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Licence de Science Politique - Relations Internationales
Travaux Dirigés de Sociologie Politique Générale
Le Lobbying en France
LOBBYING (n.m.) : information des pouvoirs publics par des agents économiques et
sociaux afin d?obtenir une prise en compte de leurs positions dans l?élaboration ou le
changement de la législation ou de la réglementation
Dans quelle mesure les multiples pratiques liées au lobbying peuvent-elles être
considérées comme faisant partie intégrante de la matrice démocratique française
par le biais d’une vision libérale de la hiérarchisation intéressée de l’information ?
A. APPARITION, ACTEURS, CIBLES ET MOYENS D’ACTION DU LOBBYING EN FRANCE
1) L’apparition du lobbying en France : individualisation de la société, culture des
contre-pouvoirs et « légitimité de la compétence »
2) Les acteurs du lobbying en France : sources et cibles d’une communication mal
institutionnalisée
3) Le méthodes et moyens d’actions du lobbying en France : de la construction
d’une action de lobbying
B. DÉRIVES SYSTÉMIQUES, MARCHANDS D’INFLUENCE ET CATALYSE RÉGULATRICE DE LA DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE MODERNE
1) Le lobbying comme dérive du système libéral-démocrate ou la marchandisation
de l’influence
2) Le lobbying comme instrument de régulation et catalyseur nécessaire d’une
démocratie représentative moderne
LE LOBBYING COMME…
? une hiérarchisation intéressée de l’information par des groupes économiques,
culturels, professionnels, associatifs, idéels, sociaux
? un moyen de contrôle des groupes sociaux sur l’exercice du pouvoir de leurs
représentants
? une perversion du système libéral, menaçant l’objectivité et l’intégrité des
représentants du peuple
? un instrument de marketing moderne indispensable
? une incarnation d’un cynisme héritier de la realpolitik à l’échelle nationale
? une activité pratiquée aussi bien au niveau municipal que régional, étatique ou
international (lobbying d’Etat)
? un mal nécessaire palliant les faiblesses d’un système représentatif risquant de
s’éloigner des réalités économique et sociale
Présentation du mercredi 21 avril 2009
Université LYON III - Faculté de Droit - Licence de Science Politique mention Relations Internationales
L’infléchissement des décisions des dirigeants, notamment au niveau politique, constitue
un enjeu stratégique à l’heure où les prérogatives des législateurs embrassent l’ensemble du
spectre économique, culturel et social. De fait, le lobbying, en ce qu’il se propose de défendre
les intérêts de groupes d’influence par le biais d’actions ciblées auprès des instances
dirigeantes, est un outil privilégié pour nombre d’entités cherchant à affermir leurs positions
politique, sociale et économique.
Le lobbying est un concept éminemment anglo-saxon, et sa transposition en France s’avère
aussi tardive que malaisée. En effet, si les Etats-Unis disposent très tôt d’une législation
spécifique1, la cadre juridique entourant la pratique hexagonale de ce type d’activité reste
inexistant. Pourtant, la multiplication des interventions du législateur et la complexité
grandissante des dossiers qu’il est amené à traiter sont les prolégomènes du développement du
lobbying.
En effet, la raison d’être de ce dernier est « [l’]information des pouvoirs publics par des
agents économiques et sociaux afin d’obtenir une prise en compte de leurs positions dans
l’élaboration ou le changement de la législation ou de la réglementation2 ».
A la lumière de cette définition, nous pourrions nous demander dans quelle mesure les
multiples pratiques liées au lobbying peuvent être considérées comme faisant partie intégrante
du système démocratique représentatif français par le biais d’une hiérarchisation intéressée de
l’information.
Nous verrons tout d’abord plus avant ce qui relève du domaine du lobbying proprement
dit, de ses acteurs, de ses cibles et de ses méthodes, puis nous nous emploierons à en analyser
les conséquences sociétales, par le truchement du spectre de la dérive démocratique et de ses
externalités positives.
