielle. Cette discipline a considérablement évoluée depuis la fin du XIXe siècle, surtout dans les années 1970.    I.                   La Naissance de la sociologie : les pères fondateurs   Le mot « Sociologie » a été inventé au XIXe siècle par le philosophe français Auguste Comte (1798-1857), symbolisant le courant positiviste, la croyance dans le progrès, dans la science. Il invente ce terme en 1839 dans son Cours de Philosophie positiviste, la définissant comme la vraie science de la nature humaine qui concerne les lois qui structurent le système social ; chercher ce qui est à la racine de tous les phénomènes. La loi appelle au modèle, aux sciences de la nature, puisqu’il est héritier des Lumières et de la raison. Ainsi, le fonctionnement des sociétés repose aussi sur des lois ; on parlera de physique sociale. La sociologie a pour but d’étudier les faits sociaux, et d’en voir comment la société est déterminée par certaines règles. La sociologie va surtout commencer à se développer à partir d’autres auteurs. La Sociologie est une discipline qui jusqu’en 1958 en France fait partie de la philosophie. Après Comte, qui ne fait que définir les contours de cette disciplines, trois auteurs sont a remarquer ; le français Émile Durkheim (1858-1917), l’Allemand Max Weber (1864-1920), ainsi que Karl Marx (1818-1883).  La sociologie de Durkheim est fondée sur l’étude des phénomènes collectifs, qui s’appuie sur l’étude des règles de fonctionnement de la société, héritée de Compte. La sociologie est définie comme une science exacte. Les êtres humains appartiennent à des groupes, et leurs actes sont déterminés par des groupes. Le groupe est plus important que la personne, que l’individu. En sociologie, on s’occupe de la relation entre les individus et les groupes. Durkheim ne s’intéresse pas à la psychologie des individus, mais uniquement au groupe, et à ce qui le détermine. Il existe pour lui des phénomènes extérieurs aux individus, qui conditionnent leur vie. Il y a des réalités qui s’imposent aux individus, ce qui les contraint à obéir à certaines lois. « Le fait social est une chose », quelque chose s’impose aux individus. Une des études fameuses de Durkheim apparaît dans son ouvrage Le Suicide (1897).  Il ne faut pas s’intéresser aux motivations des gens qui se suicident, qui relèvent de la psychologie. Or la sociologie est fondée sur des constats. Ainsi, on se suicide plutôt dans les villes que dans les campagnes, les hommes se suicident plus que les femmes, les célibataires plus que les individus mariés. Ces variables concernent la géographie, le sexe, le statut social, et même la religion ; un catholique à moins de chances de se suicider qu’un protestant. « Le suicide est un acte normal », il faut essayer de connaître les faits sociaux qui s’y rapportent. Weber est un sociologue qui analyse différemment la société. Il va être le père de la sociologie compréhensive. Contrairement à Durkheim, il faut s’intéresser aux motivations des individus, à la manière dont ils représentent le monde. Il va développer sa pensée à travers toute une série d’étude dont la plus fameuse est L’Étude protestante et l’esprit du capitalisme (1904), réflexion sur la société Etats-Uniennes. Il faut trouver les lois qui ont permis que les États-Unis deviennent pays le plus riche du monde. Pour Weber, cela vient du rôle du protestantisme ; la mentalité protestante a permis le développement de la richesse, puisque les protestants des États-Unis considéraient le gain de l’argent comme une bénédiction de Dieu. Les sociétés deviennent de plus en plus rationnelles, en s’organisant de plus en plus suivant des règles très claires. Les phénomènes sociaux et historiques sont dépendants d’une relation à la rationalité.  Weber va dans sa Sociologie de la musique va expliquer de manière très rationnelle l’histoire de la musique, en tant qu’histoire de la pensée musicale Occidentale dépendante du phénomène de rationalisation. Par exemple, il explique que dans le domaine de l’organologie on abandonne de nombreux instruments au profit d’un système plus simple et plus clair. Dans le langage musical, on part d’une diversité de modes pour arriver à la tonalité. On cherche le plus simple, le plus évident.  Marx a développé une sociologie qui s’intéresse aux causes économiques et sociales, ou causes matérielles des phénomènes dans la société. Cela suppose une analyse de la société, des forces sociales et une description de leur rôle dans la société.      II.               L’évolution de la sociologie   Cette évolution est importante dans les années 1920 en particulier aux États-Unis. Mais cette évolution commence au début du XXe siècle à Chicago. La ville se développe, en raison de l’afflux de personnalités Européennes. Il y a par conséquent un mélange de populations important, et beaucoup de communautés, de gangs. L’université de Chicago décide de s’intéresser aux phénomènes qui se produisent dans la ville, et non plus de s’intéresser aux lois. Ils analysent le langage, la relation avec l’habitat, le mode de vie des différents espaces, etc. Ainsi, fleurissent un certain nombre de travaux qui ne proviennent pas de la philosophie. Cette sociologie va se développer dans les universités des États-Unis dans les années 1920. La crise de 1929 va être forte aux États-Unis. Le gouvernement décide d’étudier le comportement des urbains et de multiplier les nouveaux types de sociologies fondées sur les enquêtes, afin de résoudre des problèmes sociaux. Ces enquêtes sont très importantes pour la sociologie. La sociologie des pères fondateurs s’éloigne petit-à-petit. Elle va être descriptive. On peut citer Lloyd ou Warner comme nouveaux sociologues.  Après la seconde guerre mondiale, la sociologie s’éloigne des hommes pour s’élargir à des enquêtes quantitatives dans des domaines comme celui de la religion ; Lazarfeld demande à Adorno de s’intéresser à la manière dont les gens écoutent la radio, pour permettre aux radios de constituer des programmes choisis. C’est une sociologie de marketing.     III.            La sociologie après 1945   Partout dans le monde, la sociologie se développe. Elle va donner lieu à des thèmes différents suivant les pays, à des écoles de sociologie différentes, toujours dominée par une sociologie d’enquête. Des entreprises ou des administrations utilisent des sociologues ; en parallèle, les sociologues vont développer une sociologie sur le travail, la religion, etc. Se développe également l’anthropologie culturelle plutôt consacrée aux sociétés non Européenne. Cette ethnologie est parente avec la sociologie.     IV.            La sociologie de l’Art   Se développant à partir des années 1950, ce type de sociologie propose une réflexion sur l’œuvre d’art en l’analysant par rapport à la société. On parle d’esthétique sociologique. Elle est fondée sur l’analyse du phénomène artistique et d’une œuvre d’art au sein d’une société. En particulier, cette sociologie concerne la peinture. Cette discipline se différencie de l’histoire de l’art. La sociologie de l’art c’est l’étude des conditions de création des œuvres d’art. C’est l’histoire sociale de l’art. Une sociologie s’intéresse aux pratiques musicales alors qu’une autre s’intéresse aux relations artistiques entre une œuvre et une société. Cette différence va être de plus en plus évidente au cours du XXe siècle.        CHAPITRE I   I.                   Les pratiques culturelles des français   La sociologie de la culture comporte des données numériques et chiffrées, qui s’intéressent à l’analyse des goûts et des choix, tout en s’intéressant également aux relations qui existent entre les choix des individus et des groupes.    1.1/ Des enquêtes officielles Les pratiques culturelles des français font l’objet d’enquêtes officielles commandées par le ministère de la culture. Ces pratiques évoluent ; les manières de consommer, de créer, d’écouter et de vivre de la musique évoluent. Périodiquement, des enquêtes sont commandées en moyenne tous les 8-10 ans. Une première enquête est effectuée en 1973, suivie de 3 autres jusqu’à nos jours, en 1981, 1989, 1997, puis 2008. De 1997 à 2008 se passe l’arrivée de l’internet, et d’un nouveau mode d’accès à la culture. Les enquêtes sont un moyen de cerner les différentes relations des français à la culture.   1.2/ L’enquête de 2008 Elle a été réalisée avec la sélection d’un nombre représentatif de français de diverses catégories sociales. Les thèmes étudiés ont été les loisirs des vacances, les sorties le soir, l’équipement du foyer, les jeux-vidéos, l’ordinateur, la télévision, la vidéo et le DVD, la radio, l’écoute de musique, la presse, les livres, l’accès aux bibliothèques, le cinéma, le théâtre, le spectacle vivant, les pratiques en amateur, le hobby. Tout ceci est regroupé en neuf chapitres, qui donnent lieux à des tableaux.    à Tableaux : Les pratiques culturelles des français à l’ère numérique   1.3/ Les facteurs clefs des enquêtes Il y a quatre éléments qui déterminent les facteurs clefs des enquêtes. Le premier élément est le sexe. Le deuxième est l’âge. Le troisième facteur est la catégorie socioprofessionnelle qui détermine le pouvoir d’achat. Le quatrième facteur est le niveau de diplôme et d’étude. Le cinquième facteur est le facteur géographique ; on n’écoute pas la même chose si on vit dans une grande ville, une petite ville, ou à la campagne.        II.               La Notion de classe sociale     2.1.        Caste, classe, et stratification sociales La notion de classe sociale est théorisée de manière très différente suivant les sociologues. Elle part de l’idée que les individus vivent en groupe et obéissent à des règles qui sont déterminées par ce dernier. Les inégalités ne sont pas de nature purement individuelle, mais de nature sociale. Elles sont fondées sur l’existence des hiérarchies. Le champ du social exprime un rapport hiérarchique à l’art et à la musique. Il existe des formes musicales qui sont valorisées et d’autres dévalorisées. Il y a plusieurs types de stratifications dans les sociétés. Tout d’abord, le premier groupe est la caste, qui vient du Portugais « Casta », pur. Cela renvoie à la structure sociale de l’Inde, distinction entre les purs et les impurs. Les purs sont les brahmanes, les impurs sont les intouchables. Transposées au monde Occidental, les castes sont des groupes refermées sur eux-mêmes, telles que les sectes. Le Français Georges Dumézil estime que les sociétés indo-Européennes étaient structurées selon trois ordres, les prêtres, les guerriers, les producteurs. Une société est ainsi un champ d’opposition.  Cette notion de classe sociale prend des aspects différents en sociologie   2.2.        La Conception des sociologues Américains Pour les sociologues tels que Warner, les différences entre les groupes sociaux sont réelles. La société est composée de classes dirigeantes, de classes moyennes, chacune étant divisées en plusieurs groupes, et de classes inférieures. La société permet avec de la volonté de passer d’un groupe à l’autre. Dans Yankee cities series, Warner explique qu’il existe une classe supérieure-supérieure, puis supérieure-inférieure, puis moyenne-supérieure, puis moyenne-inférieure, puis inférieure-supérieure, puis inférieure-inférieure. C’est la notion de stratification sociale plutôt que de classe sociale. Les distinctions entre les classes se fait par rapport à l’identification sociale, le style de vie, et la relation au prestige. Cependant, il n’y a pas de conflit de classe, mais c’est une logique.      2.3.        La conception de Karl Marx  Les classes sociales se définissent par rapport à la production économique. Il existe des inégalités déterminées par des différences de richesse. Les riches possèdent les moyens de production. Ces distinctions se basent aussi sur la conscience des rapports sociaux, et de la place d’une certaine classe dans la société. La seule classe sociale qui a conscience d’elle même est la noblesse, la haute bourgeoisie, la classe sociale supérieure, qui luttent pour garder leurs privilèges.   2.4.        La conception de Max Weber Il va inspirer Pierre Bourdieu. Il considère que la classe sociale n’est pas seulement une notion économique. Il considère l’importance de la classe prestigieuse, appelée Status. Cette recherche du Status caractérise le mode de vie, une manière de consommer, de se loger, de se vêtir, de manger, de parler, de se comporter, de se marier, de vivre. Le status est ainsi le sens du prestige social. Weber montre que dans le processus de classe sociale, la recherche du prestige ou son refus est également déterminant. En musique, Bourdieu va montrer certains choix qui seront liés à cette volonté d’occuper une place symbolique mais réelle dans la hiérarchie. Cette volonté de prestige possède une expression individuelle, qui est cependant retrouvé à différents niveaux dans un groupe social. Weber distingue un troisième type de hiérarchie, moins liée à la notion de classe sociale, la hiérarchie politique.      III.            La sociologie de Pierre Bourdieu et sa pertinence dans le domaine artistique 3.1.        