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Histoire des Idees.docx

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Contributor: pentapenguin
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Histoire des Idées : La Raison et le Sacré des Lumières à la République      Pour savoir ce qu'est une idée politique, le meilleur moyen est d'observer comment la société exprime ses craintes ou son hostilité à son endroit. Chapitre 1 : Les lumières ou le mythe solaire de la raison En 1823, Hegel évoquait le « formidable lever de soleil » que furent les lumières et le lien entre ces idées nouvelles et l'aurore de la révolution française. Cette lecture a été remise en cause par Roger Chartier (Les origines culturelles de la révolution française) : pour lui le mouvement des lumières n'est pas vraiment la cause de la révolution, il est plutôt son alibi, son patrimoine reconstitué a posteriori. C'est la révolution qui a créé ce mythe pour se légitimer (ex. : les révolutionnaires font entrer les lumières au Panthéon). On a parlé des lumières comme d'un mouvement homogène et unifié, hors on distingue des sensibilités très différentes selon les pays. Les lumières sont souvent présentées comme porteuses d'un nouvel esprit rationnel et empirique de plus en plus dégagé de l'hypothèse religieuse. Cette vision n'est pas tout à fait exacte : il n'y a pas eu de volonté de laïciser au sein des lumières, et il y avait même un amour de la religion (mais d'une autre religion). L. Brunschwicg voit chez les lumières une prise de conscience de l'homme par l'homme, là aussi c'est peut être anticiper sur l'individualisme démocratique qui ne verra le jour que bien plus tard. Il n'en reste pas moins que le temps des lumières est celui d'une crise de la conscience européenne qui prend place entre le siècle classique et celui de la moralité révolutionnaire.  Pouvoir et savoir dans l'Europe au XVIIIe siècle Les lumières ont avant tout une volonté de réformer l'ordre politique existant en réalisant une émancipation de l'humanité par la raison. « La civilisation ? Il faut tout écarter. Tout est vicié (…) il faut revenir à la Nature » écrivait Rousseau.      On peut simplifier la pensée des lumières en un triptyque Nature - Bonheur - Progrès. Pour Rousseau il faut retrouver « l'homme de l'homme ». L'idée de Nature est à la fois un concept philosophique et un instrument idéologique.      Pour les lumières, les hommes peuvent et doivent être heureux. Le bonheur n'est plus accessible au terme d'une vie de pénitence, l'homme le cherche désormais dans la satisfaction spontanée du désir. On peut constater deux tendances dans cette pensée : la morale se détache de la religion, elle s'autonomise montée de la figure de l'individu, être sentant, voulant et raisonnable Le progrès pour les lumières ce n'est pas retourner à un paradis perdu, c'est adapter le monde à ses attentes. Au XVIIIe siècle, la vie littéraire de se limite pas aux classiques. Le monde littéraire c'est surtout celui des « Rousseaux des ruisseaux » ainsi que la montré l'historien Robert Darnton. Les gens du peuple ne sont pas capables de lire les ouvrages des lumières et c'est à travers les écrits licencieux d'hommes de lettres prolétaroïdes (Favre d'Eglantine, l'Abbé Leucène, Brissot, Camille Desmoulins, Marat…) qu'ils vont découvrir la pensée des lumières. Toute l'élite de cette « bohème littéraire » va être associée à la direction de la révolution. 1.2  Le flambeau de la bourgeoisie : l'utilitarisme      L'utilitarisme français :      Les utilitaristes aspirent à la présence d'un despote éclairé, une alliance vertueuse entre la raison et l'autorité. Cette vision du monde va, en France, se caractériser par une subordination du politique à l'économique. L'utilitarisme français est avant tout économique.      La charte de l'utilitarisme est l'Encyclopédie. Cette entreprise exprime une volonté de mettre toutes les sciences à la portée de la main. L'encyclopédisme est attaché à une conviction, l'idée selon laquelle savoir et pouvoir vont de pair, l'idée que l'homme est destiné à devenir maître et possesseur de la nature, que son bonheur matériel et moral est à cette condition. L'encyclopédisme est également une attaque virulente contre les préjugés, c'est l'idée que l'empire de la raison ne saurait s'incliner devant aucun obstacle, que la raison s'oppose radicalement à la croyance et a fortiori à la foi.      L'idéal des encyclopédistes est une monarchie limitée sur le modèle anglais. Ce qui importe pour eux est que le bien-être figure comme objectif du pacte social. Le mouvement encyclopédiste est en fait celui d'un matérialisme conservateur. « La société n'est utile que parce qu'elle fournit à ses membres les moyens de travailler librement à leur bonheur » écrivait Helvétius. Le grand « frénétique de la cause » (Diderot) parmi les utilitaristes était La Mettrie. L'auteur de L'homme machine affirme que la vertu doit se réconcilier avec le bonheur par l'intervention d'un despote éclairé. Les qualités morales sont pour lui équivalentes à des substances chimiques qui dissolvent et/ou agrègent. Les Physiocrates :      Les physiocrates ont élaboré, en France, une doctrine systématique de l'absolutisme éclairé. Quesnay (médecin de Louis XV) professe l'entière soumission à l'autorité. Dans Droit Naturel, il présente le prince comme le co-propriétaire des terres du royaume, donc co-propriétaire du produit net de toutes les terres. Quesnay avance l'idée d'un impôt foncier moderne qui serait à l'origine de la richesse du pays.      Mercier de la Rivière ou Dupont de Nemours pensent que la société est réglée par des lois physiques analogues à celles qui régissent les sociétés de fourmis, d'abeilles ou de castors. Il existerait un ordre naturel d'où procèderait l'ordre de justice. Pour eux, la législation d'un pays doit se contenter de traduire les lois naturelles de l'espèce humaine. Le législateur n'invente pas les lois, il les explicite.      Le corps des magistrats se voit confier une tâche précise : pour Quesnay ils doivent assurer une surveillance pour éviter que le monarque ne se trompe ou ne s'illusionne. Idée d'un aréopage de savants qui exercent une tutelle sur la puissance exécutive. Ce corps disposerait d'un droit de remontrance. Quesnay leur recommande d'être prudents en ce qui concerne le droit de propriété, car c'est un levier du patriotisme. « Faites des propriétaires et vous fabriquerez de fidèles sujets » ( Quesnay).      Le modèle anglais :            Outre-manche, la doctrine utilitariste est principalement attachée à fonder la souveraineté populaire sur le principe de l'utilité générale. Pour Jeremy Bentham, fondateur du mouvement de Lancaster, les droits ne s'édictent pas, on les met à l'épreuve. C'est sur l'utilité qu'il faut fonder la législation. Il faut soumettre les lois positives à la raison utilitaire, il faut rechercher la meilleure combinatoire possible des plaisirs et des peines.      Avec David Hume, c'est un utilitarisme foncièrement politique qui va apparaître. L'origine des régimes ne doit pas selon lui être cherchée dans la libre volonté des hommes mais du côté de la conquête, de l'usurpation, de l'hérédité, parfois de l'élection. En fait suivant les circonstances du moment c'est la force ou la ruse qui préside à la création d'un régime politique. Pour Hume, le système politique est fondé sur un rapport de force qui ne se maintient que grâce à la soumission volontaire du peuple. Le mythe de la liberté est une illusion. La délégation une trahison. Hume ne nie pas que le consentement du peuple soit un principe supérieur aux autres, plus juste, mais il explique que c'est le moins pratiqué réellement. Les conditions de son exercice ne sont presque jamais réunies. 