1 Les premiers textes de loi relatifs à la question apparaissent dès 1935 avec le Utilities Holding Company Act, mais c’est le Federal Regulation of Lobbying Act, voté en 1946 et amendé en 1995 (Public Law 104-65) qui est considéré comme le texte de référence en la matière
2 LE PICARD Olivier, ADLER Jean-Christophe, BOUVIER Nicolas, Lobbying, les règles du jeu, Editions d’Organisation, Paris, 2000, p. 14
LE LOBBYING EN FRANCE : APPARITION, ACTEURS, CIBLES, MOYENS D?ACTION
Nous allons tout d’abord nous intéresser à notre objet d’études proprement dit, afin d’une
part d’écarter le voile du lieu commun qui veut que le lobbying soit une sorte de corruption
institutionnelle déguisée, et d’autre part de comprendre les usages, les influences et les
moyens d’actions que sous-tend cet outil devenu prépondérant à l’échelle de la France comme
de l’Union européenne3.
L?apparition du lobbying en France : individualisation de la société, culture des
contre-pouvoirs et « légitimité de la compétence »
S’intéresser à un outil, ou plus exactement à un ensemble de moyens d’agir sur les
instances détenant l’exercice du pouvoir, c’est d’abord comprendre qui y a un intérêt, c’est-àdire s’intéresser aux acteurs de ce jeu d’influences.
Nous l’avons évoqué, le lobbying est apparu plus tardivement en France que dans d’autres
pays, cela pour une série de raisons allant de la conception même de l’Etat à une culture
particulière en passant par la continuité politique de 1958 à 1981. La défiance vis-à-vis des
corps intermédiaires suceptibles de détourner l’Etat et ses agents de leur mission originelle, la
centralisation , l’absence d’alternance ou encore le peu de considération de l’esprit
d’entreprise4 sont autant de freins qui n’ont permis l’émergence de ce type de service qu’au
début des années 80-90.
Par ailleurs, la différence de conception entre les pays de culture anglo-saxonne et la
tradition rousseauienne d’unité française font également sens. En effet, l’individu, qui est
l’élément de base de la réflexion politique libérale, n’est pris en compte que tardivement dans
la réflexion sociétale hexagonale, qui lui préfère une unité nationale héritée des Lumières et
d’une longue histoire monarchique.
De fait, le développement de la décentralisation à partir des années 80, avec
l’affaiblissement de la tutellisation des collectivités territoriales, va entraîner l’apparition
3 Sur la question des différentes formes de lobbying auprès des instances communautaires et de leurs implications quant à la gouvernance de l’Union, que nous ne traiterons que très rapidement dans ce travail, voir CLAEYS Paul-H., GOBIN Corinne, SMETS Isabelle, WINAND Pascaline, Lobbyisme, pluralisme et intégration européenne, Presses interuniversitaires européennes, Bruxelles, 1998, 455 pp. et plus
particulièrement les textes d’Isabelle SMETS.
4 LE PICARD Olivier, ADLER Jean-Christophe, BOUVIER Nicolas, Op. cit., p. 14
tangible de contre-pouvoirs légitimes au sein même de l’administration publique. L’alternance
politique, avec la double investiture de Fançois Mitterrand, illustre la diversification des
postulats idéologiques français.
Si les groupes de pression apparaissent dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale auprès du
Parlement, il n’en reste pas moins qu’ils jouissent d’une mauvaise presse permanente. Notons
à ce titre que le règlement de l’Assemblée nationale prévoit l’interdiction du rassemblements
de groupes représentant d’intérêts autres que publics depuis la résolution n°151 du 26 janvier
1994.5
L’avènement de la primauté du monde économique, plus mis en lumière que réellement
contesté par la triple crise de confiance, de liquidités et structurelle que nous connaissons
actuellement, induit nécessairement la volonté de ses représentants de disposer d’une part du
pouvoir politique, ou tout du moins de pouvoir impacter les décisions correspondantes à leurs
champs d’actions respectifs.
C’est ce que J.-D. Giuliani6 appelle la “légitimité de la compétence» : c’est-à-dire que face
à la difficulté de légiférer dans un domaine technique ou particulièrement pointu, s’en
remettre aux conseils des spécialistes du secteur permet pour le législateur d’éviter de prendre
une décision sans en connaître les implications.