Pierre Bourdieu (1930-2002)   Pierre Bourdieu a étudié un certain nombre de terrains nouveaux. Son premier travail important est consacré aux étudiants (1964), en collaboration avec Jean-Claude Passeron, dans l’ouvrage Les Héritiers. Ils montrent que les étudiants des classes populaires avaient très peu de chances d’arriver à l’université, produit d’un système qui entretenait les inégalités. Les étudiants les plus brillants sont issus de la bourgeoisie, la classe dominante. Bourdieu va s’intéresser à la photographie, au milieu artistique. En 1979, il publie La Distinction, qui comporte des analyses, des témoignages et qui a marqué les enquêtes en milieu culturel dans les années 1980. Il ne s’agit pas simplement de faire des enquêtes, mais d’étudier les comportements. Bourdieu va s’appuyer sur un certain nombre de concept pour montrer que les pratiques culturelles relèvent d’un sens de la construction sociale, l’objet d’un enjeu culturel et social, qu’elles ne sont pas innocentes, et qu’en matière de culture, les goûts individuels dépendent de facteurs collectifs. Bourdieu va réaliser toute une série de travaux, comme l’inégalité entre hommes et femmes, la misère du monde. En 1995 son action va devenir plus politique avec le soutien des travailleurs en grève contre le plan Juppé, puis il va agir sur la critique des médias, particulièrement la télévision.   3.2. Les concepts théoriques de Bourdieu   à J.S Bach – Cantate BWV.34 à G. Rossini – Ouverture de Guillaume Tell à Tea for two    Le point de départ est la notion de goût. Il ne va pas être sociologique mais philosophique. En 1790, Emmanuel Kant dans Critique de la faculté de juger, explique que le goût était quelque chose de purement individuel. Le choix en matière de culture et d’art provient d’une faculté à trouver le beau. Tout ce qui est beau doit apparaître de manière évidente, et qui s’impose à l’être humain ; il n’est pas le résultat du plaisir des sens, qui ne doit pas non plus reposer sur la raison. C’était un plaisir immédiat, une révélation qui ravissait l’âme. C’est à partir de cette réflexion que Bourdieu critique la notion classique de goût. Le goût, qu’il appelle le jugement, provient d’un conditionnement social qui marque les individus, marque leur choix individuel de manière consciente, mais surtout inconsciente. A partir d’une enquête sociologique, il va s’intéresser aux choix faits en matière de culture.   à Titres et quartiers de noblesse culturelle ; La Distinction – Bourdieu   Le premier concept à se démarquer est le concept d’habitus ; ce sont les structures sociales de notre subjectivité. Il y a une série de choix en matière de vie quotidienne, de culture, d’alimentation, qui ne sont pas des choix purement individuels.  Ces choix sont déterminés par des facteurs sociaux. Ils appartiennent à un groupe, à une couche sociale dont on est conditionné. Ces choix sont déterminés par cet habitus. Il concerne tous les individus, à tous les niveaux de leur vie. Ainsi nous ne sommes pas totalement libres quand nous choisissons de la musique ; nous sommes déterminés par des valeurs qui appartiennent à un groupe et qui conditionne notre subjectivité. C’est un système de dispositions durable. C’est aussi une notion historique, puisqu’il se transmet de génération en génération. Il faut noter aussi le concept de champ, en tant que sphère de la vie sociale qui est devenue autonome. C’est un ensemble de relations entre des acteurs individuels et des acteurs collectifs dans un domaine précis. Ce sont des domaines d’affrontement entre des sujets sociaux et des couches sociales.  Ces concepts mettent à mal la notion d’individu libre de ses choix, qui est donc toujours environné et marqué par la dimension collective, et est dépendant de cette collectivité. Il s’agit donc d’examiner dans le domaine de la culture de voir quels sont les éléments qui sont importants et qui marquent les différences dans ce champ. Bourdieu va montrer que la culture est un champ très particulier, où les individus s’opposent et obéissent à des classements.   3.2.        L’expression des goûts en sociologie, La Distinction (1979)   C’est une gigantesque enquête dans laquelle Bourdieu s’interroge dans les choix personnels et l’expression des goûts. Il va partir du constat qu’il existe à travers la culture un autre capital que la richesse. Il y a des différences économiques, le capital économique, mais il y a aussi le capital culturel. Ce capital culturel est inégalement réparti suivant les classes sociales. Ce capital culturel s’acquiert à priori par l’école. Mais l’école ne donne qu’une partie du capital culturel puisqu’elle n’enseigne que des bases culturelles. Une grande part du capital culturel s’acquiert par des fréquentations, des imprégnations et des influences qui se situent hors de l’école. Elles proviennent des groupes dans lesquels on évolue, et sont déterminées par les milieux sociaux dans lesquels les sujets évoluent. Bourdieu montre qu’il y a un domaine qui n’est qu’en partie enseigné par l’école, ce qu’il appelle la culture légitime. Cette culture légitime est fondée sur la connaissance des grandes œuvres classiques en tous domaines, ainsi que sur la connaissance des arts traditionnels et de la littérature. Cette culture légitime suppose déjà des connaissances enseignées hors de l’école pour les artistes les plus récents ou non enseignés qui possèdent quand même de l’importance dans l’évolution artistique. Il y a dans la culture légitime une hiérarchie entre des genres majeurs et des genres mineurs. En littérature, le roman est un genre majeur alors que le roman policier ou la science fiction sont des genres mineurs. Les individus vont se référer à des œuvres qui font l’objet de classement, œuvres qui vont constituer des références qui vont contribuer à classer socialement la personne qui préfère un certain type d’œuvre. Le second type de domaine est celui des nouveaux arts (Cinéma, bandes dessinées). Ainsi, le capital culturel est le produit de l’éducation et d’une série d’acquisitions qui montre soit une progression sociale en matière de culture, soit une stagnation et l’influence d’une culture de grande diffusion réalisée uniquement par les médias. Pour Bourdieu il y a trois attitudes différentes de culture suivant les classes sociales : Le Goût du nécessaire, soit les milieux populaires. Ensuite, la bonne volonté culturelle, les couches moyennes avides de culture. Enfin, le sens de la distinction, le sens de la bourgeoise, qui ne pense qu’à se distinguer par leurs connaissances culturelles.    Pour Bourdieu, l’habitus est un produit de conditionnement, qui engage des conduites conscientes ou inconscientes, qui amènent à un choix en matière de musique selon la catégorie sociale. Se déploient trois grandes stratégies selon les groupes sociaux. Le goût du nécessaire pour les classes populaires soit l’absence de vrais choix ; puis la bonne volonté culturelle pour les couches moyennes qui investissent dans la culture ; enfin le sens de la distinction, qui est celui de la noblesse culturelle.  Cela se réalise en fonction du capital économique, et le capital culturel.    4.2.        L’évolution de la société française et de la relation à la culture.    A partir de 1975, la française connaît une crise économique du modèle industriel hérité du XIXe siècle, ainsi que de surproduction. Cette crise est accompagnée d’une crise politique, de l’État, et en particulier du modèle social de l’état. Ces crises ont entrainées une crise sociale, avec un fort taux de chômage, le développement du racisme, de la crise de la ville. Se développe un nouveau mode de vie, lié à l’individualisation. Ce phénomène est lié à l’emploi précaire (C.D.D.) qui tend à s’imposer contre la sécurité de l’emploi qui fragilise la société. Cela entraine une autre relation à la musique.    4.3.        La Culture des individus de Bernard Lahire (2004)   Non pas que Lahire soit hostile aux thèses de Bourdieu, mais il met en cause les concepts théoriques de ce dernier en montrant la diversité des comportements par rapport à la culture. La thèse de Lahire est fondée sur l’idée qu’il faut partir des individus dans l’étude de la musique et des goûts musicaux. En réalisant des enquêtes très précises sur les choix culturels des individus, Lahire est amené à faire des constats très différents de ceux de Bourdieu. Il existe toujours des constantes sociales, mais elles sont conditionnées par des choix individuels. Il existe des profils culturels dissonants. C’est un profil qui est fondé sur la variété des choix individuels en matière de culture et de musique. Les profils culturels dissonants sont supérieurs aux profils culturels consonants, ceux qui restent dans le même domaine. Il n’y a pas de frontières entre la haute-culture et la sous-culture parce que la culture du divertissement est commune à tous les acteurs de la culture. Cette atténuation des frontières est due au développement du divertissement notamment avec la télévision. Selon Lahire, il existe toujours des différences sociales et des différences d’accès à la culture, mais ce qui caractérise le comportement en matière de culture, ce n’est plus un monde d’habitus, c’est un monde très complexe et très individuel. C’est un monde de différenciations, qui est fondé sur la prédominance de la sphère privée.   4.4.        Le rôle des facteurs sociaux   Une étude de Philippe Coulangeon intitulée Les Métamorphoses de la distinction (2011) critique les travaux de Lahire et revient à Bourdieu. L’objectif n’est cependant pas de montrer que les concepts de Bourdieu sont valables dans la France actuelle, mais que malgré les comportements individuels, il existe toujours des différences sociales et culturelles ; l’accès à la culture est toujours difficile et le poids des inégalités économiques empêchent l’évolution vers la connaissance des expressions les plus audacieuses car il y a derrière la culture des marchandises. Malgré l’expansion du savoir et l’élévation du niveau culturel, il y a toujours des obstacles en matière de culture.      Ainsi, il existe différentes manières de vivre la musique suivant la position sociale que l’on a dans la société.       CHAPITRE II : L’œuvre musicale et ses commanditaires   I.                   La notion de commanditaire   C’est une notion extraite de la sociologie de l’art car elle concerne la musique, la peinture, la sculpture et la littérature. Elle provient de la situation sociale des artistes créateurs qui ne sont pas libres et dépendent d’une personne ou d’un groupe social qui commandent des œuvres de manière parfois orale, ou de manière écrite. Cette notion est très ancienne car elle recouvre la notion de mécène (riche romain qui finançait les artistes de son temps).    1.1.        L’apport de l’histoire et de la sociologie de l’art   Le commanditaire est une notion longtemps considérée comme secondaire en histoire de l’art, qui a d’abord été fondée sur l’histoire des œuvres et de leurs formes. On trouve une relation qui va concerner l’histoire de l’art et la sociologie, qui va s’intéresser aux acteurs de l’œuvre, et à l’étude des relations des créateurs et de leur entourage. Ce qui est apparu petit à petit, ce n’est plus seulement les œuvres, mais à travers des biographies apparaît l’étude des carrières des artistes. Cette étude a mis en avant le rôle déterminant des commanditaires, des circuits de commande d’une œuvre, et également l’importance décisive de la diffusion et des stratégies de diffusion des œuvres ainsi que sa réception par le public. C’est un domaine d’étude qui n’est pas indépendant de l’œuvre, mais qui conditionne celle-ci, en l’environnant. Une grande partie des œuvres sont déterminées par les demandes d’un certain nombre de mécènes qui commandent des œuvres à des artistes. Ils peuvent être des mécènes individuels, comme des mécènes collectifs à savoir une communauté religieuse par exemple. Il faut savoir quelles relations se tissent entre la capacité du créateur et le désir du commanditaire. Si l’œuvre réexécute tous les désirs du commanditaire ou si elle ne les réalise qu’en partie.    à DOCUMENT : Contrat de commande  de l’œuvre Les Noces de Cana – Véronèse Dans ce tableau figure tous les personnages principaux de l’époque de Véronèse, tandis que le Christ est au milieu. Ce que montre l’histoire de l’art, c’est que toute la carrière de certains peintres a été menée grâce aux commandes.    De même, la relation triangulaire entre œuvre, compositeur et commanditaire se trouve confrontée à d’autres relations telles que l’exposition au public, ou la gérance des diffuseurs.   1.2.        La notion de configuration – Norbert Elias (1897-1990)   Un des plus grands sociologues du XXe siècle, il a travaillé sur la notion d’individu, avec l’ouvrage La Société des individus, qui mélange les notions de collectif et d’individu. L’individu appartient successivement ou simultanément à plusieurs groupes qui déterminent ses actes. Il est soumis toute sa vie à l’appartenance à plusieurs groupes. Se met en place la notion d’interdépendance. L’individu est dépendant pour ses actes d’autres individus. L’individu peut réaliser ses propres objectifs tout en réalisant sa construction sociale. Il s’agit enfin de savoir quelle est la place de l’individu dans l’interdépendance. Il écrit aussi sur Mozart, à 93 ans, Mozart, Sociologie d’un génie, inachevé. Il n’est pas possible de considérer qu’un compositeur soit isolé. Le génie isolé n’existe pas. Le génie est le résultat de la relation de l’individu et un certain nombre de personnes et de réseaux, qui jouent un rôle déterminant pour la réalisation des œuvres, mais aussi pour le contenu des œuvres. Cet ouvrage peut être mis en parallèle avec Beethoven et la construction du génie de Tia de Nora. Enfin, quelle est la part d’autonomie pour le compositeur par rapport à son commanditaire ?        1.3.        