1.3 A l'aube du subjectivisme lockien : les fondements du pouvoir civil      L'état de nature :       L'essentiel de la théorie politique de Locke est développée dans son Deuxième essai sur le gouvernement civil. L'état de nature est pour lui un état de liberté et d'égalité régi « par un droit de nature qui s'impose à tous et rien qu'en se référant à la raison » (« nul ne doit léser autrui dans sa vie, s santé, sa liberté et ses biens »). Des promesses et engagements mutuels sont concevables dans cet état et le droit de propriété existe (divergence radicale avec Hobbes sur ce point). Au début, l'homme n'avait pas lieu de désirer posséder plus qu'il ne lui est nécessaire, mais avec l'invention de la monnaie (« petit morceau de métal jaune capable de son conserver sans usure ni détérioration ») les hommes vont agrandir leurs possessions, des inégalités vont se créer et des motifs de querelle jusqu'alors inconnus vont naître. La jouissance de l'homme « naturel » est « très dangereuse et incertaine ». Trois conditions font défaut à l'état de nature : une loi établie, connue, fixée et admise d'un accord général un juge compétent et impartial pour l'appliquer une force coercitive pour exécuter la sentence du juge  Le pacte social : L'homme cherche refuge en société, à l'abri des lois établies d'un pouvoir civil. « La seule façon pour quiconque de se dépouiller de sa liberté naturelle et d'assumer les obligations de la société civile est de passer une convention avec d'autres hommes ». La convergence des volonté donne naissance à la société civile (c'était la force chez Hobbes). L'individu renonce seulement à la partie de ses droits indispensable pour assurer sa sécurité (autre différence avec Hobbes). La société civile de Hobbes abolit les libertés naturelles de l'homme, celle de Locke est mise en place pour les défendre : « le pouvoir de la société ne s'étend pas au-delà du bien commun ». L'adhésion au pacte social est le plus souvent tacite (il est possible de rompre le contrat en émigrant dans un autre pays). La liberté comme règle de la société civile : Le point de départ de toute société civile est le consentement donné par un certain nombre d'hommes à la formation d'un seul corps politique. Encore faut-il que ce corps puisse agir en tant que tel, c'est-à-dire dans une seule direction. Ici intervient le principe majoritaire.      Les limites et les fins : le trust : Locke écarte tout pacte de soumission entre gouvernants et gouvernés et institue le lien non pas d'un contrat mais celui d'un trust : d'un « fiduciary trust ». Il fait du pouvoir un dépôt. Ainsi les actions du gouvernement trouvent comme limite la fin du gouvernement (i.e. le bien des gouvernés). L'infidélité des législateurs ou de l'exécutif à leur mission entraîne logiquement la dissolution du gouvernement issu du trust. Le peuple dispose d'un droit de résistance.      La séparation des pouvoirs : Locke voit deux pouvoirs principaux : législatif et exécutif. Ils doivent être séparés car on n'a pas besoin de légiférer en permanence. L'autre motif de leur séparation est la faiblesse humaine (toujours encline à abuser de la puissance). 1.4 Montesquieu ou le soleil noir de l'aristocratie L'objectif de l'Esprit des Lois : Embrasser toutes les institutions reçues parmi les hommes ; se pencher sur toutes les lois et coutumes diverses de tous les peuples de la terre , pour en rendre raison, pour en déceler l'esprit. Montesquieu ne voulait pas montrer le corps des lois mais leur « âme », il ne voulait pas faire un traité de jurisprudence : il voulait élaborer « une espèce de méthode » pour étudier la jurisprudence. Qu'est-ce que la loi ? Les lois sont « les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ». Montesquieu soutient (avec les Stoïciens) qu'il y a une raison primitive et que les lois sont les rapports qui se trouvent entre elle et les différents êtres. Ainsi (et ici Montesquieu contredit Hobbes) avant qu'il y eût des lois faites, il y avait une justice possible. La théorie des gouvernements : Montesquieu distingue trois sortes de gouvernement : le républicain, le monarchique et le despotique. républicain : « celui où le peuple, ou seulement une partie du peuple a la souveraine puissance » (cette catégorie comprend donc aristocratie et démocratie) monarchique : « celui où un seul gouverne, mais selon des lois fixes et établies » despotique : celui « sans loi et sans règle » dans où celui qui gouverne « entraîne tout par sa volonté et ses caprices » Le principe de chaque gouvernement dérive naturellement de cette nature ou structure particulière : le principe de la démocratie ou de l'Etat populaire est la vertu (chez chaque citoyen, un esprit de constant renoncement à soi-même au profit du bien public, par amour de la patrie et de ses lois, un esprit d'égalité excluant tout privilège). le principe du gouvernement aristocratique est la modération (là où les fortunes sont inégales il est rare qu'il y ait un esprit de vertu, c'est pourquoi il faut que les lois tendent à donner un esprit de modération) le principe du gouvernement monarchique c'est l'honneur (chacun pris en particulier, chaque catégorie sociale se préfère aux autres, réclame des privilèges, mais cette mêlée d'ambitions a des conséquences positives : chacun travaille au bien commun en croyant ne travailler que pour soi). le principe du gouvernement despotique c'est la crainte (le despote est tenu d'avoir toujours le bras levé pour frapper ou au moins pour menacer ; il ravale ses sujets au rang de bêtes obéissantes, dressées à filer doux par peur des coups). Montesquieu explique ensuite que la corruption des gouvernements commence presque toujours par celle de leurs principes : si ceux-ci sont sains, alors les mauvaises lois ont l'effet de bonnes, mais une fois qu'ils sont corrompus, les meilleures lois deviennent mauvaises : « le principe emporte tout ». Montesquieu établit un rapport entre la dimension territoriale d'un Etat et sa forme politique : selon lui, la propriété naturelle des petits Etats est d'être gouvernés en république, celle des « médiocres » d'être gouvernés en monarchie et celles des grands empire d'être dominés par un despote ; donc « pour conserver les principes du gouvernement établi il faut maintenir l'Etat dans la grandeur qu'il avait déjà ». Les causes physiques et les causes morales : Montesquieu pense que les lois doivent être relatives au physique du pays (son climat, son terrain, sa superficie) et à la morale des habitants (leur religion, leurs inclinations, leurs mœurs…). Il est important de noter que la « théorie des climats » n'est qu'une des composantes de l'analyse de Montesquieu. Le législateur modéré : Montesquieu prône la modération du législateur : « l'esprit de modération doit être celui du législateur ; le bien politique comme le bien moral se trouve toujours entre deux limites ». Le gouvernement modéré : Montesquieu s'inscrit dans la droite ligne du libéralisme noble dont la bête noire n'était pas l'absolutisme en soi, mais son mode d'exercice louis-quatorzien arbitraire et despotique. Monarchie et