Toutefois, si les entreprises ont été parmi les premières à recourir à ce type d’actions, étant
de plus en plus concernées par les textes mis au vote au sein de l’Assemblée nationale, elles
ne sont pas les seules à user de ce type de services.
Les acteurs du lobbying en France : sources et cibles d?une communication mal institutionnalisée
5 Se reporter à l’article 23 du règlement de l’Assemblée nationale, alinéas 1 et 2, qui mentionnent notamment
l’interdiction de la « constitution au sein de l’Assemblée nationale […] de groupes de défense d’intérêts particuliers, locaux ou professionnels ».
6 GIULIANI Jean-Dominique, Les Marchands d’influence, Le Seuil, Paris, 1991
Les méthodes et moyens d?action du lobbying en France : de la construction d?une
action de lobbying
Comme nous venons de le voir, le lobbying implique en premier lieu une série d’acteurs,
notamment les groupes de pressions eux-mêmes et leurs cibles. Néanmoins, il convient pour
comprendre l’ampleur et la nature du phénomène de nous pencher également sur ses
méthodes. Comment une action de lobbying se construit-elle ? Existe-t-il des passages
obligés, des règles, des normes ?
Notons avant toute chose qu’il existe une Association Française des Conseils en Lobbying7
(AFCL), qui se distingue par la rédaction d’une charte d’éthique8 à laquelle se soumettent, au
moins dans la théorie, les membres du groupement.
A partir de là, on peut distinguer cinq grandes étapes9 dans l’élaboration d’une stratégie de
lobbying « classique » : l’instruction du dossier, la veille législative et réglementaire,
l’analyse et la construction de la stratégie par rapport à un problème donné, l’intermédiation
avec les pouvoirs publics et/ou concurrents, et enfin la communication institutionnelle
d’accompagnement.
Sans trop entrer dans les détails, le but n’étant pas ici de travailler sur le manuel du parfait
lobbyiste, cette première catégorisation permet de se rendre compte de la similitude entre
l’action de lobbying et les actions marketing de stratégie en général. Notons l’importance que
confère cette démarche à l’observation de l’environnement législatif, réglementaire et même
concurrentiel : la « veille », qui consiste à trier les flux d’informations pour en faire ressortir
ce qui peut concerner le dossier correspondant, est une part importante du travail d’un
lobbyiste. En effet, il lui faut pouvoir prendre les devants, et à cet effet être informé
rapidement de toute évolution de l’environnement ayant trait à ses intérêts.
7 Véritable façade publique de l’activité lobbyiste, l’AFCL dispose d’un site Internet bien renseigné : < http:// www.afcl.net >
8 Voir ANNEXE B, « La Charte d’éthique de l’AFCL »
9 Selon la distinction faite dans LE PICARD Olivier, ADLER Jean-Christophe, BOUVIER Nicolas, Op. cit., pp. 156-157
Ainsi, le but est de pouvoir réagir efficacement. Pour prendre un exemple récent, la
parution de la proposition de loi « Création et Internet10 » a suscité l’intérêt non seulement des fournisseurs d’accès à Internet, mais également celle des associations de consommateurs, de défense des droits de l’homme ou encore des firmes spécialisées du secteur de la musique.
Partant, chacun a pu analyser la portée d’un tel projet, et élaborer une stratégie visant à le
soutenir, à l’amender ou encore à faire en sorte qu’il soit refusé.
Le tout est donc d’envisager une « approche pluridisciplinaire globale et cohérente11 », afin
de couvrir l’ensemble des possibilités. On peut ainsi solliciter un entretien avec la Ministre ou
avec son cabinet, rencontrer ou informer des parlementaires, ou encore organiser des
initiatives plus populaires. Il s’agit de présenter « un argumentaire adapté pour le bon
interlocuteur selon un calendrier opportun12 ».
Il faut donc prioriser son action en fonction de l’importance des décideurs à convaincre,
mais également faire le choix de moyens d’action en phase avec les intérêts défendus.
L’information, en règle générale, est au coeur du lobbying, puisque qu’il s’agit finalement de
présenter aux cibles choisies une information sélectionnée, de manière à les convaincre de la
justesse des intérêts ainsi défendus. Par ailleurs, les outils de veille consistent à analyser, trier
et rendre compte de multiples canaux informatifs, d’ordre législatif ou réglementaire, bien sûr,
mais aussi médiatique, sociétal, géopolitique, technologique ou juridique.