Mozart, sociologie d’un génie   Cet ouvrage posthume d’Elias pose certaines questions. La thèse d’Elias s’appuie sur l’histoire de la musique et montre le cheminement de Mozart à travers deux systèmes sociaux. Le premier système est la dépendance de l’archevêque de Salzbourg. Il n’est pas simplement le dignitaire religieux, mais le chef de l’État, principauté de Salzbourg. Ce prince Colloredo est le premier employeur de Mozart pendant une grande partie de sa vie. Mozart a un statut de domestique, statut qu’a aussi son père. Il faut répondre aux besoins du prince, et toute une partie de la création de Mozart est conditionnée par cette dimension de dépendance. Le second monde de Mozart est à partir de 1781, à Vienne, où il obtient son congé difficile de la part de Colloredo, et il devient compositeur indépendant dans l’Empire d’Autriche. Pendant 10 ans, Mozart va tenter de vivre de la vente de ses œuvres, de la production de ses compositions, en essayant de séduire les aristocrates de Vienne. La vie de Mozart à Vienne va être très difficile, car il est socialement en avance sur son temps. Il exerce ce métier à une époque où la société n’est pas prête à accepter l’indépendance d’un compositeur. Le livre d’Elias refuse de faire de Mozart une simple victime de la société de son temps. En quelque sorte, Mozart serait quelqu’un de passif, essayant sans succès de soulever ce qui ne peut l’être. Mozart est quelqu’un qui a eu une relation ambivalente avec les aristocrates, soit des relations plus ou moins contradictoires avec un individu ou un groupe social. Ces relations d’ambivalence s’expliquent par le fait que Mozart détestait les aristocrates de Vienne, mais voulait être considéré comme leur égal. Pour les séduire, Mozart a donc tenté de créer des œuvres que pouvaient aimer les aristocrates Viennois, en adoptant leurs goûts. Nous sommes dans une relation d’interdépendance qui explique la complexité des œuvres de Mozart, qui ne sont pas l’expression d’un individu libre, mais d’un individu soumis à une série d’interdépendance pour faire vivre ses œuvres.      II. La Symphonie Haffner    à Symphonie No.35 K.385 « Haffner » en Ré Majeur – Mozart (1782)   En 1782, Mozart est un compositeur installé à Vienne reçoit une lettre de son père de la part d’un certain Haffner, maire de la ville de Salzbourg. Il lui commande une symphonie. Mozart a quitté violemment Salzbourg en partant de l’instance du prince Colloredo. Haffner va devenir noble par le prince lui même, et il veut une sérénade, œuvre en plusieurs mouvements pour sa cérémonie d’anoblissement. Or, Mozart, pour le mariage de la fille d’Haffner avait composé une sérénade (K.250, 1776). Un sérénade, jouée par étymologie le soir, est généralement pour vents, qui trouve sa place dans les cérémonies. Ainsi, il compose une œuvre symphonique, qui pose énormément de questions et qu’il faut interpréter. C’est une œuvre extrêmement politique, critique d’Haffner et du monde de Salzbourg, qui passe par la musique. Tout d’abord, l’œuvre de Mozart est différente de celle que voulait Haffner. Ici, l’œuvre dépend du choix du compositeur en même temps que de sa relation avec le commanditaire. L’expression d’une différence entre Mozart et Haffner va exprimer l’œuvre.     2.1. Les quatre mouvements de l’œuvre   Le premier et le quatrième mouvement sont des mouvements brillants et dynamiques. Le second mouvement est radicalement différent du premier, de style galant, mélodique. Le troisième mouvement est un menuet, où le trio prend un style populaire. Ces quatre mouvements s’expliquent à travers la relation de Haffner et Mozart. Haffner commande cette œuvre à Mozart pour célébrer son passage du statut de bourgeois à celui de noble.    2.2. Sérénade ou symphonie ?   Ce que demande Haffner à Mozart, tout comme il l’avait fait pour le mariage de sa fille, c’est une sérénade. Cette dernière comprenait d’ailleurs 8 mouvements encadrés par une marche. Il envoie une seconde sérénade, mais comprenant seulement plus que quatre mouvements, en utilisant une autre marche, probablement arrangée par son père, afin de fabriquer la sérénade. Cette liberté prise par rapport à la première sérénade montre que Mozart est devenu indépendant, à Vienne. Troisième étape, la symphonie telle quelle en enlevant la marche est jouée à Vienne, en ajoutant les clarinettes. Quand l’œuvre est commandée, Mozart travaille en parallèle l’enlèvement au Sérail. On trouve ainsi une relation entre ces deux œuvres.    2.3. L’enlèvement au Sérail   C’est un Opéra en Allemand qu’on appelle un Singspiel (opéra populaire avec dialogues parlés). C’est l’histoire de deux couples, d’un côté Constance et Blonde, qui ont été capturées par le Turc Sélim (pacha). Osmin est le garde méchant qui les retient. Les deux amoureux, Belmonte et Pedrillo qui vont essayer de délivrer leurs amantes. Mais ils sont aussi capturés. Au final, Sélim reconnaît en Belmonte le fils de son ennemi espagnol. Mais en plein siècle des Lumières, il représente la justice et la raison, et va libérer tous les personnages en punissant Osmin.  Osmin représente tout ce que refuse Mozart, à savoir le pouvoir dans sa violence et dans sa méchanceté, le pouvoir aristocratique. Osmin va être caricaturé, et va être présent dans la symphonie Haffner. Il y a une relation d’intertextualité entre les deux œuvres.      2.4. La relation de l’enlèvement au sérail.   à Ha ! wie will ich triumpheren » Air No. 19 Des correspondances se tissent avec le quatrième mouvement de la symphonie Haffner ainsi que le premier mouvement. Tout se passe comme si Mozart avait utilisé dans sa symphonie des fragments de l’air d’Osmin, le tyran de son Opéra.    à Document (partitions en correspondance)   Mozart utilise ces thèmes plusieurs raisons. Il compose cet Opéra à Vienne en ayant cet air dans la tête tout en réalisant l’œuvre que lui commande Haffner. Mais il n’utilise pas ces airs au hasard. La présence d’Osmin personnifie le personnage qu’il déteste dans la vie comme dans l’opéra. Selim quant à lui représente la raison, qui écrase la méchanceté incarnée en Osmin. Selim représente le despote éclairé propre à l’Aufklärung des Lumières, à savoir l’Empereur Joseph II. Osmin représente ainsi le prince Archevêque Colloredo. Derrière le couple Belmonte Constance se représente le couple Mozart Constance.  Ainsi, non seulement il ne respecte pas la sérénade, mais il donne une autre signification à cette œuvre.   2.5. Une œuvre codée   Pour Mozart, il y a un véritable message secret exprimé à travers cette symphonie. C’est une manière de répondre sur un autre plan au désir du commanditaire. Le commanditaire demande une musique de pur divertissement, et Mozart aménage cette musique de divertissement en symphonie, en la codifiant de surcroît. C’est un avertissement solennel à travers la musique qu’il accorde à Haffner, en liaison avec un Opéra qu’Haffner ne pouvait pas connaître. Le premier mouvement de la symphonie est le théâtre de la présence d’Osmin de par son air au moment des paroles « vous vous glissez sans bruit maudits rats de Harem, nous vous entendons quand même » sur une musique dispersée dans un thème en octaves. C’est la colère d’Osmin, la colère de Colloredo, qui s’en prend directement à ceux qui se glissent dans la noblesse. Le quatrième mouvement également insinue la présence de Colloredo, par le second thème. Le deuxième mouvement est de style galant, et représente la noblesse. Le troisième mouvement est un menuet, qui possède un trio particulier. Le menuet est un peu gauche, presque ridicule. Le trio est quant à lui une danse populaire, dans le ton de la dominante du menuet. Haffner, qui rentre dans le monde noble, restera toujours un paysan. Finalement, Haffner est un faux noble, qui restera sujet de Colloredo. Mozart se moque de lui, comme Molière le fera avec la parabole du Bourgeois gentilhomme et la difficulté de la progression sociale. A noter d’ailleurs que la musique de Lully fait place à un menuet.  La relation entre le commanditaire et le compositeur permet la structure de cette symphonie. On ne peut pas comprendre cette œuvre sans contexte sociologique. Ce qui est extérieur à l’œuvre nous donne le sens de l’œuvre.       II.               L’importance du rôle des mécènes     Le public entre en jeu dans le champ sociologique, qui devient un objet de construction sociologique. Toute sociologie de la musique doit s’intéresser au public.  Antoine Hennion, dans La Passion musicale (1993), et dans La Grandeur de Bach (2000) expose la théorie des médiations. L’objet de la musique est difficile à cerner. L’objet musique est mouvant, c’est pourquoi il faut étudier les traces laissées par l’objet dans la conscience des acteurs de la musique d’une part, et d’autre part étudier les moyens de la musique, à savoir les moyens utilisés par les interprètes pour créer de la musique. Cette sociologie s’intéresse à ces dispositifs, ces moyens, ces supports, en mettant en place leur étude en se basant sur les instruments, les scènes, les partitions, les disques, et les moyens de diffusion. On ne s’intéresse pas à la musique, mais à la manière dont la musique est organisée, parce que les moyens sont l’occasion de favoriser des échanges, des stratégies différentes, des prises de positions, qui sont le résultat d’une activité, mais également les traces de par les acteurs de la musique, et des amateurs de la musique. La parole de ces amateurs détermine le goût musical et permet d’expliquer pourquoi on aime certains produits et non d’autres.    Comment est-il possible d’apprécier de la musique modifiée ?   à Beethoven – Symphonie No. 9 – Orange Mécanique   Cette déformation n’est pas anormale. Les œuvres musicales sont constamment déformées, et sont soumises à l’action des interprètes, des arrangeurs. Cela a commencé avec Bach au XIXe siècle, sans les moyens modernes. Quand on jouait les airs de Bach à l’orgue au XIXe siècle, on les déformait totalement. Ces phénomènes musicaux désacralisent apparemment l’œuvre mais concerne une pratique musicale particulière. Il faut donc interroger non pas la fabrication de ces musiques mais la réception de l’auditeur. Ainsi le propre d’une œuvre musicale incite à la déformation. Dans la version d’hymne national arrangé par Karajan, on trouve une déformation conséquente de l’œuvre originale. L’interprétation et l’arrangement changent radicalement la façon dont une œuvre est exécutée.    La théorie de la médiation a tendance à oublier la musique elle-même, mais étudie simplement ces traces, et l’opinion qu’on en fait. Le grand objet est de savoir comment la musique fonctionne ; mais la vraie question qui se pose quand on fait une sociologie de l’œuvre n’est pas de se demander comment une musique fonctionne, mais pourquoi on réalise tel type de musique, et pourquoi on aboutit à un tel produit musical.    2.    Beethoven : 9e Symphonie   à VIDEO : L’utilisation de la 9e symphonie de Beethoven au XXe siècle (Paul-Henry Salfati)  SOCIOLOGIE DE LA MUSIQUE                  Symphonie Haffner de Mozart.   I.                    La notion de commanditaire 1)      L’apport de l’Histoire et de la sociologie de l’art   Ce fut longtemps considéré comme secondaire en Histoire de l’Art. On va s’intéresser aux acteurs de l’œuvre, et à l’étude des relations des créateurs et de leur entourage. Ce qui est apparu petit à petit n’est plus seulement les œuvres, mais = des carrières des artistes. Cela a mis en avant le rôle déterminant des commanditaires, des circuits de commande d’une œuvre et = l’importance décisive de la diffusion et des stratégies de diffusion et de réception des œuvres par le public. Ceci est un domaine d’étude qui conditionne l’environnement de l’œuvre. Les mécènes peuvent être individuels, ou collectifs. Lazare : Lève-toi et marche ! => Evangile. La foi soulève les montagnes.   Le commanditaire demande une œuvre, donc réalisation de l’œuvre. Quelle relation se tisse entre l’œuvre, la capacité du créateur et le désir du commanditaire ? -> Les Noces de Cana : travail de commande, tout est bien précisé. Les puissants de l’époque, les principaux religieux, etc. Comment fera Véronèse pour faire ça ? Toute la carrière d’un artiste a été déterminée par ces commanditaires. Elles sont distribuées et précisées POUR QUI elles sont faites. Y a un rapport de sociologie. L’œuvre se retrouve face au diffuseur.   2)      La notion de configuration (Norbert ELIAS, 1897-1990)   C’est un des plus grands sociologues ; il a bossé sur la notion d’individu, il a écrit un grand ouvrage publié à la fin de sa vie : La société des individus, La société des cours, et sa dernière œuvre : Mozart, sociologie d’un génie. M. sera l’objet d’étude du fromage. Il n’est pas possible de considérer qu’un compositeur/créateur soit isolé. Il y a un mythe du génie. Important : les relations tissées entre l »’individu créateur et un certain nombre de personnes et de réseaux qui jouent un rôle déterminant pour la réalisation des œuvres, et pour le contenu des œuvres lui-même. Celui qui explique parfaitement ces relations, c’est Norbert ELIAS. Il explique dans son livre théorique La société des individus, L’individu isolé n’existe pas, il appartient à plusieurs groupes qui déterminent ses actes. Et ELIAS explique ce merdier à travers la notion de configuration : l’individu est soumis tout au long de sa vie à l’appartenance à plusieurs groupes : la famille, ses amis, ses collègues professionnels, ses relations affectives…  Elias met au centre de sa théorie la notion d’interdépendance : l’individu est dépendant d’autres individus. UNE EXISTENCE EST UNE CONSTRUCTION SOCIALE, et dans tous nos actes nous obéissons non pas à un destin tiré d’avance, mais à l’ensemble. Dans quelle mesure un individu peut être autonome ? Pour Elias, la notion d’interdépendance est réelle. S’organisent alors des relations de pouvoir, des relations inégalitaires entre les individus. Il y a derrière ce truc sociologique, il y a un lien avec l’art et la vie des individus. Elias a analysé ces relations pour montrer que même Louis XIV doit tenir compte de tous ses liens, et considérer le fait qu’elles le freinent.    