despotisme Pour Aristote, la tyrannie n'était qu'une variante de la monarchie. Pour Montesquieu c'est un type distinct de gouvernement, différent à la fois dans sa nature et dans son principe. Mais comment faire en sorte que la monarchie, gouvernement modéré, ne vire pas au despotisme ? Ce sont sa nature et son principe qui lui permettent de rester un gouvernement modéré. Cette nature postule des corps intermédiaires, « subordonnés et dépendants », « des canaux moyens par où coule la puissance ». Ces corps font office de contre-pouvoirs car il est de leur essence même de résister opiniâtrement aux incursions indues du souverain au nom de cet honneur de corps qui a ses règles fixes. Les autres contre-forces sont le clergé, les parlements (qui ont le dépôt des lois fondamentales), les villes (avec leurs privilèges) et les justices seigneuriales. Le système monarchique est présenté par Montesquieu comme un frein à tous les excès. Monarchie et corruption Pourtant la monarchie n'échappe pas plus que les autres gouvernements à la corruption et Montesquieu le reconnaît : « la monarchie se perd, lorsqu'un prince croit qu'il montre plus sa puissance en changeant l'ordre des choses qu'en le suivant, lorsqu'il ôte les fonctions naturelles des uns pour les donner à d'autres, et lorsqu'il est plus amoureux de ses fantaisies que de ses volontés ». Montesquieu explique également pourquoi les hommes ne se soulèvent pas contre le fléau qu'est le despotisme : un gouvernement modéré est « un chef d'œuvre de législation » dont la constitution est complexe et nécessite des compromis ; « un gouvernement despotique, au contraire […] est uniforme partout : comme il ne faut que des passions pour l'établir, tout le monde est bon pour cela ». La liberté politique : Montesquieu souligne d'abord qu'au fil de l'histoire « chacun a appelé liberté le gouvernement qui était conforme à ses coutumes ou à ses inclinations ». On a souvent vu la liberté en république où « les lois paraissent y parler plus et les exécuteurs de la loi moins », en démocratie où « le peuple paraît à peu près faire ce qu'il veut »… mais une telle approche, explique Montesquieu, reviendrait à confondre « le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple ». En effet, « la liberté ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être point contraint de faire ce qu'on ne doit pas vouloir ». La liberté c'est le pouvoir de faire tout ce que les lois permettent mais pas plus (sinon il n'y aurait plus de liberté pour tous les citoyens). Cette liberté politique « ne se trouve que dans les gouvernements modérés », « mais elle n'est pas toujours dans les Etats modérés ; elle n'y est que lorsqu'on n'abuse pas du pouvoir ; mais c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser (cf. Loi de Thucydide) […] la vertu même a besoin de limites. » L'existence de la liberté politique est donc subordonnée à une certaine disposition des choses (« pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir »). Montesquieu distingue trois sortes de pouvoirs présents dans chaque Etat : « la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil ». Et pour que la liberté politique soit garantie il faut que ses trois pouvoirs soient exercés par des personnes différentes : « Tout serait perdu si le même homme, ou le même groupe de principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs ». Pour commenter la répartition des pouvoirs, Montesquieu prend l'exemple de la constitution d'Angleterre. Le peuple en corps devrait légiférer (dans un Etat libre, tout homme qui est censé avoir une âme libre doit être gouverné par lui-même), mais c'est impossible dans les grands Etats et plein d'inconvénients dans les petits : on aura donc recours à des représentants. Les représentants du peuple partagent le législatif avec les représentants des nobles, lesquels sont représentés à part (dans une autre chambre) sinon ils n'auraient aucun intérêt à défendre car la plupart des décisions seraient prises contre eux. Chacune des parties de ce législatif enchaîne l'autre par une faculté réciproque d'empêcher. De même, ces deux chambres sont liées par l'exécutif (le monarque) comme il est lié par elles ; ainsi, « toutes les parties, si opposées qu'elles nous paraissent, concourent au bien général de la société ; comme des dissonances, dans la musique, concourent à l'accord total ». Cependant, comme l'a justement remarqué Jean-Jacques Chevallier, sans doute Montesquieu n'était-il pas un interprète entièrement fidèle du système anglais car « il semble bien que lui avait échappé le rôle, naissant mais capital, du Cabinet et de son leader le ministre principal ; c'est par lui et par son chef, lien personnel entre le roi et la majorité parlementaire, qu'étaient forcées d'aller de concert les parties mutuellement enchaînées à l'attelage gouvernemental ». Sans oser croire possible en France un aussi beau système qu'en Angleterre, Montesquieu a souhaité pour sa patrie un minimum de distribution des puissances : une noblesse héréditaire, un monarque par elle balancé et équilibré, à la fois soutenu et contenu par elle, une monarchie réglée par des lois fixes (donc indépendantes de la volonté éventuellement capricieuse du souverain), un gouvernement modéré (qui ne risquerait pas de verser dans une des deux extrémités tant redoutées par Montesquieu : l'Etat despotique et l'Etat populaire). Le système de séparation des pouvoirs prôné par Montesquieu tient plus des « checks and balances », de la fusion des pouvoirs que d'une séparation totale : pour preuve l'ébauche de constitution élaborée par Montesquieu dans laquelle le roi dispose d'un droit de veto en matière législative et le législatif dispose d'un droit d'ingérence en matière judiciaire. 1.5 Un « sujet révolté », Rousseau et les clair-obscur du contrat social : Le Contrat social ne se propose pas de rendre « les grands Etats à leur première simplicité, mais seulement d'arrêter, s'il était possible, le progrès de ceux dont la petitesse et la situation les ont préservés d'une marche aussi rapide vers la perfection de la société et vers la détérioration de l'espèce ». Liberté et aliénation dans le pacte social : La nature fait l'homme libre. « La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués ». Il est impossible de fonder sur la force la légitimité de l'obéissance ou le droit : en effet la force est une puissance physique, de surcroît instable, dont aucun effet moral ne peut être tiré.      a) « Pactum subjectionis » Pour qu'un schéma de domination soit légitime, il faut le faire reposer sur une convention. Mais quel type de convention ? En effet, Rousseau écarte le « pactum subjectionis », type de contrat selon lequel chacun aliène sa liberté pour la remettre entre les mains d'un souverain, en échange de la sécurité garantie par celui-ci. « On vit aussi tranquille dans les cachots ». Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme doué de raison, or un homme ne se donne pas gratuitement. Rousseau résume ce type de contrat de la façon suivante : « je fais avec toi une convention toute à ta charge et toute à mon profit, que j'observerai tant qu'il me plaira, et que tu observeras tant qu'il me plaira ».      