Très concrètement, il s’agit donc de traiter une masse plus ou moins importante, selon
l’objectif voulu, de Journaux officiels, de titres de presse, de publications spécialisées, de
pages Internet...etc. On analyse ensuite l’information, que l’on contextualise afin de l’adapter
aux buts recherchés, puis on détermine les possibilités, le dossier à monter, les arguments à
développer auprès des interlocuteurs sélectionnés.
Le lobbying peut enfin être incarné par des campagnes de communication dites
institutionnelles, c’est-à-dire qui défendent non pas des produits mais des valeurs ou des
idées. C’était le cas, par exemple, d’une enseigne bien connue de la grande distribution qui
10 Proposition de loi à initiative gouvernementale de Mme la Ministre de la Culture Christine Albanel concernant la lutte contre la spoliation des droits d’auteurs et de la propriété intellectuelle sur le réseau Internet
11 LE PICARD Olivier, ADLER Jean-Christophe, BOUVIER Nicolas, Op. cit., p. 156
12 LE PICARD Olivier, ADLER Jean-Christophe, BOUVIER Nicolas, Ibid
souhaitait autoriser la vente de certains produits pharmaceutiques en grande surface, et qui a
défendu ce point de vue via une campagne télévisuelle13.
Les moyens du lobbying en France sont donc multiples, mais pourtant encore assez réduits
comparés, notamment, aux Etats-Unis. Il est ainsi impossible pour un lobby de financer un
candidat à une élection, comme cela se fait outre-Atlantique, et leur activité n’est
théoriquement pas réglementée au Parlement, d’où un manque de transparence qui mène à
l’incompréhension, commune, de l’activité.
Cette connotation négative, qui est principalement relayée par les médias traditionnels,
reflète néanmoins un ensemble de risques réels liées à la pratique du lobbying, et à l’existence
des groupes de pression. De dérive ploutocratique en menaces sous-tendues de corruption à
divers niveaux, on peut constater en tous les cas que l’activité, particulièrement en France, est
difficile à cerner. Les moyens que nous venons de décrire demeurent tout à fait légaux au
regard de la législation en vigueur, mais on peut facilement imaginer que lorsque les enjeux
deviennent importants, la donne change.
1313 Il s’agissait de la chaîne E. Leclerc, mais la campagne s’est soldée par un échec, notamment du fait de l’efficacité de la contre-campagne organisée par l’ordre des pharmaciens et leurs défenseurs. Il s’agit d’un exemple très concret d’un « affrontement » entre groupes d’influence, chacun cherchant à défendre ses intérêts particuliers et venant alimenter le débat parlementaire et public.
DÉRIVES SYSTÉMIQUE, MARCHANDS D?INFLUENCE ET CATALYSE RÉGULATRICE DE LA DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE MODERNE
Le lobbying comme dérive du système libéral-démocrate ou la marchandisation de
l?influence
Le lobbying comme instrument de régulation et catalyseur nécessaire d?une
démocratie représentative moderne
L’exercice du pouvoir démocratique implique un certain nombre de contraintes, qui
viennent limiter, modérer ou amender les prises de position des représentants du peuple. Le
modèle de la séparation des pouvoirs14 est l’exemple le plus concret de cet état de fait,
puisqu’il a été pensé afin de canaliser les dérives potentielles d’un système regroupant entre
les mains d’un nombre restreint d’hommes une grande partie du pouvoir décisionnaire. Les
prérogatives de chacun de trois pouvoirs viennent se contrebalancer, afin d’assurer la
pérennité d’une certaine idée de la justice sociale.
Dès lors, le schème de la démocratie représentative est le reflet d’une certaine idée de la
“balance civile” des pouvoirs. Il s’agit de transposer le modèle démocratique, c’est-à-dire
l’idée que le pouvoir est entre les mains des citoyens, à la double réalité de l’échelle nationale
et du pragmatisme de l’efficience15. Plus simplement, cette manière de déléguer tout ou partie de son pouvoir à un ensemble de représentants élus permet d’une part de sortir de l’aporie que constituait l’exercice direct du pouvoir par plusieurs millions de personnes, et d’autre part de s’assurer d’un certain degré d’efficacité et de réactivité dans le processus décisionnel.