3)      Mozart, sociologie d’un génie   La thèse d’Elias se repose sur les acquis de la musique, et montre bien le cheminement de Mozart à travers deux systèmes sociaux. 1er : la dépendance de l’archevêque. Il existait un Etat de Salzbourg dirigée à un prince archevêque religieux, qui s’appelait Colloredo. Mozart est un musicien de cour, qui a un statut subalterne (domestique) comme son père, et donc il faut répondre aux demandes de cet enculé de prince de mon vier. 2ème : + 1781. Mozart obtient son congé de manière assez difficile de la part de cet enculé d’archevêque de merde et devient compositeur indépendant dans l’Empire d’Autriche à Vienne. Et pendant 10 ans, il va tenter de vivre de la vente de ses œuvre, de la production de ses compositions, et va essayer de séduire les aristocrates de Vienne. Ce qui se passe : Mozart est en avance socialement sur son temps, il exerce son métier alors que la société n’est pas prête d’accepter l’indépendance d’un compositeur. Les deux aspects ont été utilisés par TOUS les historiens. Mozart serait quelqu’un de passif, et essaye de soulever des choses qui ne peuvent pas être soulevées. Pour Elias, Mozart est quelqu’un qui a eu une relation ambivalente (fait d’avoir des relations plus ou moins contradictoires avec un individu ou un groupe social). Mozart détestait les aristocrates de Vienne, mais en même temps voulait absolument considéré comme leur égal. => IL TENTE DE PLAIRE LE PUBLIC EN ADOPTANT LEUR GOUT ET EN ADAPTANT SA MUSIQUE A LEURS GOUTS. D’où la complexité des œuvres de Mozart, qui ne sont pas l’expression d’un individu libre, mais soumis à une série d’interdépendances pour faire vivre ses œuvres. Y a une relation magistrale à travers les tonalités entre l’individuel et le collectif.   II.                 La symphonie Haffner   Il devait faire une sérénade, qui sera jouée par des instruments à vent. Mozart ne vas pas répondre aux désirs du commanditaire. Il compose une symphonie en 4 mouvements. Houlala, ça fait beaucoup  Sociologie de la musique Problématiques et acteurs de l'oeuvre musicale L'intérêt de la Sociologie de l'oeuvre INTRODUCTION L'intérêt de la sociologie est de répondre à toute relation dans l'oeuvre musicale dans la société. La musique n'est pas simplement un produit artistique, mais un acte social. Pour qu'il y ait une oeuvre musicale, il faut des lieux, des moyens, des institutions, des acteurs, des interprètes, des créateurs, et un public. Or, en général, l'histoire de la musique est centrée sur des oeuvres, sur des produits artistiques, et sur l'examen de leur valeur esthétique, c'est à dire de leur réussite artistique, sans que l'on s'intéresse à des questions qui sont fondamentales et qui doivent être expliquées. Ainsi, nous allons nous intéresser à deux relations fondamentales. La première est l'idée que l'oeuvre soit en rapport avec la société, qui elle même se retrouve dans l'oeuvre. La musique est le reflet du monde dans lequel nous vivons, elle est le reflet de la société. Mais l'oeuvre n'apparaît pas toujours comme une conséquence de la société. En effet, l'oeuvre peut également influencer la société. Par exemple, les musiques des années 1960 a eu pour effet d'insinuer certains comportements (affectifs, vestimentaires) de la société. Il faut par conséquent étudier les deux aspects sociologiques que la musique peut influer. Mais qu'impliquent ces relations entre oeuvre et société? Qu'est-ce qui définit l'oeuvre? La meilleure définition est de dire qu'il y a dans l'oeuvre des acteurs (créateurs, interprètes, diffuseurs, médiateurs, moyens, etc.) et des contextes (artistique/culturel, social, politique/historique). Il n'y a pas de sens de la musique tant qu'il n'y a pas les acteurs qui lui donnent ce sens. Une oeuvre s'organise avec des acteurs de l'oeuvre dans des contextes. Ainsi, la première question de la sociologie est le "comment?". La seconde est le "pourquoi?". La réponse induira la dimension de valeur musicale ; des oeuvres sont plus intéressantes que d'autres. --> DOCUMENT : La musique à Auschwitz ; Se questo è un uomo ; P. Levi Dans ce cas, c'est le contexte qui est absolument déterminant pour comprendre le sens de la musique. Certaines musiques nous ramènent directement non pas aux acteurs de l'oeuvre mais au contexte. Le sens de la musique n'est pas quelque chose de fixe, mais quelque chose qui évolue dans une société, avec ses acteurs, et ses contextes. En l'occurrence, le contexte travesti ce pourquoi la musique a été créée. Le texte nous explique que quelque chose de léger peut devenir quelque chose de destructeur. Mais en général, les acteurs de l'oeuvre joue un rôle déterminant dans le sens de l'oeuvre. --> VIDEO : Clip sur Mon Légionnaire par Marie Dubas (1936) Nous avons ici une femme qui raconte qu'elle a rencontré un soldat de la légion étrangère, probablement dans un pays exotique. Cette chanson nous parle d'une société de l'époque, où le légionnaire est l'aventurier. Cette version est littérale, qui illustre l'histoire des deux amants. --> VIDEO : Mon Légionnaire par Serge Gainsbourg (1987) Sur les mêmes paroles, le clip de Luc Besson fait totalement changer le contexte en plus des acteurs. L'arrangement n'est pas le même, et laisse place à la chorégraphie. Par ailleurs, on a l'impression qu'il parle d'un amour homosexuel. Mais le clip nous fait interpréter l'enfant légionnaire comme un ange, qui conduit le chanteur dans le chemin du salut tandis que les danseurs représentent le monde réel. Il y a, au-delà du récit de la version originale, une dimension métaphysique. Ainsi, deux sens simultanés sont légion dans cette version. La relation des êtres est marquée par la violence, la noirceur. Ainsi, à cinquante ans d'intervalle, on trouve deux versions totalement différente de cette chanson. De la même façon, les deux versions nous parlent de problèmes tout-à-fait différents. Toute oeuvre musicale prend essence à travers l'interprétation, qui lui donne un sens différent. Il faut donc se demander pourquoi cette oeuvre a été créée, et réutilisée. La force de la valeur de l'oeuvre est peut-être de susciter des réinterprétations. Mais ce n'est pas forcément parce que l'oeuvre est réutilisée que sa valeur est forcément élevée. Les contextes interviennent dans dans chaque moment de la vie de l'oeuvre. Ces contextes s'articulent de manière conflictuelle la plupart du temps, notamment dans la relation à l'interprétation du sens de l'oeuvre. ------------------------------------------------------------------------------------------------------- I. Lecteurs, auditeurs et oeuvre musicale Umberto Eco est l'auteur du roman Le Nom de la rose. C'est aussi un sémioticien qui a été l'un des plus grands penseurs de la sémiotique. Il faut citer La Structure absente, Lector in Fabula (1979) ou Les Limites de l'interprétation (1991). Il s'est intéressé aux structures des systèmes de communication, notamment dans les processus culturels, comme le fonctionnement des codes linguistiques. Dans Lector in Fabula, le lecteur joue non pas un rôle secondaire, mais essentiel dans l'oeuvre littéraire. Jusqu'à présent, la théorie littéraire a été fondée sur l'omniprésence de l'auteur dans l'écrit littéraire tandis que le lecteur avait un rôle passif. Mais Eco montre que l'écrit élabore une stratégie qui met le lecteur dans le rôle du destinataire. Ainsi, la structure du texte contient le lecteur, appelle le lecteur ; il n'y a pas de texte sans lecteur. Le lecteur est intégré dans l'acte de création littéraire. Eco distingue les textes fermés qui s'adressent à un lectorat très précis. Les textes ouverts reposent sur la coopération du lecteur, qui doit travailler, imaginer. Mais il ne faut pas partir du fait que l'auteur et le lecteur appartiennent à deux mondes différents, mais qu'au départ, ils appartiennent au même monde. Le lecteur construit le sens de l'oeuvre, en l'interprétant. Ainsi, il peut être considéré comme le coauteur de l'oeuvre. Dans la sociologie de la musique, la théorie d'Umberto Eco peut lui faire dire qu'une oeuvre ne peut pas être créée simplement pour le compositeur. Il y a aussi une volonté de concerner le lecteur, même si cela peut passer par de la provocation, des stratégies de violence et de rupture. Pour toute oeuvre, il y a une relation entre un créateur et un auditeur. Mais les deux dépendent d'interprètes, de dispositifs, de médiations, qui jouent un rôle actif également. Il n'y a pas de communication directe suivant le schéma de la communication (Emetteur --> Message --> Récepteur). La musique a une part de communication et de référence à l'imaginaire. Il y a plusieurs auditeurs, qui forment des groupes générationels, ethniques, sociaux). Ainsi, de même que dans le monde littéraire où un lecteur est prévu par l'oeuvre, la musique s'adresse à des auditeurs, à un public. On ne peut pas considérer qu'il y ait des oeuvres sans un public. L'oeuvre musicale contient parfois ses propres acteurs, comme l'oeuvre ouverte, dont le compositeur donne au des éléments que choisissent les interprètes. Le premier acte de la sociologie, avant même de s'intéresser aux acteurs de l'oeuvre, va savoir à quel public la musique s'adresse. --> MUSIQUE : Partita pour violon de J.S Bach (Lambarena) Cette oeuvre s'adresse aux mélomanes de la musique classique, aux musiciens qui ont la technique pour l'interpréter. Ce disque fait référence à la ville de Lamdaréné au Gabon où vécu au temps des colonies le Dr. Schweitzer qui a relié la musique du Gabon à la musique de Bach. On mêle le répertoire de la musique savante Occidentale avec le répertoire extra- Européen. Cette musique pose un problème artistique et sociologique. Ce phénomène commercial est destiné à public plus large que celui des musiques traditionnelles et des mélomanes. La relation au public se fait dans un cadre social et historique, dans un contexte. Ce contexte peut être déterminé par l'impact de certains évènements sur les compositeurs, les interprètes et les publics. Toute cette relation entre eux sont environnées par les sociétés et l'histoire. --> DOCUMENT : "Monsieur croche et autres écrits" - C. Debussy (1915) "En fait, depuis Rameau, nous n'avons plus de tradition nettement française. (...) Depuis, nous avons cessé de cultiver notre jardin, mais, par contre, nous avons serré la main des commis-voyageurs du monde entier. Nous avons écouté respectueusement leurs boniments et acheté leur camelote". Selon Debussy, la guerre va permettre de retrouver la vraie culture française, en la purifiant. Ainsi, comment est-ce que les compositeurs tiennent compte de ce contexte pour s'adresser à un public. ------------------------------------------------------------------------------------------------------- ---> DOCUMENT : Article de journal sur l'Hymne Européen (Mai 2009) ---> MUSIQUE : Hymne Européen (Arrangement) L'hymne de l'Europe arrangé en 1972 par Karajan est une oeuvre dont les droits d'exécution reviennent à ses descendants. Les contextes de recréation, les situations que rencontrent l'oeuvre créent une signification différente. ---> DOCUMENT : Article de journal Le Monde (Août 2008) Il s'agit de cerner le poids du contexte et ne pas se fonder uniquement sur la signification de l'oeuvre. Le schéma triangulaire entre contexte, acteurs et oeuvre va entrainer une tension entre la signification des oeuvres, et la signification prise dans une société par la définition, l'interprétation et la réception. Oeuvres, problématiques, significations I. Une dimension cachée 1.1 : Des dimensions inconscientes Ces dimensions inconscientes reposent sur le fait que tout être humain à un aspect conscient et inconscient. Il existe une conscience individuelle, quotidienne, tandis que la dimension cachée est inconsciente, expressée par tous les êtres humains. Cette dimension est elle aussi porteuse de significations. Cette dimension cachée de notre personnalité liée à notre histoire personnelle est exploitée par Freud. Mais il n'y a pas simplement des aspects qui sont ultra-individuels, mais aussi des aspects sociaux qui participent à la création de l'inconscient. Il existe en effet la notion de nonconscient, qui se rapportent aux structures affectives, intellectuelles, imaginaires de la conscience individuelle. Les structures mentales sont constituées par des dispositifs culturels qui conditionnent les individus, et qui sont parfaitement intégrés dans le mode de fonctionnement. Cela se manifeste notamment par l'usage de normes ou codes. Ces dernières concernent également les dimensions intellectuelles, notre système de pensée. Elles sont fondées sur certaines habitudes, sur certaines intégrations de concepts qui définissent à notre insu ce qui est normal ou non dans un comportement, dans une oeuvre, ou dans une action. Cette notion participe à la problématique des oeuvres dans une société. Ces dimensions non conscientes nous mettent sur la piste de la notion d'idéologie, à dissocier de l'utopie, qui pourtant marche de pair dans la société avec cette dernière. Ce couple vaut également dans une oeuvre musicale. 