b) « Pactum societatis »      Selon Rousseau, un jour les hommes prirent conscience des inconvénients de l'état de nature et formèrent la société civile. Mais ils refusèrent d'aliéner leur liberté. Le problème consista donc à « trouver une forme d'association qui défende et protège toute la force commune de la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle, chacun s'unissant à tous, n'obéisse pourtant à personne qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant. » Ce pactum societatis ne sera pas conclu entre les individus (ce qui est le cas chez Hobbes), mais entre eux et le corps politique (corps qui va naître en même temps que le pacte). Que faire si l'autorité politique ne respecte pas le contrat ? Peut-on s'en débarrasser ? L'admettre revient à favoriser l'insécurité (et donc à manquer l'objectif recherché). C'est pour cette raison que Rousseau rend l'autorité politique consubstantielle aux contractants en créant « un corps moral et collectif composé d'autant de membres que l'assemblée a de voix ». Il y a aliénation totale « de la liberté de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté ». Sans doute, chacun se trouve soumis à l'autorité du corps politique, c'est-à-dire du souverain, mais en lui obéissant comme sujet il n'obéit en fait qu'à lui-même puisque comme citoyen il en est l'un des membres. Les individus sont à la fois citoyens et sujets : citoyens quand ils votent la loi, sujets quand elle s'applique à eux. Cependant, chacun peut, à un moment ou un autre prétendre « jouir des droits du citoyen sans vouloir remplir les devoirs du sujet ; injustice dont le progrès causerait la ruine du corps politique. » De telle sorte que si l'on veut conserver son sens au pacte social, il est indispensable de contraindre les intérêts particuliers à se plier à la volonté générale, ce qui revient à forcer d'être libre ceux qui tentent de s'en affranchir. Les caractères de la souveraineté :      a) l'inaliénabilité Impossibilité pour la souveraineté de faire l'objet d'une délégation Abandonner sa volonté à un autre revient à perdre sa liberté et donc à nier l'objet du pacte social. Rousseau rejette le régime représentatif : « s'il n'est pas impossible qu'une volonté particulière s'accorde sur quelque point avec la volonté générale, il est impossible au moins que cet accord soit durable et constant ; car la volonté particulière tend par sa nature aux préférences et la volonté générale à l'égalité ».      b) l'indivisibilité La volonté du souverain est générale ou n'existe pas, elle ne peut pas être que la volonté d'une partie du peuple. La séparation des pouvoirs est une absurdité selon lui consistant à démembrer le corps social pour ensuite rassembler les pièces « on ne sait comment ». Pour Rousseau, il peut y avoir plusieurs émanations du pouvoir souverain unique, mais celles-ci en dépendent étroitement. Rousseau établira à ce sujet une dépendance étroite de l'exécutif à l'égard du législateur.      c) l'infaillibilité Le souverain n'est infaillible que dans la formulation de la volonté générale qui correspond au bien commun et non pas à l'amalgame des diverses volontés particulières. La volonté générale ne regarde qu'à l'intérêt commun, ce n'est pas l'amalgame des diverses volontés particulières. Mais, si la volonté générale est toujours « droite et tend toujours à l'utilité publique », le peuple peut être trompé. Rousseau est hostile aux partis, ces « brigues » susceptibles d'entraver par l'expression de leurs volontés propres la recherche de la volonté générale. Une fois débarrassés des partis, la volonté générale se formera à partir des consciences individuelles, naturellement tendues vers la recherche du bien commun. Il y aura sans doute des divergences individuelles, mais la somme de ces différences sera nulle et la loi traduira la volonté générale. Les Lois : C'est grâce à la loi que les hommes échappent à l'arbitraire et qu'ils ne sont soumis à aucun maître puisqu'en s'y conformant ils n'obéissent qu'à eux-mêmes. Mais Rousseau n'envisage pas une législation en perpétuelle mutation, au contraire, Rousseau estime que l'initiative de la loi accordée à chaque citoyen a causé la perte d'Athènes et que c'est la « grande antiquité des lois qui les rend saintes et vénérables». Pour être bien gouverné, l'Etat n'a besoin selon lui que d'un système législatif rudimentaire. Rousseau estime aussi que « le public veut le bien et il ne le voit pas ». C'est pourquoi Rousseau place le législateur comme point de départ de la société : il invente les lois (il est d'une intelligence supérieure et n'écoute pas ses passions) mais à la différence du philosophe-roi platonicien, il n'est chargé que « de monter la machine et de la faire fonctionner ». Le Législateur, si génial soit-il n'est qu'un homme, il « n'a donc ou ne doit avoir aucun droit législatif ». Il commande aux lois, non aux hommes et ne peut substituer sa volonté à la volonté générale. Chapitre 2 : Interpréter la révolution française 2.1 La doctrine dans l'action Dans Qu'est-ce que le tiers état, Sieyès écrit que « la nation existe avant tout (…) elle est la loi même, avant elle et au-dessus d'elle il n'y a que le droit naturel ». La pensée de Sieyès est emprunte de volontarisme politique (ce qu'on veut on le peut). Les hommes du temps présent ne sont pas prisonniers des coutumes, ils doivent s'en émanciper. Les révolutionnaires vont bâtir un nouveau rapport à l'espace et au temps. Sieyès soutient la doctrine utilitariste. Idée que certaines classes sont inutiles (« parasites ») : pour lui le tiers-état doit se substituer à la classe dirigeante, la dépouiller, car il est en mesure d'assurer le progrès économique et de constituer un ressort pour la prospérité de tous. Sieyès croit en la force du nombre. Pour lui la nation est un assemblage d'individus équivalents et en politique c'est le nombre qui a raison. Sieyès théoricien de l'action révolutionnaire, présidera à sa naissance puis à son décès (transmission des pouvoirs à Bonaparte). Avec l'épisode de la révolution, les idées politiques changent de statut. D'où, au XIXe siècle, l'inquiétude qui se développe pour censurer les idées. Elles deviennent un véritable objet de crainte. Ex : le jacobinisme. Au départ, le club des jacobins (« société des amis de la constitution ») réunissait des députés et journalistes bretons issus du tiers-état et de la noblesse pour discuter des positions qu'ils prendraient à l'assemblée (c'est ce que Jules Michelet appelle « le jacobinisme primitif »). Bientôt le club va ouvrir des filiales en provinces (plus de 150), créer son propre journal (« le journal des amis de la constitution ») et le club comptera 200.000 militants fin 1792. Après son démantèlement en 1796 (chute de Robespierre) le jacobinisme devient un mythe. Babeuf l'utilise pour mobiliser autour de lui les nostalgiques de l'an 2, De Maistre le décrit comme un châtiment envoyé par dieu pour punire la France (dans ses Considérations sur la France)… et petit à petit le terme va être utilisé pour décrire des positions très diverses. 