Se pose alors le problème du contrôle des instances ainsi mises en place, et du respect par
ses dernières de la volonté du peuple. Si les différents votes sont supposés jouer un rôle à ce
niveau, par la possibilité qui est alors donné aux citoyens de sanctionner un décisionnaire, ils
14 Voir bien évidemment sur cette question LOCKE John (trad. MAZEL David), Traité du gouvernement civil, Garnier-Flammarion, Paris, 1992, 381 pp. et pour une analyse plus franco-centrée de la “distribution” des pouvoirs, le chapitre sixième de MONTESQUIEU, De l’Esprit des Lois, Gallimard, Paris, 1995, 604 pp.
15 Voir le très instructif CAPITANT René, Démocratie et participation politique dans les institutions françaises de 1875 à nos jours, Bordas, Paris/Bruxelles/Montréal, 1972, 184 pp. et, plus classiquement peut-être, GAXIE
Daniel, La démocratie représentative, Montchrestien, Paris, 2000, 160 pp.
n’en restent pas moins sporadique - en ce qu’il reste, quelque soit sa fréquence, ponctuel et
non pas continu - et leur efficacité est conditionnée par l’homogénéité de la classe politique.
En effet, plus il y a d’alternance potentielle, et plus le vote devient important ; inversement,
des élus qui ne diffèrent que peu dans leurs lignes de conduite n’offrent pas de réelles
perspectives d’infléchissement des politiques publiques et rendent donc le vote d’autant
moins pertinent. On y assiste d’ailleurs avec le débat autour de l’abstention insidieuse qui
s’empare de la plupart des élections publiques16.
Ce constat établi, il convient de remarquer la dimension incidemment démocratique de
l’exercice de l’influence par les groupes de pression. En effet, ceux-ci peuvent venir pallier
les faiblesses de la représentativité, et notamment le risque qu’un fossé ne se creuse entre
décideurs et administrés.
En effet, on peut penser qu’à l’instar de l’évolution du phénomène observée aux Etats-unis,
le lobbying hexagonal est amené à se démocratiser, c’est-à-dire à se faire de plus en plus
éclectique. Aujourd’hui dominé assez naturellement par les représentants du monde
économique, pour les raisons que nous avons vues, le monde du lobbying et de ses
possibilités est appelé à s’ouvrir à d’autres types de groupes. On a pu ainsi voir l’émergence
d’associations de consommateurs ou de groupes professionnels, et on peut raisonnablement
penser que la popularisation des moyens de communication modernes a tendance à accroître
l’intérêt des individus pour la défense de leurs intérêts, et surtout à faciliter les groupements et
les relations entre les deux extrémités de la pyramide du pouvoir représentatif17.
De fait, l’un des lobbies les plus puissants à Washington est tout à fait étranger au monde
économique et financier, puisqu’il s’agit de l’American Association of Retired People
(AARP) et de ses 33 millions de membres18. Cela illustre la pluralité de la taxonomie des
lobbies tout autant que l’éclectisme des intérêts qu’ils sont susceptibles de représenter.
16 Voir la remarquable analyse de la désaffection pour le vote régulier chez FRANKLIN Mark, Voter Turnout and the Dynamics of Electoral Competition in Established Democracies since 1945, Cambridge University Press,
Cambridge, 2004, 294 pp. et l’Annexe A « Evolution de l’abstention en France de 1977 à 2004 pour les quatre principaux scrutins directs »
17 Qu’il nous soit ici suffisant de souligner la facilité avec laquelle il est possible, aujourd’hui, de contacter son
élu local par le biais d’un courriel, et d’obtenir une réponse même sibylline de sa part.
18 ANONYME, Le lobby le plus puissant du monde, Courrier International du 25/02/1999 au 03/03/1999
Or, la base du système libéral est de postuler que l’ensemble des intérêts particuliers mène
à l’optimisation du bien-être collectif. Le système du lobbying, qui a tendance à s’abolir des
limites institutionnelles établies entre les dirigeants élus et les citoyens, n’est donc pas sans
vertus démocratiques, en ce qu’il permet aux administrés d’exercer une influence, et par
conséquent une certaine forme de contrôle, sur la manière dont le pouvoir est exercé.