1.2. Rolland Barthes - Le mythe Il a réfléchit sur la fonction de la littérature, sur le signe. Il est l'auteur de Mythologies (1954-1957). Selon Barthes, les mythologies sont des observations des objets, individus et phénomènes de la vie quotidienne, des recettes de cuisine au matchs de catch. Cet ensemble de choses donne pour objectif de montrer la dimension cachée de la vie quotidienne des français. ---> DOCUMENT : Extrait de Mythologies : Iconographie de l'abbé Pierre Barthes va un peu plus loin à la fin de son ouvrage, en expliquant le fonctionnement du signe, par la différence entre signifiant et signifié. ---> DOCUMENT : Extrait de Mythologies : Le mythe, aujourd'hui Pour Barthes, le signifiant est moindre que le signifié, qui est une dimension qui échappe du conscient. Derrière l'apparente signification intervient un sens caché, qui s'inscrit soit dans l'idéologie et dans l'utopie, afin de créer un nouveau signe. Le mythe est définit comme une parole, un système de communication, un message. Mais le problème du signifié est qu'il ne peut signifier quelque chose que par l'interprétation que l'on en fait. Le signifié ne peut être que le résultat d'une interprétation du signifiant, une interprétation à enrichir, à renouveler. 1.3. Vers l'expression de l'idéologie Les signes appartiennent à des contextes en s'y déployant. Il y a un florilège de signes qui dans une société ont des fonctions qui renforcent le sens, voire en apporter d'autres. L'idéologie n'est pas un système d'idées, qu'elles soient de nature politiques, religieuses ou économiques. ---> MUSIQUE : Cantate "Le Soleil luit sur notre patrie" (1952)- Chostakovitch C'est un texte de propagande, en hommage au parti communiste, à Lénine. C'est une oeuvre politique qui exprime un système d'idées, mais il y a une dimension cachée que l'on peut trouver ne dépassant la signification, le signifiant, pour s'intéresser au signifié. Cette musique représente la volonté des masses et du pouvoir. Cette musique conditionne le compositeur à composer de la musique qui ne lui ressemble pas. ------------------------------------------------------------------------------------------------------- II. Une fausse conscience de la réalité 2.1. Deux aspects différents Les signes ont une dimension complètement cachée. Il y a au sein de la société des phénomènes qui cachaient une signification, qui dégageaient une dimension du signe non évidente. Des discours se mettent en travers de certaines réalités et lui donnent d'autres conceptions. L'usage des signes n'est pas neutre, et dépend de stratégies, qu'elles soient politiques, religieuses, commerciales, qui sont mises en place par des pouvoirs afin de cacher le vrai sens de certaines réalités. Ces dimensions sont régies pas deux aspects différents, que sont la fabrication de la propagande politique ou religieuse, ainsi que la transformation des productions littéraires, musicales, cinématographiques, en valeur économique. 2.2. L'adaptation des oeuvres au marché ---> MUSIQUE : Ouverture de Carmen de G. Bizet (1875) Dans cet enregistrement, la musique est particulièrement brillante, avec également un ajout de trompette qui n'y sont pas dans la partition originale. L'ouverture est coupée, on n'entend pas le thème de Don José. Il y a un processus de détournement des oeuvres classiques, qui sont adaptées, réduites, à une fonction de divertissement. Il y a une transformation des objets classiques en tubes, vers le domaine de la variété, notamment par rapport à la publicité. Cela transforme la musique classique en objet de consommation. Le but est que le public écoute dans un temps très réduit une musique qui le détend en la consommant. C'est un objet de plaisir sonore, qui procure du bien être. Ces tendances contemporaines ont été critiquées dès les années 1930 par le philosophe Allemand Theodor W. Adorno (1903-1969) appartenant à l'école de Francfort, apparue au début des années 1930, qui critique le capitalisme et des phénomènes marchands, mais également du Marxisme d'État de l'Union Soviétique. Adorno critique fondamentalement la transformation des oeuvres en marchandises. Dès son arrivée aux États-Unis pendant la seconde guerre mondiale, il publie Le caractère fétiche de la musique. Pour Adorno, le fétichisme musical est la transformation des productions culturelles en marchandises, en objet de consommation. Il va fonder toute sa philosophie sur cette critique, notamment la notion d'industrie culturelle. ---> DOCUMENT : Le Caractère fétiche dans la musique - Adorno (1938) La connaissance culturelle est remplacée par la valeur économique. par exemple, si on écoute Carmen par André Rieu, on n'écoute pas Carmen, mais l'entreprise culturelle André Rieu. L'apparence des choses est au centre de la valeur d'échange (valeur économique) des marchandises. On retrouve ce phénomène en musique par l'adulation des interprètes au détriment de l'oeuvre. Le rôle d'une industrie culturelle se résume simplement à faire du profit. 2.3. André Rieu C'est un Néerlandais né en 1949 à Maastricht. Il a fait des études de violon en Wallonie à Liège, puis au conservatoire de Bruxelles. À 29 ans, il fonde un premier orchestre, mais c'est surtout en 1987 qu'il va créer le Johann Strauss Orkest, qu'il va transformer en machine de spectacle. Il va concevoir un nouveau rapport à la musique, en vulgarisant la musique classique, et en faisant de ses concerts des spectacles où l'on danse, et où toutes les musiques peuvent servir à la danse. Il va valoriser dans l'orchestre les violons. Physiquement, sa chevelure fait penser à un artiste, hors des normes, avec la dimension de liberté ; on trouve aussi une dimension de décontraction, tout en restant chic, correct. L'homme se conçoit en fonction d'un spectacle, il se donne en spectacle et anime des spectacles, se met en scène soi-même. Il donne l'image de l'héritage de l'artiste romantique. Cette image de romantique révolté, rebelle est une image qui vise à masquer le fait que c'est le patron d'une entreprise de spectacle. Il a l'air totalement libre, mais en utilisant la musique, les musiciens, pour des spectacles ordonnés, où le divertissement est plus important que la connaissance de la musique. La question que pose André Rieu est celle du fonctionnement de la musique, de sa fonction dans une société. Il aménage la musique classique, la déforme. Il utilise des morceaux connus, pour entamer un phénomène de détournement, phénomène de "crossover", mélange des répertoires, entre classique, Jazz et variété. André Rieu se place dans la dimension de diffusion. Ces phénomènes qui masquent le fonctionnement de la réalité n'amènent-ils pas à penser qu'il y ait une dimension cachée, une idéologie? Cette dernière dimension peut-être présente à la fois dans la diffusion, mais également l'interprétation et la création, la conception, afin de créer un lien particulier à la société ; c'est un système de représentation, derrière la conception de la musique classique chez André Rieu, qu'il partage avec d'autres artistes, d'autres instances. André Rieu dirige en effet une entreprise de spectacle, c'est un véritable manager, patron d'une industrie culturelle. ------------------------------------------------------------------------------------------------------- III. Le concept d'idéologie en musique 3.1. Camille Saint-Saëns (1835-1921), Suite Algérienne (1879-1880) C'est un pianiste français qui fut très célèbre en son temps. Il compose en 1908 la première musique de film, pour le film L'Assassinat du Duc de Guise. Le compositeur allait très souvent en Algérie, où il y mourra. La suite est composée de 4 mouvements, et est conçue comme une musique à programme (1. En vue d'Alger ; 2. Rhapsodie Mauresque ; 3. Rêverie du soir ; 4. Marche militaire française). Le dernier mouvement est toujours joué, par la Fanfare de l'armée Libanaise, ainsi qu'aux Jeux Olympiques d'Atlanta (1996). Cette oeuvre est ici une représentation de l'Algérie. Mais quelle représentation et pour qui? Cette oeuvre fait partie d'un système de représentation de l'Orient, qui est une esthétique orientaliste (la représentation de l'Orient par l'Occident à partir de la fin du XVIIIe siècle, qui concerne la peinture, la littérature et la musique). Pour les Occidentaux, l'Orient va de l'Espagne au Japon. On trouve un système particulier de la réalité de ses pays là, de leur société, de leur moeurs, de leur coutume. On trouve dans l'oeuvre de Saint-Saëns de la sensualité, de la poésie, mais en même temps de l'ordre grâce à l'armée française. 3.2. Le Concept d'idéologie C'est un concept qui vient d'abord de la philosophie, inventé par Destutt de Tracy au début du XIXe siècle. En 1801, il publie l'ouvrage Éléments d'idéologie. Il donne pour définition de l'idéologie qu'elle est une science des idées. C'est la science des états de conscience, la théorie des idées. Il va se heurter au pouvoir en place par Napoléon I, qui va lui être hostile. Il s'agit d'étudier derrière les idées le langage, la grammaire, la logique. Il définit ce cadre nouveau distinct de la psychologie qui marche avec l'âme. Karl Marx approfondira par la suite ce premier jet. Il a critiqué de son temps la philosophie idéaliste issue de la pensée de Hegel ; pour lui, les idées ne sont pas déterminées par des idées antérieures, par des concepts qui relèvent d'un monde idéal, mais elles s'expliquent lorsqu'elles sont mises en relation avec le fonctionnement économique, matériel de la société. Les systèmes de représentation du monde dépendent du fonctionnement économique et social de la société. Les premier travaux de Marx sont ceux qui participent à cette dimension, car ils permettent d'analyser la fonction des systèmes de représentation. En 1846, il écrit l'ouvrage L'Idéologie Allemande, où il critique des philosophes disciples de Hegel tels que Feuerbach, qui pensent que le monde est gouverné par de mauvaises idées, et qu'il suffirait de les changer pour que le monde aille mieux. Selon Marx, on ne peut pas avoir cette illusion. L'idéologie serait une fabrique d'illusions, quelque chose qui donne une image fausse de la réalité. Il prend l'exemple de la religion en disant que l'illusion est que Dieu s'adresse aux humains, alors que la réalité réside dans le fait que ce sont les humains qui font parler Dieu. L'idéologie est un masque de la réalité, c'est son reflet inversé, le renversement du rapport au réel. Mais en musique, il faut des illusions et un imaginaire. Ainsi, il faut savoir quand il y a de bonnes illusions et de mauvaises illusions. Jusqu'où la musique peut porter des illusions et ne pas être victime de ce concept d'idéologie. Ainsi, lorsqu'il y a de belles illusions, on entre dans la dimension de l'utopie. ------------------------------------------------------------------------------------------------------- ... les rôles de l'oeuvre musicale I. Art et idéologie 1.1. Le troisième concerto de Saint-Saëns Le texte de Michel Faure essaie de trouver dans cette oeuvre une relation entre une forme musicale et la société. Ce texte n'analyse que la production de l'oeuvre, en essayant de relier la forme de l'oeuvre avec une situation sociale. Le compositeur est directement connecté à cette réalité sociale, et entre la réalité sociale et l'oeuvre, il y a ce qu'on peut appeler nécessairement une esthétique. L'oeuvre musicale est toujours le produit d'une esthétique. La réalité sociale s'exprime ainsi toujours par le biais d'une esthétique. Mais Michel Faure confond l'esthétique comme courant artistique général avec le style de Saint-Saëns ; en effet, il faut prendre en compte le style personnel au delà du courant artistique de l'époque. 1.2. Les conceptions contradictoires de Marx On trouve deux idées contradictoires par rapport à l'art. Il avait dénoncé l'idéologie des philosophes allemands de son époque en disant que la philosophie est idéaliste qui ne correspondait pas à la réalité en entretenant des illusions. Paul Ricoeur nous apprend que toute idéologie est une distorsion de la réalité, au service d'un pouvoir. Marx lie la production d'idéologie dans une société à un pouvoir dominant, à une classe au pouvoir. En 1846 dans "L'Idéologie Allemande", Marx dit que les pensées dominantes sont les pensées de la classe dominante, ce qui veut dire que l'art est identifié à la production des idées, à un processus idéologique. La musique est prisonnière du processus social de la relation à la classe dominante. En 1859, sa vision est totalement différente de cette vision mécaniste dans "Introduction à la critique de l'économie politique". On voit apparaître l'autonomie de l'art dans la société. Le point de départ est une réflexion sur l'art grec. Si on prend le parti que l'art disparait avec une société, cela est incohérent avec le fait que les productions artistiques de la Grèce antique, notamment en matière d'architecture, sont restées présentes ; des formes d'art se maintiennent ainsi indépendamment des société : l'art grec est toujours à l'honneur dans les nouvelles sociétés. On a par conséquent ici une valeur de l'art. "Certaines époques de floraison artistique ne correspondent nullement à l'évolution générale de la société" Il y a la possibilité, grâce à une certaine autonomie de l'art, d'avoir des plaisirs esthétiques. 