2.2 Le temps de la réflexion : Edmund Burke, dans ses Réflexions sur la révolution de France (1790) va critiquer la révolution française. Figure de type libéral et progressiste, il a été profondément heurté par la révolution en France. Pour lui, le problème de cette révolution est qu'elle a suspendu son action à des théories abstraites alors que seuls temps et pragmatisme peuvent organiser la vie en société. Burke va formuler des propositions qui deviendront le socle du conservatisme moderne : il refuse l'abstraction et le volontarisme (l'idée de raison ne peut pas fonder des droits naturels, la politique n'est pas affaire de volonté elle est affaire de sagesse, d'expérience - il faut se baser sur les préjugés, plus un préjugé est durable, plus il est l'expression e la sagesse humaine). Burke voudrait rendre pensable une réforme progressive où le changement serait mesuré et maîtrisé. L'erreur française est d'avoir détruit la monarchie plutôt que de l'avoir aménagée. La politique est autant affaire de transmission que de changement. Burke critique aussi les droit de l'homme : d'où viennent-ils ? Pour lui la société aristocratique c'est le pouvoir des meilleurs, la société égalitaire est une société jalouse et vulgaire. Thématique de l'ordre politique avec référence à une norme transcendante. Anticonstructivisme est le terme qui cristallise le mieux l'œuvre de Burke. Histoire des Idées : les grands auteurs Thomas Hobbes (1588-1679) Informations biographiques : C'est sous Cromwell que Hobbes publiera son ouvrage le plus célèbre « Le Léviathan ». Thomas connut la peur toute sa vie : « la crainte et moi sommes frères jumeaux ». Ceci fait notamment référence à sa naissance avant terme suite à choc psychologique de sa mère, soi-disant quand celle-ci aurait appris l'arrivée de l'invincible armada sur les côtes d'Angleterre (des historiens ont prouvé que cette explication était chronologiquement erronnée). Hobbes était obsédé par la peur de la mort violente. C'est pour cette raison qu'il voulait donner la paix aux hommes. Il était désireux de défendre l'individu qui lui paraissait être le fondement de la société, et pour ce faire il voulait que le pouvoir soit confié à un souverain tout puissant : le Léviathan. L'individu comme fondement de la société : L'individu constitue la réalité fondamentale. L'homme raisonne dans son cadre individuel, il cherche sa fin en lui-même et s'oriente par sa propre volonté. Pour Hobbes, la société n'est pas une donnée de la nature (l'homme n'est pas un zoon politikon, comme le définissait Aristote). Si l'homme vit en société c'est pour trouver la satisfaction de ses intérêts. Pour Hobbes la nature humaine est égoïste. Il défend un individualisme pessimiste et fermé. La société va naître de la cruauté de chaque homme envers les autres. Dans l'état de nature, les hommes sont en guerre permanente les uns contre les autres et chacun doit constamment défendre sa vie à peine de mourir ou d'être soumis. Dans l'état de nature, l'homme est un loup pour l'homme (« Homo homine lupus »). Hobbes ne croît pas à l'existence d'un droit naturel. La formation de l'Etat : Dans l'état de nature, l'homme a un droit absolu sur lui-même comme sur les choses. Comme chacun est égal aux autres, des contestations et des guerres résultent de cette situation. La loi naturelle découverte par les hommes entraîne un changement : l'homme fait une proposition aux autres hommes « ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fît ». L'homme devient un animal social par égoïsme, par désir de se défendre au terme d'un calcul. La société n'est pas naturelle. L'Etat ainsi créé est créé pour obtenir la paix. L'homme abandonne les droits et libertés qu'il avait dans la nature mais qu'il lui fallait défendre sans cesse, pour jouir tranquillement de sa vie et des droits qu'on lui donne. Chaque partie respecte le contrat social parce que c'est la condition de son propre bonheur. Pour que l'ordre soit assuré il faut que tous les hommes renoncent irrévocablement aux droits qu'ils avaient dans la nature et qu'ils les confient à l'Etat. Tous les hommes sont liés entre eux mais aussi avec l'Etat et cette situation commande la nature de l'Etat. La nature de l'Etat : Hobbes donne le nom de Léviathan au nouvel être né du contrat passé entre les hommes. C'est un corps constitué de tous les hommes et qui détient à la fois les autorités spirituelle et temporelle. L'Etat possède la souveraineté absolue (imperium absolutum). Il ne doit être soumis à aucune loi extérieure ni à aucune obligation intérieure, qu'elle soit temporelle ou religieuse. Le droit n'est pas une limitation pour l'Etat. Le droit n'a pas d'autre source que l'Etat. Hobbes écarte toute référence à la morale ou au droit naturel, la seule chose qui compte est la volonté du souverain. La propriété n'est pas non plus antérieure à l'Etat. C'est le souverain qui confère la propriété. C'est lui qui est le véritable propriétaire de l'ensemble des biens et qui en concède l'usage aux hommes pour un temps et un but déterminés. Cette possession incomplète est préférable à celle qui était dans l'état de nature mais qui n'était qu'une illusion : le droit d'usage consenti par le souverain est protégé. Il appartient au souverain de dire quelle religion est convenable pour les hommes. Le Léviathan est une autorité à la fois civile et religieuse. Cette religion que dicte le souverain ne « vise pas à une vérité incontestable mais à la paix ». La constitution en société civile a enlevé aux hommes le droit d'interpréter eux-mêmes les Ecritures (comme c'était le cas dans la religion réformée), c'est au souverain qu'il revient de dire l'interprétation orthodoxe. En matière religieuse, Hobbes fait une distinction entre la réelle croyance intérieure qui intéresse seulement Dieu et les manifestations extérieures du culte qui relèvent de la société et donc du souverain. Le souverain doit également trancher en matière artistique et scientifique. Conclusion : Hobbes est le fondateur de l'Etat totalitaire : tout appartient au souverain et aucune limite n'affecte son pouvoir. Il n'a comme obligation que d'assurer la paix sociale et sa domination est juste puisqu'elle a été acceptée par les hommes lorsqu'ils ont renoncé à leurs droits naturels entre ses mains. Montesquieu 1689 - 1755 L'objectif de l'Esprit des Lois : Embrasser toutes les institutions reçues parmi les hommes ; se pencher sur toutes les lois et coutumes diverses de tous les peuples de la terre , pour en rendre raison, pour en déceler l'esprit. Montesquieu ne voulait pas montrer le corps des lois mais leur « âme », il ne voulait pas faire un traité de jurisprudence : il voulait élaborer « une espèce de méthode » pour étudier la jurisprudence. Qu'est-ce que la loi ? Les lois sont « les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ». Montesquieu soutient (avec les Stoïciens) qu'il y a une raison primitive et que les lois sont les rapports qui se trouvent entre elle et les différents êtres. Ainsi (et ici Montesquieu contredit Hobbes) avant qu'il y eût des lois faites, il y avait une justice possible. La théorie des gouvernements Montesquieu distingue trois sortes de gouvernement : le républicain, le monarchique et le despotique. républicain : « celui où le peuple, ou seulement une partie du peuple a la souveraine puissance » (cette catégorie comprend donc aristocratie et démocratie) monarchique : « celui où un seul gouverne, mais selon des lois fixes et établies » despotique : celui « sans loi et sans règle » dans où celui qui gouverne « entraîne tout par sa volonté et ses caprices » Le principe de chaque gouvernement dérive naturellement de cette nature ou structure particulière : le principe de la démocratie ou de l'Etat populaire est la vertu (chez chaque citoyen, un esprit de constant renoncement à soi-même au profit du bien public, par amour de la patrie et de ses lois, un esprit d'égalité excluant tout privilège). le principe du gouvernement aristocratique est la modération (là