En ce sens, l’étude du lobbying, particulièrement face à une tradition française tributaire
d’une idéologie prônant l’unité nationale comme seule expression de la volonté du peuple, est
des plus intéressantes. Le cadre sociologique permet qui plus est d’en saisir tout l’intérêt
humain, puisqu’il s’agit d’une double évolution fondamentale : d’une part dans le rapport du
citoyen au pouvoir, et d’autre part par rapport à son intégration dans la société et ces
nouvelles formes de cercles sociaux.
ANNEXE A
GRAPHIQUE : ÉVOLUTION DE L?ABSTENTION EN FRANCE DE 1977 À 2004 POUR LES QUATRE PRINCIPAUX SCRUTINS DIRECTS
ANNEXE B
CHARTE D?ÉTHIQUE DE L?AFCL19
Article 1
Le conseil en lobbying ou lobbyiste conseille des entreprises, associations ou collectivités territoriales dans la défense de leurs droits et intérêts auprès d'organismes susceptibles de prendre des décisions les affectant, au moyen de la diffusion d?une information rigoureuse reflet de l?état des connaissances disponibles.
Exercice de la profession
Article 2
La profession de conseil ou de chargé en lobbying et affaires publiques peut s'exercer soit à titre individuel, soit en tant que salarié au sein d'une entreprise ou d'une association.
Article 3
Toute condamnation pénale ou civile pour agissements contraires à l?honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs interdit l'exercice de la profession.
Article 4
L'exercice de la profession de conseil en lobbying est strictement incompatible avec :
• tout mandat politique électif national ou européen;
• tout emploi salarié au sein d'un cabinet ministériel, des assemblées parlementaires ou dans la fonction publique nationale, communautaire ou internationale.
Article 5
Le conseil en lobbying se conforme aux règles en vigueur en cas de recrutement d'anciens fonctionnaires des institutions nationales et internationales.
Article 6
Le conseil en lobbying recommande la mise en oeuvre des moyens nécessaires à la réalisation des objectifs de ses clients et employeurs. Il y participe sur les points définis en commun avec ses clients et employeurs. Il est soumis à une obligation de moyens.
Relations avec les institutions
Article 7
Dans les contacts qu?il noue avec les institutions nationales et internationales, le conseil en lobbying déclare son identité et les intérêts qu'il représente.
Article 8
Le conseil en lobbying déclare l'identité de ses clients et employeurs auprès du Bureau de chaque assemblée parlementaire, nationale et européenne, dès lors que la demande lui en est faite.
Article 9
Le conseil en lobbying respecte les règlements intérieurs des assemblées représentatives nationales, européennes et internationales.
Article 10
Le conseil en lobbying respecte les règles en vigueur pour l'obtention et la diffusion de documents officiels et s'interdit notamment de les distribuer à des fins lucratives.
Prescriptions
Article 11
En cas de conflit d'intérêt susceptible d'intervenir entre ses clients ou employeurs sur des objectifs similaires ou concurrents le conseil en lobbying s'oblige à les en informer.
Article 12
En raison du caractère stratégique des dossiers, le conseil en lobbying est tenu à une obligation de confidentialité.
19 Telle que disponible sur le site de l’AFCL < http://www.afcl.net/deontologie-1-4.htm > visité le 12 avril 2009 et vérifié le 19 avril 2009
Article 13
Le conseil en lobbying alerte son client lorsque ses objectifs sont contraires aux bonnes pratiques professionnelles ou aux règlements et lois en vigueur.
Article 14
Les entreprises, associations ou collectivités territoriales ayant recours au conseil en lobbying, s'assurent de lui remettre l'information la plus honnête et la plus rigoureuse disponible.
Article 15
Tout membre de l'AFCL s'engage à respecter les principes énoncés dans cette charte dans chacune des missions qui lui est confiée.
ANNEXE C
SCHÉMA : LE CHEMIN DU VOTE DE LA LOI EN FRANCE20