1.3. Une conception dangereuse: la musique comme reflet de la société Au départ, c'est une idée qui semble aller de soi, qui n'est pas entièrement fausse, mais elle a été utilisée de manière erronée, et de manière dangereuse. C'est une notion qui fait référence à une théorie artistique qu'est celle d'un premier Marxiste, Georgy Plekhanov (1856-1918). Dans "L'art et la vie sociale" (1912), il fonde une conception esthétique qui provient de Hegel dans son ouvrage "L'esthétique". Selon Hegel, l'art est lié à la vie de l'esprit, et il y a un rapport des humains aux idées qui sont exprimées qui est progressif. Il va distinguer trois types d'art : l'art symbolique, l'art classique, et l'art romantique ; l'art meurt au triomphe de l'art romantique. L'art symbolique remonte à l'antiquité, est se manifeste dans l'architecture. L'art classique est plutôt lié à la peinture (XVIe au XVIIIe siècle), et l'art romantique est lié à la musique (XIXe siècle). L'art symbolique est le triomphe de la forme (les temples, les pyramides, etc.) Hegel fait en effet la distinction entre forme et contenu. Dans l'art, il y a des arts qui donnent de l'importance à la forme, et progressivement, par la progression de l'esprit, se révèle dans les arts le contenu, surtout dans des arts comme la musique. L'art classique trouve un équilibre entre forme et contenu tandis que le contenu triomphe dans l'art romantique, car la musique est l'art du sentiment. Plekhanov va utiliser les pensées d'Hegel est de Marx pour créer la notion de reflet. Dans son ouvrage, il reprend l'idée que dans tout art il y a une forme et un contenu qui se matérialise surtout dans la littérature. En art comme en littérature il y a forme et contenu. Mais ces deux dimensions sont liées au développement des classes sociales. Il y a des arts qui sont progressistes, et des arts décadents, tous deux liés aux classes sociales correspondantes. Cette théorie va conditionner la recherche du contenu dans l'art, ce qui condamne l'art moderne et formaliste. L'art exprime un contenu, et une signification idéologique ; les arts progressistes doivent dénoncer les illusions passées, au nom d'un courant d'idée, tandis que les arts décadents entretiennent les illusions et distendent la réalité. 1.4. La question de l'esthétique ---> Suite Algérienne de Saint-Saëns (1879) L'esthétique présente chez Saint-Saëns doit être mise en relation avec le courant esthétique de l'orientalisme. Le point de départ en Europe est une ouvrage considérable qui est "Description de l'Égypte" au début du XIXe siècle, suite à l'expédition de Napoléon. Les peintres comme Delacroix vont être fascinés par l'Orient. Les représentations esthétiques valorisent l'Orient, en créant un Orient imaginaire, plein de couleur, plein de sensualité. En musique Félicien David voyage dans les pays Orientaux. Il créé l'orientalisme musical en faisant représenter "Le Désert" (1844), une ode symphonique représentant la traversée d'une caravane dans le désert. On trouve une prière en Arabe dans une oeuvre Occidentale. Il y a une tradition culturelle de référence à l'Orient qu'est l'exotisme. On ne peut ainsi pas séparer l'oeuvre de Saint-Saëns à une représentation esthétique. Edward Saïd écrit "L'Orientalisme" en 1979, la base des études post-coloniales. L'esthétique Orientaliste est le résultat d'une vision de l'Orient qui n'est pas innocente, mais qui est fondée sur l'idée que l'Orient n'a pas évolué, que c'est un monde figé, loin de l'Europe ; c'est un monde dont les habitants sont incapables d'en parler, et ce sont donc les Occidentaux qui vont révéler sa sensualité, sa force, sa beauté, en se l'appropriant. Ils vont imaginer une terre préservée de l'industrialisation. Mais derrière cette célébration de l'Orient, l'esthétique développe une construction sociale. Saint-Saëns donne une vision de l'Algérie liée à une construction de l'imaginaire. Il faut donc se demander ce que cache cet imaginaire, et quelle est la liberté de Saint- Saëns. ------------------------------------------------------------------------------------------------------- Il s'agit de savoir si la musique relève de l'idéologie ou de l'utopie dans son rapport avec la société. Mais il est impossible de donner une signification claire à une oeuvre musicale sur le plan social, sauf dans le cas de contextes politiques totalitaires. L'art joue un rôle dans la fabrication d'illusion. Pour reprendre l'exemple de la suite Algérienne et de Michel Faure sur les dispositions du troisième concerto du même compositeur, cette oeuvre est une oeuvre qui cache la réalité. Cette suite Algérienne fait partie d'une esthétique Orientaliste ; or ce mouvement est une représentation de l'Orient par les Occidentaux. Cette oeuvre cache la véritable société Algérienne qui n'est pas paisible ou heureuse, mais qui est une société colonisée. Mais Saint-Saëns n'est pas un compositeur impérialiste, mais il a au contraire donné une image critique de l'Algérie, en la représentant comme un monde à la fois réel et imaginaire, qui prend d'ailleurs le pas sur la réalité. L'oeuvre n'est donc semble-t-il pas une oeuvre de nature idéologique. Saint-Saëns ne relève pas d'une idéologie, d'une déformation de la réalité, mais d'une utopie, d'une construction de nouveauté, d'imaginaire. II. Utopie, idéologie, sociologie 2.1. Le concept d'utopie C'est un concept qui est issu d'un ouvrage politique de l'anglais Thomas More La Meilleure des républiques est l'ile d'Utopie (1516). Ce texte forge un concept nouveau qu'est celui de l'utopie. Dans l'utopie, on trouve par étymologie "Topos" du grec, qui signifie le lieu, et le "u" qui signifie non ; l'utopie est donc le non lieu. Pour More, c'était aussi l'eutopie (du "eu" qui signifie bien). Son ouvrage est une critique du pouvoir royal, car il oppose au pouvoir des rois sa société idéale. C'est un monde qui se situe en Amérique, où l'on travaille seulement 6 heures par jours, avec un gouvernement républicain idéal ; il y a également la tolérance religieuse, qui n'existait pas en Europe à l'époque. C'est un monde idéal sauf pour les femmes. C'est un monde qui va donner naissance à un genre littéraire dont les premières traces se trouvent dans La République de Platon ou La Cité du Ciel de Saint- Augustin. Ce qui concerne la musique n'est pas cette idée politique. C'est une construction intellectuelle ou artistique qui est empli d'idéalisme. La musique a deux rapports à l'utopie, d'abord un rapport direct avec certaines oeuvres qui semblent exprimer l'utopie (Cf. Die Zauberflöte de Mozart, 9e Symphonie de Beethoven), mais la musique instrumentale, moins sémantique, plus diverse possède elle aussi son rapport à l'utopie. La musique dans ses composantes, dans son matériau, peut avoir un lien avec l'expression d'une utopie, d'un imaginaire, qui nous permet de nous retrouver ailleurs, de dépasser le cadre d'une société par une réalité différente. 2.2. L'utopie en musique : Ernst Bloch (1885-1977) C'est un philosophe Allemand exilé aux États-Unis pendant la seconde guerre mondiale. C'est là-bas qu'il commence son oeuvre philosophique majeure où il met la musique au centre Le Principe espérance. Selon lui, l'utopie est la volonté de dépasser le monde de manière cohérente vers la réalisation d'un monde possible. Il s'agit d'aller plus loin, d'inventer un nouveau monde à travers plusieurs activités intellectuelles. La présence de l'espoir donne toute sa force et tout son sens à l'utopie ; c'est le rêve d'une vie meilleure. Cette manifestation de l'espoir est une propriété fondamentale de la conscience humaine. Il créé une nouvelle catégorie philosophique. Il va penser l'être humain de manière différente qu'Heidegger avec son ouvrage Être et temps. Ce dernier est le penseur de l'être, de ce qui est à la base du réel, d'un humain qui cherche à explorer les possibilités de l'existence (Existentialisme). Il s'agit d'étudier ce qui différencie l'existence biologique (le temps) avec l'être (le principe de conscience). Bloch quant à lui pense que l'être humain est un être humain qui n'existe pas encore réellement ; c'est un être humain qui est dans l'espoir d'une réalisation future. Il définit l'être humain comme un être qui regarde un avant. Par opposition à Heidegger, Bloch est le penseur du non encore être, de l'être en devenir. Selon Bloch, l'être humain doit tenter de s'exprimer à travers diverses réalisations, se projeter dans le futur, sur le plan médical, scientifique, ou par l'expression d'une chose que l'on trouve surtout en art et en musique. Il définit en effet l'idée que la musique exprime quelque chose qui est muet, silencieux, dans l'être humain. Elle exprime mieux qu'un art verbal ou plastique, en raison de sa possibilité de faire appel aux sentiments, à l'affectif, de sa possibilité à incarner le non dit. La musique joue un rôle central parce qu'elle nous met face à ce qui n'existe pas encore. C'est le lieu de l'imaginaire, et de la rencontre de soi même dans l'écoute. Nous prenons conscience d'une autre réalité, nous dépassons le moment présent. Nous rencontrons une réalité essentielle qui est en général difficile à rêver. Le rôle de la musique est de faire apparaître cette réalité mystérieuse, cette utopie en musique, ce "Vorschein", le "Prêt-apparaître", la manifestation d'une réalité qui n'existe pas encore. Dans Tristan und Isolde de Wagner, on trouve au début de l'acte II Isolde et sa servante Brangäne qui sont en train d'écouter un cor qui joue dans la nuit. La servante prend ce qu'elle entend pour un cor, tandis qu'Isolde l'analogue à la présence d'une source qui arrive dans la nuit, manifestant une réalité supérieure, quelque chose qui dépasse le temps actuel. Pour Bloch, la musique a pour tâche de dépasser le temps, de placer l'auditeur dans un rapport au monde qu'est celui de l'espoir d'une vie meilleure, de la réalisation d'un imaginaire. Ce qui se manifeste est la conscience de quelque chose de supérieur, qui amène aussi une conscience nouvelle de soi. L'imaginaire renvoie à l'expression de l'espérance d'une vie meilleure, qui existerait, sans exister encore, et que la musique permet de faire entrevoir. Qu'est-ce qui fait qu'une oeuvre perdure dans le temps? Au-delà de sa bonne construction, le chez-d'oeuvre réside dans la possibilité que l'oeuvre a de nous faire entrevoir l'utopie. 2.3. Utopie et idéologie Bloch refuse d'opposer les oeuvres utopiques et les oeuvres idéologiques. Au contraire, il pense qu'il y a certaines oeuvres utopiques qui n'échappent pas à l'idéologie. La Neuvième Symphonie de Beethoven n'est pas simplement l'expression d'un amour de l'humanité, mais aussi une oeuvre qui a été conçue, créée dans le cadre du nationalisme Allemand, car dédiée au Roi de Prusse Frederic-Guillaume III ; elle est donc liée par la présence de l'ode à la joie, à une musique d'état, à un hymne qui manifeste le désir d'une musique nationale politique. --------------------------------------------- 3.2. Les oeuvres musicales, à travers leur créateur, sont soumises à différents usages. Qu'est ce qu'il fait qu'une oeuvre devient une référence. Il y a deux types d'aspects qui traversent l'esthétique. Au-delà de la forme, de la musique et de ses usages, se trouvent le rôle idéologique, ou le rôle utopique. L'idéologie est une déformation de la réalité, qui a pour but de cacher l'existant au service d'un pouvoir ; l'utopie au contraire est de faire entrevoir ce qui n'existe pas encore. Mais tout oeuvre est composée d'une part d'idéologie (elle n'échappe pas à un temps, une époque), et une part d'utopie. On trouve des oeuvres qui répondent à des besoins, à des attentes, à une dimension idéologique. Il faut savoir quelle est la part de cette dimension. Il y a les oeuvre où la part d'utopie est réduite au profit de l'idéologie (lié à la production, la diffusion et la réception), ou l'inverse. Ce second type d'oeuvre à une valeur esthétique, qui tient à la forme et des questions qu'elle suscite en appelant les réinterprétations. Les oeuvres qui justement sont réinterprétées, sont rejouées, doivent obéir en principe à une part d'utopie. Mais dans la réalité, une réinterprétation ne signifie pas forcément une réponse à des questions ; il ne peut y avoir qu'adaptation idéologique possible. En effet tout oeuvre peut-être transformée en son contraire. 3.3. La Neuvième Symphonie (1824) de Beethoven (1770-1827) --> Esteban Buch, La Neuvième de Beethoven, une histoire politique (1999) Cette oeuvre a subi tout au long de l'histoire énormément de transformations. Ces transformations ont été de plusieurs ordres. En grande partie, elles ont été externes à l'oeuvre, c'est à dire qu'elle est devenue très rapidement dès le XIXe siècle un enjeu politique. Elle reste aujourd'hui une oeuvre qui suscite encore une analogie avec le pouvoir. Il y a eu des usages de cette symphonie qui ont transformé son sens. Au-delà des adaptations politique, il y a eu des phénomènes de transformation économique, qui l'on transformé en tube de variété (Cf. Sheila). L'oeuvre est l'exemple même d'une musique qui apparaît officiellement comme une oeuvre symbole de l'utopie, non seulement à cause de son message final, mais aussi en raison de sa forme (c'est une symphonie organique où les trois premiers mouvements préludent au quatrième hymne à la joie) --> DOCUMENT : An die Freude, Ode à la joie. On récite les 6 couplets, qui sont répartis dans la forme de façon diverse. Cette oeuvre récapitule tous les procédés d'écriture du temps de Beethoven. On trouve dans le quatrième mouvement des procédés de Haendel, Baroque ; d'autres issus de la révolution française ; d'autres d'imitation du chant grégorien du Moyen-Âge ; d'autres en fugue à la manière de J.S. Bach. C'est un monument complexe qui ne va pas être entièrement compris lors de sa création à Vienne en 1824. Il y a en effet une grande ambiguité de la part de Beethoven. Il veut réaliser une oeuvre qui est profondément germanique, en tant que compositeur nationaliste, d'abord proche des idées de la révolution française, mais violemment anti français à cause de l'occupation de Napoléon à Vienne. En même temps de ce nationalisme, son oeuvre a au centre de son aboutissement un poème qui est transformé en hymne. Un Hymne est une musique d'état qui symbolise la communion populaire. (God Save the King ; La Marseillaise ; Gott Erhalte Franz der Kaiser). C'est dans cet esprit et non pas simplement dans un esprit de paix universelle que Beethoven conçoit cette symphonie. C'est cette ambiguité qui va conduire à toute une sorte de réapropriation de l'oeuvre par les états, les nations. La valeur universelle de chant à la fraternité va être niée, soumise à des adaptations et à des usages politiques. En 1870, Beethoven est enrôlé dans la guerre contre les français, et est prôné par Wagner comme le symbole de la domination allemande contre les français. En France il va par la suite avec un culte de Beethoven, célébrant le musicien révolutionnaire qui annonce la Marseillaise. Ce n'est plus un compositeur Allemand, mais celui de la Marseillaise de l'humanité ; un musicien universel Révolutionnaire. ---> Félicien David : Le désert - Guido Maria Guida SOCIOLOGIE Œuvre musicale et société La question du texte musical L’œuvre comme mise en intrigue : Paul Ricœur (1913-2005), auteur de « temps et récit », « Du texte à l’action ». Herméneutique : Science de l’interprétation  Ricœur ne parle jamais de musique dans ses œuvres mais s’est intéressé à la manifestation du temps et également à la manière dont s’organisent les textes et les récits dans les sociétés humaines. Il existe une chose centrale dans toutes les sociétés humaines : la présence d’un récit, d’une narration qui concerne aussi bien l’histoire que la fiction. Comment se manifeste un récit ? Comment rend on compte d’un évènement historique ?  