où les fortunes sont inégales il est rare qu'il y ait un esprit de vertu, c'est pourquoi il faut que les lois tendent à donner un esprit de modération) le principe du gouvernement monarchique c'est l'honneur (chacun pris en particulier, chaque catégorie sociale se préfère aux autres, réclame des privilèges, mais cette mêlée d'ambitions a des conséquences positives : chacun travaille au bien commun en croyant ne travailler que pour soi). le principe du gouvernement despotique c'est la crainte (le despote est tenu d'avoir toujours le bras levé pour frapper ou au moins pour menacer ; il ravale ses sujets au rang de bêtes obéissantes, dressées à filer doux par peur des coups). Montesquieu explique ensuite que la corruption des gouvernements commence presque toujours par celle de leurs principes : si ceux-ci sont sains, alors les mauvaises lois ont l'effet de bonnes, mais une fois qu'ils sont corrompus, les meilleures lois deviennent mauvaises : « le principe emporte tout ». Montesquieu établit un rapport entre la dimension territoriale d'un Etat et sa forme politique : selon lui, la propriété naturelle des petits Etats est d'être gouvernés en république, celle des « médiocres » d'être gouvernés en monarchie et celles des grands empire d'être dominés par un despote ; donc « pour conserver les principes du gouvernement établi il faut maintenir l'Etat dans la grandeur qu'il avait déjà ». Les causes physiques et les causes morales Montesquieu pense que les lois doivent être relatives au physique du pays (son climat, son terrain, sa superficie) et à la morale des habitants (leur religion, leurs inclinations, leurs mœurs…). Il est important de noter que la « théorie des climats » n'est qu'une des composantes de l'analyse de Montesquieu. Le législateur modéré Montesquieu prône la modération du législateur : « l'esprit de modération doit être celui du législateur ; le bien politique comme le bien moral se trouve toujours entre deux limites ». Le gouvernement modéré Montesquieu s'inscrit dans la droite ligne du libéralisme noble dont la bête noire n'était pas l'absolutisme en soi, mais son mode d'exercice louis-quatorzien arbitraire et despotique. Monarchie et despotisme Pour Aristote, la tyrannie n'était qu'une variante de la monarchie. Pour Montesquieu c'est un type distinct de gouvernement, différent à la fois dans sa nature et dans son principe. Mais comment faire en sorte que la monarchie, gouvernement modéré, ne vire pas au despotisme ? Ce sont sa nature et son principe qui lui permettent de rester un gouvernement modéré. Cette nature postule des corps intermédiaires, « subordonnés et dépendants », « des canaux moyens par où coule la puissance ». Ces corps font office de contre-pouvoirs car il est de leur essence même de résister opiniâtrement aux incursions indues du souverain au nom de cet honneur de corps qui a ses règles fixes. Les autres contre-forces sont le clergé, les parlements (qui ont le dépôt des lois fondamentales), les villes (avec leurs privilèges) et les justices seigneuriales. Le système monarchique est présenté par Montesquieu comme un frein à tous les excès. Monarchie et corruption Pourtant la monarchie n'échappe pas plus que les autres gouvernements à la corruption et Montesquieu le reconnaît : « la monarchie se perd, lorsqu'un prince croit qu'il montre plus sa puissance en changeant l'ordre des choses qu'en le suivant, lorsqu'il ôte les fonctions naturelles des uns pour les donner à d'autres, et lorsqu'il est plus amoureux de ses fantaisies que de ses volontés ». Montesquieu explique également pourquoi les hommes ne se soulèvent pas contre le fléau qu'est le despotisme : un gouvernement modéré est « un chef d'œuvre de législation » dont la constitution est complexe et nécessite des compromis ; « un gouvernement despotique, au contraire […] est uniforme partout : comme il ne faut que des passions pour l'établir, tout le monde est bon pour cela ». La liberté politique Montesquieu souligne d'abord qu'au fil de l'histoire « chacun a appelé liberté le gouvernement qui était conforme à ses coutumes ou à ses inclinations ». On a souvent vu la liberté en république où « les lois paraissent y parler plus et les exécuteurs de la loi moins », en démocratie où « le peuple paraît à peu près faire ce qu'il veut »… mais une telle approche, explique Montesquieu, reviendrait à confondre « le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple ». En effet, « la liberté ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être point contraint de faire ce qu'on ne doit pas vouloir ». La liberté c'est le pouvoir de faire tout ce que les lois permettent mais pas plus (sinon il n'y aurait plus de liberté pour tous les citoyens). Cette liberté politique « ne se trouve que dans les gouvernements modérés », « mais elle n'est pas toujours dans les Etats modérés ; elle n'y est que lorsqu'on n'abuse pas du pouvoir ; mais c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser (cf. Loi de Thucydide) […] la vertu même a besoin de limites. » L'existence de la liberté politique est donc subordonnée à une certaine disposition des choses (« pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir »). Montesquieu distingue trois sortes de pouvoirs présents dans chaque Etat : « la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil ». Et pour que la liberté politique soit garantie il faut que ses trois pouvoirs soient exercés par des personnes différentes : « Tout serait perdu si le même homme, ou le même groupe de principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs ». Pour commenter la répartition des pouvoirs, Montesquieu prend l'exemple de la constitution d'Angleterre. Le peuple en corps devrait légiférer (dans un Etat libre, tout homme qui est censé avoir une âme libre doit être gouverné par lui-même), mais c'est impossible dans les grands Etats et plein d'inconvénients dans les petits : on aura donc recours à des représentants. Les représentants du peuple partagent le législatif avec les représentants des nobles, lesquels sont représentés à part (dans une autre chambre) sinon ils n'auraient aucun intérêt à défendre car la plupart des décisions seraient prises contre eux. Chacune des parties de ce législatif enchaîne l'autre par une faculté réciproque d'empêcher. De même, ces deux chambres sont liées par l'exécutif (le monarque) comme il est lié par elles ; ainsi, « toutes les parties, si opposées qu'elles nous paraissent, concourent au bien général de la société ; comme des dissonances, dans la musique, concourent à l'accord total ». Cependant, comme l'a justement remarqué Jean-Jacques Chevallier, sans doute Montesquieu n'était-il pas un interprète entièrement fidèle du système anglais car « il semble bien que lui avait échappé le rôle, naissant mais capital, du Cabinet et de son leader le ministre principal ; c'est par lui et par son chef, lien personnel entre le roi et la majorité parlementaire, qu'étaient forcées d'aller de concert les parties mutuellement enchaînées à l'attelage gouvernemental ». Conclusion Sans oser croire possible en France un aussi beau système qu'en Angleterre, Montesquieu a souhaité pour sa patrie un minimum de distribution des puissances : une noblesse héréditaire, un monarque par elle balancé et équilibré, à la fois soutenu et contenu par elle, une monarchie réglée par des lois fixes (donc indépendantes de la volonté éventuellement capricieuse du souverain), un