Ricœur pense que dans toutes les sociétés il y a la présence d’un « temps » raconté et une temporalité. Mais ce rapport au temps se retrouve également dans des textes. Tout se qui se passe peut être raconté et par conséquent il y a un lien entre le temps et le récit. Ce lien se manifeste par la présence de textes qui sont surtout historiques et où se manifestent un caractère de réalité mais aussi un caractère de fiction dans la représentation. La pensée de Ricœur consiste à interpréter les textes et voir la logique du récit. Le récit pour Ricœur est avant tout une mise en intrigue de la réalité. Ce concept remonte au philosophe grec Aristote, qui avait déjà défini le récit. Ricœur : « La mise en intrigue consiste principalement dans la sélection et l’arrangement des évènements et des actions racontées qui font de la fable une histoire complète et entière ayant commencement, milieu, et fin. » Du texte à l’action P.46 Tout récit est fondé sur des mises en intrigue. Cette notion est capitale non seulement pour les récits historiques mais aussi pour les productions littéraires. « Ce qui caractérise l’intrigue, c’est de pouvoir être intelligible, comprise. L’intrigue est l’ensemble des combinaisons par lesquelles des évènements sont transformés en histoire ou corrélativement une histoire est tirée d’évènements. L’intrigue est le médiateur entre l’évènement et l’histoire. » L’intrigue renvoi à la notion de texte. Mais qu’est ce qu’un texte ? Ricœur répond en 1970 que c’est un discours fixé par l’écriture. Or ce discours n’est pas une simple transcription de la parole. Avec le texte tout est radicalement différent. Le texte reconfigure les rapports entre les acteurs du discours. Le lecteur ne peut être dans une relation d’échange avec l’auteur d’un texte. L’écrivain lui-même ne répond pas au lecteur et ne peut lui répondre. L’acte d’écrire et l’acte de lire ne communiquent pas. Le texte ne peut constituer un univers référentiel commun entre lecteur & auteur de même nature que celui d’un discours. Lorsque le texte apparaît, il prend entre 2 acteurs du discours une place spécifique tout à fait différente de la situation de dialogue. Le texte ne renvoie pas à des références communes entre un auteur et des lecteurs. Un texte renvoie à d’autres textes, à d’autres écrits. Le rapport du texte aux autres textes engendre le quasi monde des textes ou littérature. Pour Ricœur, la position du lecteur et de l’écrivain est redéfinie à ce moment là. L’écrivain n’est pas celui qui peut bénéficier d’une présence immédiate comme le locuteur. Il se met à distance dans son propre texte au point d’en être le premier lecteur. Pour Ricœur les systèmes de signes ou de symbole d’un texte reconfigurent la réalité. Ce terme de reconfiguration est essentiel parce qu’il permet de montrer que tout récit modifie la réalité dans une mise en intrigue des éléments de celle-ci. Tout est modifié à travers un récit. La question pour nous est de savoir dans quelle mesure une œuvre musicale peut être considérée comme un texte. Toute œuvre musicale repose sur une mise en intrigue c'est-à-dire une combinaison d’élément qui sont souvent destinés à raconter quelque chose. Est-il possible cependant d’utiliser cette notion de texte pour les musiques de tradition orales. Peut on parler de présence permanente du récit dans une œuvre ? Y a-t-il en musique un texte équivalent à celui du texte littéraire ? II. Du texte littéraire à l’œuvre musicale Ricœur : « Le texte est une configuration de la réalité » - Comment s’effectue la lecture du texte ?  - Comment s’effectue la compréhension du texte ?  - Quel sens à le texte ?  Problème de la partition Eduard Hanslick 1854 : « La musique est fondée sur des formes musicales en mouvement ». Fondée sur des mouvements sonores. Romain Ingarden (1893 - 1970) publie en 1928 : « Qu’est ce qu’une œuvre musicale ? ». Père de la phénoménologie. « La partition n’est pas l’œuvre musicale » il existe des musiques de traditions orales et également la partition n’est qu’un système de symboles qui nous permet d’avoir accès au sens, qui facilite la lecture de l’œuvre.  L’œuvre musicale pour Ingarden est quelque chose d’idéal qui dépasse la partition et ne peut même pas être trouvé dans une exécution musicale. III. Le texte musical Pour la musique il y a une pluralité de signifiants. Existence sonore avant tout.  Raymond MONELLE part d’une définition simple de la signification. « En musique, la signification est simplement tout ce que la musique signifie ». Il refuse d’identifier le texte à la partition car l’œuvre musicale dépend d’une interprétation mais aussi parce que l’œuvre musicale musicale en raison de ses multiples références est un ensemble de textes et pas un texte. La composition musicale est en effet le produit d’un réseau de mondes extrêmement différents. Ces mondes sont par exemple des mondes esthétiques, historiques, philosophiques, tout ce qui est constitutif de l’œuvre elle-même et il n’y a pas de différence pour lui entre une œuvre musicale et ce qui l’entoure.  Jacques DERRIDA : « Il n’y a pas de hors texte ». Le texte, c’est tout ce que la critique observe ou interprète.  Ecoute : « 5ème mouvement de la 3ème symphonie de MAHLER. MONELLE nous dit que le texte musical est une série de référence et le texte musical est le point de rencontre de signification multiple. Le compositeur est lui-même inclus dans un réseau comme un texte.  Le discours sur la musique semble infini et Monelle parle uniquement des circonstances de composition. Il ne parle pas des problèmes de lecture et de perception qui posent encore d’autres problèmes. On peut dire que l’apport de Monelle est important dans la mesure où il ouvre la voie à tout les domaines concernés par l’œuvre qui devient donc un ensemble de textes mais nous tombons alors sur une question centrale :  Comment interpréter une œuvre musicale ?  Quelle est son sens ? LA MUSIQUE A L’EPREUVE DU SENS « SE COMPRENDRE » FACE A UNE ŒUVRE MUSICALE I. Se comprendre devant un texte HUSSERL : Notion d’intentionnalité : Conscience de quelque chose sur la conscience de soi. Recherche d’un sens qui a travers un texte est le lien entre deux éléments qui relient un texte : le lecteur et l’auteur. Relation qui s’établit entre auteur & lecteur. Comment s’établit la relation entre lecteur et texte ? Comment vais-je pouvoir interpréter un texte d’une autre époque ?  Comment établir un sens qui va permettre d’avoir une interprétation valable ? Différence entre Comprendre / Expliquer 2 opérations de l’esprit totalement différentes. Ricœur : « La compréhension d’un texte, c’est la capacité de reprendre en soi même le travail de structuration du texte » et l’explication c’est « une mise à jour des codes sous-jacents à ce travail de structuration que le lecteur accompagne. Dans la lecture, le lecteur répond à la chose du texte. Sa lecture est l’occasion de transformation de sa propre personne en s’appropriant l’objet du texte, le lecteur laisse exister le texte à travers sa personne. Il s’agit d’une transformation.  Tout se résume à une formule : « Soi même, comme un autre » La lecture redéfinit l’être qui lit parce qu’il s’approprie le texte et tente de l’interpréter. II. Une œuvre complexe : « Boris Godounov » de M. Moussorgski (2ème version, 1874). Moussorgski (1839-1881) : Groupe des 5 : développe une nouvelle musique vocale fondée sur le respect de la langue russe. Groupe qui refusait l’académisme et les formes occidentales issues de la tradition classique dans les années 1860. Groupe proche de Berlioz (1803-1869) et Liszt (1811-1886) Groupe qui crée de la musique dans une société totalement bloquée sur le plan politique mais aussi sur le plan social (dirigé par les Tsars qui ont le pouvoir absolu). Petite aristocratie qui domine la société russe. Cette société est une société agricole où 90% de la population est paysanne. Une grande partie sont des esclaves, les serfs. Couche d’intellectuels qui tentent de faire des réformes ou de gagner le peuple à la révolution. Cette couche s’appelle l’ « intelligentsia » et accueille les artistes. Il n’existe pas dans les années 1860 de bourgeoisie comparable à la bourgeoisie industrielle des états occidentaux. Le parti prix est de créer une musique au langage russe sur sujet russe. L’aristocrate de son côté était intéressé surtout par l’opéra italien et la musique occidentale. Volonté des 5 de créer un opéra national. Moussorgski va aller le plus loin dans cette démarche avec « Boris Goudounov » en 1874 : L’histoire d’un Tsar arrivant au pouvoir en ayant fait assassiner le fils d’Ivan le Terrible, Dimitri. Apparaît en Pologne un jeune homme qui prétend être le vrai Dimitri et qui monte une armée en marche vers Moscou pour reprendre le pouvoir.  Il se heurte aux troupes de Boris et en 1605 Boris meurt subitement au Kremlin ce qui permet à ce Dimitri de prendre le pouvoir. Opéra qui existe en 2 versions : En 1869, avec 7 scènes, l’opéra est rejeté par le théâtre Mariinski En 1872, avec 9 scènes, il est représenté en 1874 Deux œuvres, l’une rejetée par la société, l’autre acceptée. Godounov : Texte qui pose des questions importantes Œuvre qui change d’une version à l’autre. Au théâtre mise en scène du peuple & de l’histoire.  Visionnage : Couronnement de Boris Dans la version de 1872, il y a plusieurs écritures musicales différentes. Tout d’abord un procédé d’écriture typique de la volonté du groupe des 5 : le récitatif mélodique c'est-à-dire une mélodie proche de la langue parlée. On le voit dans le couronnement (air de Boris) ou dans l’auberge (acte 1 scène 2) On voit aussi un récitatif mélodique dans le chœur (1ère scène) : typique du groupe des 5. Egalement air lyrique de type occidental dans l’acte 3 avec des airs (aria) et des chœurs. Tout ceci nécessite un orchestre différent du 1er. Nous avons également des chœurs puissants notamment dans la forêt de Kromy. Le problème posé par les différents styles d’écriture est que l’œuvre dans sa 2ème version apparaît comme une œuvre incohérente car elle mélange les styles musicaux et n’est pas facile à comprendre. Cette idée a conduit jusqu’à aujourd’hui à faire des modifications dans la structure de l’œuvre. Ce qui apparaît au terme de cette étude est que le texte représenté en 1874 n’a pas de rapport réel avec la 2ème version : texte tronqué. Il s’agit donc d’expliquer maintenant les réactions du public face à cette œuvre. Ricœur disait qu’un texte renvoyait à un autre texte. Histoire Karamzine Pouchkim Boris Œuvre réprésentée Boris Boris 1869, 1872 1874 Il faut de poser la question du destinataire. Quels sont les groupes sociaux qui ont écouté l’opéra ? Quelles ont été leurs réactions ? Dans l’opéra il y a une composition sociale du public au théâtre Mariinski. Plusieurs couches : - Les traditionnalistes, conservateurs, partisans de l’opéra occidental. - L’intelligentsia : groupe hétérogène, passionné d’opéra, en faveur de l’opéra russe. - Les révolutionnaires : qui célèbrent tout les passages mettant en valeur le peuple. L’étude de la réception se fait par rapport aux réactions que l’œuvre a provoqué par écrit ou qui ont fait l’objet de comptes rendus écrits : Critiques (presse), journaux personnels (blogs), Témoignages, données quantitatives (chiffres, recette de vente etc…) Face à Goudonov, 2 types de critiques : Favorable & défavorables : 1) Favorables : - Vl. Stassov (1881, 1ère Bio de Moussorgski)) : L’opéra a été un succès de jeunes. - Golenitchev Koutouzov (1888) : Nous dit que tout n’est pas compris dans l’œuvre de Moussorgski. - Baskin loue l’originalité en particulier dans la scène de l’auberge - Mikhenvitch loue « l’auberge » 2) Défavorables : - César Cui : « ce n’est pas un opéra, mais une série de scènes. Seule l’auberge est interessante ». - Critiques réactionnaires : Soloviev en 1874 : « Cacophonie en 5 actes ». - Laroche : « Production anti musicale » - Rappoporch : « Production extrémiste » Les critiques favorables viennent des représentants de l’intelligentsia, ils ne comprennent pas parfaitement l’œuvre. Les critiques défavorables viennent des conservateurs : partisans de l’opéra traditionnel fondé sur des airs comme l’opéra italien. Le goût des russes était conditionné par les opéras italiens. 