gouvernement modéré (qui ne risquerait pas de verser dans une des deux extrémités tant redoutées par Montesquieu : l'Etat despotique et l'Etat populaire). N.B. : le système de séparation des pouvoirs prôné par Montesquieu tient plus des « checks and balances », de la fusion des pouvoirs que d'une séparation totale : pour preuve l'ébauche de constitution élaborée par Montesquieu dans laquelle le roi dispose d'un droit de veto en matière législative et le législatif dispose d'un droit d'ingérence en matière judiciaire. Voltaire On cherchera en vain chez Voltaire une théorie politique achevée. : « Demandez la solution aux riches, ils aiment tous mieux l'aristocratie, interrogez le peuple, il veut la démocratie ». Voltaire ne s'est exprimé à ce sujet qu'indirectement ou partiellement, à travers ses romans et sa correspondance. Sur la démocratie Dans l'article « démocratie » du Dictionnaire Philosophique, Voltaire semble bien disposé à l'égard de cette forme de régime, cependant il est loin de le considérer comme un idéal. Pour lui la démocratie ne convient qu'à un petit pays, à condition qu'il soit de surcroît bien situé. Sur l'aristocratie Pour ce qui est de l'aristocratie, elle présente le risque de multiplier les tyrans : « un despote a toujours quelques bons moments, une assemblée de despotes n'en a jamais ». Sur la monarchie Il admire le régime politique anglais dans lequel les droits du roi, des nobles et du peuple sont clairement établis. Mais il y a d'autres raisons pour lesquelles Voltaire aime la monarchie : - Selon Voltaire, seul un gouvernement monarchique convient aux grands espaces (idée courante au XVIIIe siècle). - le gouvernement monarchique peut être considéré comme un moteur du progrès matériel : la supériorité d'une nation tient non seulement à ses armes mais aussi à sa richesse (progrès économique lié au perfectionnement de l'Etat comme instrument d'action : interventionnisme économique de l'Etat) - la monarchie apporte la paix religieuse (dans La Henriade, Voltaire loue Henri IV d'avoir fait « fleurir le royaume » en mettant fin aux guerres de la ligue) Sur le despotisme éclairé A l'époque, les grandes capitales d'Europe (Berlin, Lisbonne, Saint Petersbourg) font l'expérience du despotisme éclairé. Dans toutes ces villes, le roi ou ministre s'efforcent de moderniser l'appareil de l'Etat. Le despotisme éclairé a le mérite de réduire l'influence de l'église dans l'état aux yeux de Voltaire. En effet, si l'on met à part les affaires de foi et de discipline ecclésiastique, il n'y a rien en ce qui concerne l'église, qui ne tombe sous la coupe de l'autorité temporelle. Le prêtre devient une sorte de « fonctionnaire chargé de la morale publique » : il s'agit donc pour l'Etat de mettre l'église en tutelle comme Hobbes l'avait préconisé. Voltaire admirait Pierre le Grand (Russie), et, tout en admettant ses faiblesses, le louait. Il a aussi été l'ami de Frédéric II (Prusse), bien que cette amitié ait été fort tourmentée. Ce dont Voltaire était partisan Il encouragea l'expérience de Turgot consistant en la modernisation de l'activité économique au moyen du libéralisme. Il était partisan d'un système politique permettant de favoriser le progrès de l'économie et de débarrasser le pays de toutes ses formes d'obscurantisme religieux. « Une patrie est composée de plusieurs familles ; et comme on soutient communément sa famille par amour-propre, lorsqu'on n'a pas intérêt contraire, on soutient par le même amour-propre sa ville ou son village, qu'on appelle sa patrie […] celui qui brûle de la passion d'être édile, tribun, consul, dictateur, il n'aime que lui-même […] Chacun veut être sûr de sa fortune et de sa vie. Tous formant ainsi les mêmes souhaits, il se trouve que l'intérêt particulier devient l'intérêt général. » Sur l'Esprit des lois de Montesquieu « je cherchais un guide dans un chemin difficile ; j'ai trouvé un compagnon de voyage qui n'était guère mieux instruit que moi ; j'ai trouvé l'esprit de l'auteur, qui en a beaucoup, et rarement l'esprit des lois ; il sautille plus qu'il ne marche, il brille plus qu'il n'éclaire ». Malgré cette critique Voltaire apprécie la sincérité et le contenu parfois admirable (notamment sur l'exaltation de la liberté). Voltaire reproche à Montesquieu d'avoir une vision faussée de la tyrannie, car la tyrannie pure, sans lois, n'existe pas : les turcs obéissent aux lois du Coran et la Chine possède un système judiciaire très complexe (pour Voltaire le pape est plus despotique que l'empereur de Chine car il se déclare infaillible). Jean-Jacques Rousseau Le Contrat Social Le Contrat social ne se propose pas de rendre « les grands Etats à leur première simplicité, mais seulement d'arrêter, s'il était possible, le progrès de ceux dont la petitesse et la situation les ont préservés d'une marche aussi rapide vers la perfection de la société et vers la détérioration de l'espèce ». 1) Liberté et aliénation dans le pacte social La nature fait l'homme libre. « La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués ». Il est impossible de fonder sur la force la légitimité de l'obéissance ou le droit : en effet la force est une puissance physique, de surcroît instable, dont aucun effet moral ne peut être tiré.      a) « Pactum subjectionis » Pour qu'un schéma de domination soit légitime, il faut le faire reposer sur une convention. Mais quel type de convention ? En effet, Rousseau écarte le « pactum subjectionis », type de contrat selon lequel chacun aliène sa liberté pour la remettre entre les mains d'un souverain, en échange de la sécurité garantie par celui-ci. « On vit aussi tranquille dans les cachots ». Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme doué de raison, or un homme ne se donne pas gratuitement. Rousseau résume ce type de contrat de la façon suivante : « je fais avec toi une convention toute à ta charge et toute à mon profit, que j'observerai tant qu'il me plaira, et que tu observeras tant qu'il me plaira ».      b) « Pactum societatis »      Selon Rousseau, un jour les hommes prirent conscience des inconvénients de l'état de nature et formèrent la société civile. Mais ils refusèrent d'aliéner leur liberté. Le problème consista donc à « trouver une forme d'association qui défende et protège toute la force commune de la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle, chacun s'unissant à tous, n'obéisse pourtant à personne qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant. » Ce pactum societatis ne sera pas conclu entre les individus (ce qui est le cas chez Hobbes), mais entre eux et le corps politique (corps qui va naître en même temps que le pacte). Que faire si l'autorité politique ne respecte pas le contrat ? Peut-on s'en débarrasser ? L'admettre revient à favoriser l'insécurité (et donc à manquer l'objectif recherché). C'est pour cette raison que Rousseau rend l'autorité politique consubstantielle aux contractants en créant « un corps moral et collectif composé d'autant de membres que l'assemblée a de voix ». Il y a aliénation totale « de la liberté de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté ». Sans doute, chacun se trouve soumis à l'autorité du corps politique, c'est-à-dire du souverain, mais en lui obéissant comme sujet il n'obéit en fait qu'à lui-même puisque comme citoyen il en est l'un des membres. Les individus sont à la fois citoyens et sujets : citoyens quand ils votent la loi, sujets quand elle s'applique à eux. Cependant, chacun peut, à un moment ou un autre prétendre « jouir des droits du citoyen sans vouloir remplir les devoirs du sujet ; injustice dont le progrès causerait la ruine du corps politique. » De telle sorte que si l'on veut conserver son sens au pacte social, il est indispensable de contraindre les intérêts particuliers à se plier à la volonté générale, ce qui revient à forcer d'être libre ceux qui tentent de s'en affranchir. 2) Les caractères de la souveraineté      a) l'inaliénabilité Impossibilité pour la souveraineté de faire l'objet d'une délégation Abandonner sa volonté à un autre revient à perdre sa liberté et donc à nier l'objet du pacte social. Rousseau rejette le régime représentatif : « s'il n'est pas impossible qu'une volonté particulière s'accorde sur quelque point avec la volonté générale, il est impossible au moins que cet accord soit durable et constant ; car la volonté particulière tend par sa nature aux préférences et la volonté générale à l'égalité ».      b) l'indivisibilité La volonté du souverain est générale ou n'existe pas, elle ne peut pas être que la volonté d'une partie du peuple. La séparation des pouvoirs est une absurdité selon lui consistant à démembrer le corps social pour ensuite rassembler les pièces « on ne sait comment ». Pour Rousseau, il peut y avoir plusieurs émanations du pouvoir souverain unique, mais celles-ci en dépendent étroitement. Rousseau établira à ce sujet une dépendance étroite de l'exécutif à l'égard du législateur.      c) l'infaillibilité Le souverain n'est infaillible que dans la formulation de la volonté générale qui correspond au bien commun et non pas à l'amalgame des diverses volontés particulières. La volonté générale ne regarde qu'à l'intérêt commun, ce n'est pas l'amalgame des diverses volontés particulières. Mais, si la volonté générale est toujours « droite et tend toujours à l'utilité publique », le peuple peut être trompé. Rousseau est hostile aux partis, ces « brigues » susceptibles d'entraver par l'expression de leurs volontés propres la recherche de la volonté générale. Une fois débarrassés des partis, la volonté générale se formera à partir des consciences individuelles, naturellement tendues vers la recherche du bien commun. Il y aura sans doute des divergences individuelles, mais la somme de ces différences sera nulle et la loi traduira la volonté générale. 3) Les Lois C'est grâce à la loi que les hommes échappent à l'arbitraire et qu'ils ne sont soumis à aucun maître puisqu'en s'y conformant ils n'obéissent qu'à eux-mêmes. Mais Rousseau n'envisage pas une législation en perpétuelle mutation, au contraire, Rousseau estime que l'initiative de la loi accordée à chaque citoyen a causé la perte d'Athènes et que c'est la « grande antiquité des lois qui les rend saintes et vénérables». Pour être bien gouverné, l'Etat n'a besoin selon lui que d'un système législatif rudimentaire. Rousseau estime aussi que « le public veut le bien et il ne le voit pas ». C'est pourquoi Rousseau place le législateur comme point de départ de la société : il invente les lois (il est d'une intelligence supérieure et n'écoute pas ses passions) mais à la différence du philosophe-roi platonicien, il n'est chargé que « de monter la machine et de la faire fonctionner ». Le Législateur, si génial soit-il n'est qu'un homme, il « n'a donc ou ne doit avoir aucun droit législatif ». Il commande aux lois, non aux hommes et ne peut substituer sa volonté à la volonté générale. Denis Diderot (1713-1784) Célèbre pour l'Encyclopédie qu'il a mise au point avec d'Alembert.  Cette encyclopédie se voulait un « dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers ». Rousseau et Voltaire notamment y ont participé. La pensée politique de Diderot : Dans son article sur l'autorité, il écrit qu'« aucun homme n'a reçu de la nature le droit de commander aux autres ». A l'exception de l'autorité paternelle (qui trouve son origine dans la nature selon lui et qui est limitée dans le temps - elle cesse une fois que les enfants sont capables de se prendre en main), les autres formes d'autorité résultent soit de la force soit du consentement. « La vraie et légitime puissance » ne saurait être sans limites (Diderot condamne la philosophie hobbienne). Il affirme que le prince tenant son autorité de ses sujets ne peut remettre en question le contrat d'où elle provient. L'Etat n'est pas fait pour les Princes, mais les Princes pour l'Etat. Le Prince ne peut pas disposer de son pouvoir et de ses sujets sans le consentement de la nation et indépendamment du choix marqué dans le contrat de soumission. « En un mot, la Couronne, le gouvernement et l'autorité publique sont des biens dont les corps de la nation sont propriétaires et dont les princes sont les usufruitiers, les ministres et les dépositaires. Quoique les chefs de l'Etat, ils n'en sont pas moins membres, à la vérité les premiers, les plus vénérables et les plus puissants, pouvant tout pour gouverner, mais ne pouvant rien légitimement pour changer le gouvernement établi, ni pour mettre un autre chef à leur place.» Diderot fait l'éloge de la monarchie henricienne, cite abondamment le discours prononcé par Henri IV lors de l'assemblée des notables en 1596 où le roi fait figure de père attentif aux doléances de ses enfants. Il reconnaît aux princes le droit de faire parfois preuve d'autorité à condition qu'ils ne perdent pas de vue le caractère synallagmatique du contrat social : ils doivent veiller à ce que la nature du gouvernement reste conforme à ce qui a été convenu dans le contrat. La vision du rapport de force politique de Diderot est assez proche de celle des réformés : « si jamais il leur (les sujets) arrivait d'avoir un roi injuste, ambitieux et violent », il conviendrait de n'opposer au malheur d'une telle situation que la soumission et les prières, parce qu'il s'agit du seul remède conforme au contrat de soumission juré au prince. Cependant, il est possible que cette plate apologie de la monarchie lui ait été dictée par la prudence (en effet il avait déjà été incarcéré au donjon de Vincennes). Diderot était fasciné par Catherine II, tzarine de Russie, animée d'un vif intérêt pour la philosophie (« Comme elle a bien coupé les lacets de mon âme ! »). En 1774 il gagna la Russie avec enthousiasme, enthousiasme qui se dissipa assez rapidement au vu de la politique de l'impératrice : il espérait qu'elle donne à son pays des institutions libres et elle se contentera de masquer son despotisme éclairé derrière un changement institutionnel uniquement terminologique. Les peuples placés sous son autorité qui étaient appelés « esclaves », deviennent ses « sujets », mais rien dans le condition ne change. Une commission composée de représentants des notables propriétaires est créée mais elle n'a pas son mot à dire sur la guerre, la politique et les finances. Et l'impératrice de se justifier devant Diderot : « Vous, vous ne travaillez que sur le papier qui souffre tout,… tandis que moi, pauvre impératrice, je travaille sur la peau humaine qui est bien autrement irritable et chatouilleuse ». Le véritable intérêt politique de Diderot tient à une vision corrosive de la société : dénonciation de la toute-puissance de l'argent, athéisme, rejet des pratiques de la religion sous leur forme conventuelle, en faveur de l'enseignement élémentaire gratuit pour tous.

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