2 groupes sociaux qui s’affrontent : l’intelligentsia libérale : gens cultivés qui veulent des réformes contre l’aristocratie et ses partisans qui sont hostiles. On peut trouver un 3ème groupe social avec Stassov, c’est la jeunesse révolutionnaire qui ne comprend pas l’opéra et voit uniquement un moyen de propagande révolutionnaire. Goudonov n’est pas compris par chacun des groupes sociaux qui est face à l’œuvre. Chacun en fait une lecture en fonction de ses propres attentes, de ses propres revendications.  Les révolutionnaires ne comprennent pas le projet esthétique de l’œuvre, ils n’en voient qu’une partie. Les conservateurs considèrent que c’est un opéra raté et même les amis de Moussorgski ont du mal a admettre la présence de l’acte polonnais. Réception partielle de l’œuvre et l’évolution de la carrière de l’œuvre ne va pas permettre au projet de Moussorgski d’être compris réellement par un public. Encore aujourd’hui Goudonov est l’objet de multiples transformations qui ne tiennent pas compte des choix de Moussorgski. 5) Vision du monde & groupes sociaux. Derrière les perceptions individuelles se trouvent les groupes sociaux : regroupement d’individus qui est d’ordre familial, amical, générationnel. Toute société comprend un grand nombre de groupes sociaux qui jouent un rôle actif sur le plan culturel. Tout individu fait partie en général de plusieurs groupes sociaux. Dans cette étendue, on peut dire qu’il existe des groupes sociaux privilégiés qui jouent un rôle actif dans la création littéraire et artistique. 2 sociologues ont montrés ce rôle actif : Lucien Goldmann : Le dieu caché (1956) et Norbert Elias : La société des individus (1987) Le rôle des groupes sociaux dans la société :  Tout individu est dépendant d’autres individus et d’autres formes sociales pour développer sa création.  Elias : « Mozart, sociologie d’un génie » où il montre que la vie de Mozart a été conditionnée par les groupes sociaux et son échec vient du fait qu’il n’a pas su d’adapter aux goûts de l’aristocratie de Vienne. Pour Goldman, les membres d’un groupe partagent des aspirations communes, des sentiments, des attentes, et ses buts donnent lieu a la création par un individu membre du groupe, à la création d’un univers imaginaire. La création artistique n’est pas l’expression directe des objectifs du groupe. Elle est médiatisée par un univers imaginaire qui possède sa propre cohérence.  Cet univers est déterminé par le psychisme personnel de son créateur. On a une création artistique qui comprend plusieurs étages, comme dans une fusée : Psychisme individuel > Inconscient individuel > Aspiration d’un groupe dont est membre le créateur > univers imaginaire. Goudonov de Moussorgski est la représentation a travers les sentiments de Moussorgski des aspirations du groupe des 5 quitte a dépasser le niveau de conscience de ce groupe. Lucien Goldmann : 1913-1970 « Le Dieu Caché » 1956 Il y a dans les groupes sociaux 2 types de réactions possible : Une œuvre adresse à des groupes sociaux : 1) L’œuvre comble l’horizon d’attente des groupes sociaux et s’adresse à la conscience réelle de ces groupes 2) L’œuvre ne s’adresse pas à la conscience réelle mais à la conscience possible d’un groupe social : le groupe social peut aller + loin que la conscience réelle : Conscience en devenir d’un groupe. Le propre des grandes œuvres artistiques c’est d’avoir pu dépasser la conscience de leur temps, d’avoir pu dépasser l’horizon d’attente de leur groupe social et d’avoir pu être réinterprétées par d’autres sociétés. Ce phénomène d’interprétation est capital pour l’institutialisation d’une œuvre. Elle peut rencontrer son public bien après sa création. C’est toujours par l’intermédiaire d’un univers imaginaire qui est donc loin d’une expression très réaliste des réalités sociales que les enjeux artistiques et sociaux se manifestent le mieux. Dans des pièces qui se situent dans l’antiquité romaine apparaît le mieux la pensée des jansénistes qui est celle d’un dieu caché, mystérieux, mais qui déclenche les actions des personnages. Conclusion :  Tout texte musical ne renvoie pas au monde du texte mais à des processus de création, de diffusion, d’interprétation et de réception qui permettent de placer le texte dans une réalité sociale. Cette réalité sociale, c’est celle de la prise de conscience de groupes sociaux, des symboles de l’œuvre. Il s’agit de véritables enjeux esthétiques qui redéfinissent la lecture de l’œuvre et permettent au groupe récepteur de se comprendre devant les œuvres musicales. C’est donc dans ces processus qu’il faut placer la réception de l’œuvre. GOUT MUSICAL, IDEOLOGIE & SOCIETE L’écoute musicale dans ses réalités sociales I. La théorie des médiations d’Antoine Hennion : Rappels Sociologue Français, né en 1952, auteur de « la passion musicale » et « la grandeur de Bach ». Théorie de la musique fondée sur la recherche de la réalité musicale. Pour lui, elle n’est pas fondée sur des objets comme les œuvres, elle est fondée sur des moyens qui sont en fait des médiations très actives dans la réalité musicale. Ce sont des interprètes, mais également des partitions, des radios, des disques, des dispositifs scéniques, des programmes, des techniciens :ensemble de moyens humains & matériel qui permettent la réalisation de la musique, mais celle si a un mode d’existence très différente de l’œuvre littéraire ou picturale. La partition n’est pas la musique, c’est un moyen. La musique jouée n’existe que le temps pendant lequel elle est jouée. La musique est fondée sur des courants d’air et n’existe qu’a travers les traces qu’elle laisse dans la médiation : souvenir des auditeurs, traces matérielles (enregistrement, partitions…) Hennion avance l’idée que la musique n’existe pas en tant qu’objet mais ce sont les médiations de la musique qui existent, tout ce qui concours à la réalisation de la musique. Le danger de la théorie d’Hennion est de faire comme si la musique était sans importance face aux médiations ; l’importance des médiations serait tellement grande que les créateurs ne composent que du vent. La phrase type d’Hennion « Il n’y a jamais de musique, il n’y a que des montreurs de musique ». (La passion musicale, P.296). Le compositeur lui-même est un produit de la médiation. JS BACH n’existe qu’à travers l’image que nous en avons. Hennion ne se pose jamais la question de la production des œuvres, il se situe toujours du côté du comment alors que la question essentielle au sociologue est celle du pourquoi. On peut dire que la médiation ne pose jamais un problème sauf de matière détournée : Le problème la valeur artistique d’une œuvre d’art.  Or cette position écarte du champ de réflexion le fait que les œuvres musicales sont des objets esthétiques mais également sociologiques. La sociologie de la médiation refuse d’analyser les œuvres, elle n’analyse que les effets des œuvres et les traces qu’elle laisse au cours de son existence. Pour la sociologie des médiations, ce sont les jugements de goût qui sont fondamentaux car les réactions des auditeurs amènent à formuler des jugements de goûts qui sont caractéristiques des amateurs de musique. Jugement de goût des amateurs déterminant pour le musical. Verbalisation indispensable dans cette perspective pour cerner comment la musique est appréciée ou non. Chez Hennion, la réception est centrale et plus importante que la création. Etude de la diffusion, des présentations. II. Le goût musical d’après les théories de Pierre Bourdieu « La Distinction » (1979). Voir Schéma : Quels sont les facteurs qui expliquent les préférences musicales ? Bourdieu croit au poids des structures sociales qui sont indépendantes de la volonté des acteurs, de la subjectivité, « le constructivisme ». Ces structures sociales imposent des choix inconscients aux membres d’un corps social.  Toute société fonctionne sur des oppositions, sur des différences, sur des pratiques culturelles, sur des modes de vie extrêmement différents et opposés. Les groupes sociaux suivant Bourdieu se retrouvent dans le choix qu’ils réalisent et ses choix collectifs. Ils sont fait par opposition inconsciente au choix d’autres groupes sociaux. Les goûts sont des marqueurs d’appartenance sociale ; la société selon lui est une société d’opposition entre des groupes sociaux et des classes sociales : marqueurs d’une différence. 2 notions chez Bourdieu : Habitus : Façon dont les structures sociales sont intériorisées par les sujets et la façon de se comporter dans la société. Reproduction d’un certain nombre de choix qu’on croit personnels mais qui sont en fait des choix d’une classe sociale ou d’un groupe social. Série de dispositions durables qui en matière esthétique sont souvent masquées par la subjectivité. Pour Bourdieu, on retrouve cette notion quand on dit « j’aime, je n’aime pas », ce n’est pas « je » qui parle, c’est un jugement de goût collectif. Exemple avec la nourriture : Opposition entre léger & consistant. Champ : Domaine précis ou se nouent des relations entre les acteurs et la vie sociale. Un champ est marqué par une distribution inégale de ressources. Dans chaque champ, il y a des luttes entre les classes sociales où interviennent 2 types de capital : le capital économique (la richesse), mais aussi le capital culturel. Dans chaque champ, les habitus jouent. En matière musicale, les goûts classent ce qui les exprime. Bourdieu met à jour 3 types de goûts :  - Le Goût Populaire : Qui est marqué par la préférence pour les œuvres largement diffusées, et simples à comprendre Essentiellement les œuvres qui disent quelque chose. - Le Goût Moyen : Qui se caractérise pour la préférence par des œuvres originales en marge des grandes œuvres musicales. Il est fondé sur la recherche des domaines qui ne sont pas enseignés à l’école et qui sont considérés comme des arts mineurs dans la société. Valorisation de la culture scolaire, de tout ce qu’on apprend à l’école. - Le Goût Noble : Volonté de se distinguer dans la connaissance, possession du capital scolaire mais aussi possession du savoir complémentaire de ce capital qui n’est pas enseigné à l’école & également recherche de l’originalité dans les domaines les plus consacrés par la société. Selon Bourdieu le phénomène « Rieu » relèveront du goût populaire car musique très conventionnelle adressée à des couches populaires, et qui croient que Rieu leur joue des vraies œuvres. Toute la problématique de Bourdieu est intéressante, confirmée par les enquêtes sur les pratiques culturelles des français. L’origine sociale joue un rôle déterminant ainsi que le niveau scolaire & l’âge. Pourtant la société a changé depuis la fin des années 70 et les pratiques culturelles sont beaucoup plus complexes aujourd’hui. Les enquêtes du ministère de la culture insistent même sur le fait que plusieurs personnes ont des goûts multiples en matière artistique & musicale : ils ne sont pas cantonnées à un domaine : certain éclectisme musical. Cerner le goût musical est aujourd’hui beaucoup plus complexe que du temps de Bourdieu et on doit à un sociologue français, Bernard Lahire d’avoir actualisé totalement les théories de Bourdieu en 2004. « La culture des individus »  III. Les thèses de Bernard Lahire. Prof de sociologie à l’école normale supérieure de Lyon, il va procéder à une critique des théories de Bourdieu à partir de la prise en compte des individus. Les individus ont des comportements contradictoires : Ils passent par exemple très facilement d’un univers musical très noble à des sous produits commerciaux. Graphique : Lahire se fonde sur les pratiques culturelles des français. Les choix en matière de musique dont différents suivant l’âge, le lieu d’habitation, le niveau de diplôme et l’appartenance sociale. La question est de savoir si les positions des groupes sociaux sont figées, et s’ils continuent a exister des distinctions aussi fortes que celles établies par Bourdieu. Bernard Lahire observe la réalité à partir individus. Or la frontière établie par Bourdieu entre la haute culture et la sous culture n’est pas une frontière qui sépare strictement les classes sociales. On la retrouve en effet à l’interieur des classes sociales ou les individus ont des profils culturels dissonants : le magistrat qui adore le rap par exemple. Ces profils culturels dissonants existent dans toutes les catégories. Lahire constate deux choses : 1) qu’il existe une pluralité de dispositions et de compétence 2) il y a une variété de contextes dans lesquels les individus insèrent leurs actions. La diversité de profils provient d’abord d’expériences socialisatrices hétérogènes durant l’enfance. Il y a des changements dans les conditions matérielles. Lahire constate qu’il existe des écarts par rapport au monde hiérarchisé de la culture. Ses écarts sont des écarts individuels. Il y a donc des situations complexes en fonction de processus individuels hétérogènes. Il y a 3 types de profils :  - Profils consonants peu légitimes (sous culture) - Profils dissonants - Profils consonants légitimes Lahire va intégrer des variables (préférences culturelles). Dépendent de 3 à 7 variables 3 variables : Tv, Film, Musique. Ce qui est important, c’est que les pratiques culturelles montrent une prédominance dans des profils dissonants qui sont pratiquement majoritaires dans le tableau a 3 variables. Les goûts musicaux relèvent donc de constantes sociales & culturelles collectives mais aussi de variations individuelles qui brouillent les attentes et diversifient les comportements en matière culturelle. Toute la question est de savoir quelle appréciation on peut faire de ses profils dissonants mis à jour par Lahire chez les individus.

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