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Intégrale sur un segment d’une fonction continue par morceaux
Toutes les fonctions considérées sont à valeurs réelles.
a et b désignent deux réels, avec
Intégrale des fonctions en escalier
Subdivisions
On appelle subdivision de toute suite finie telle que .
Si et sont deux subdivisions de , on dit que est plus fine que lorsque
Si et sont deux subdivisions quelconques de , il est clair qu’on peut toujours fabriquer une subdivision plus fine que et que en réordonnant les points de l’ensemble .
Fonctions en escalier
On dit qu’une fonction f définie sur est en escalier sur s’il existe une subdivision de telle que f soit constante sur chaque intervalle ouvert , i allant de 1 à n.
La subdivision est alors dite subordonnée à la fonction en escalier f.
On voit que si f est une fonction en escalier, et si est une subdivision subordonnée à f, alors toute subdivision plus fine que est subordonnée à la fonction f.
Comme une fonction en escalier sur ne prend qu’un nombre fini de valeurs, elle y est bornée.
Etant données deux fonctions f et g en escalier sur , de subdivisions subordonnées respectives et , toute subdivision plus fine que et est subordonnée à la fois à f et à g. Il est alors clair que toute combinaison linéaire de f et g, ainsi que le produit , sont en escalier sur , de subdivision subordonnée .
De là, il résulte que l’ensemble des fonctions en escalier sur (qui contient les fonctions constantes sur , donc en particulier la constante 1) est une sous algèbre de la R-algèbre des fonctions définies sur (et à valeurs dans R).
Intégrale des fonctions en escalier
Soit f en escalier sur , et soit une subdivision subordonnée à f. Notons, pour tout i de , la valeur constante prise par f sur l’intervalle ouvert . Alors la valeur prise par le nombre ne dépend pas du choix de la subdivision subordonnée à f.
Idée de démonstration :
On peut d’abord montrer aisément que si se déduit de en ajoutant un point, alors .
De là, on montre par récurrence sur le nombre de points ajoutés que si est plus fine que , alors .
Enfin, dans le cas général, on introduit une subdivision plus fine que et , et on a alors .
On peut donc définir l’intégrale de f sur comme étant la valeur de , indépendante du choix de la subdivision subordonnée à f. Cette intégrale est notée . Ainsi, avec les notations précédentes : .
Cette définition correspond à une vision « géométrique » de l’intégrale : somme des aires algébriques des rectangles délimités par la courbe de f et l’axe Ox.
On peut remarquer au passage que l’intégrale d’une fonction constante sur est où k est la valeur de cette constante.
Propriétés :
On montre aisément que cette intégrale des fonctions en escaliers a les propriétés suivantes : (f et g désignent deux fonctions en escalier sur , et et deux réels)
Positivité : si sur , alors
Linéarité :
Additivité : Si , alors (on vérifie aisément que f est bien en escalier sur et ).
Si sur , alors (propriété de croissance déduite de la linéarité et de la positivité)
Fonctions intégrables
Soit f une fonction définie sur , que l’on suppose bornée. On peut donc introduire et .
Soit l’ensemble des fonctions en escalier sur plus petites que f (c'est-à-dire telles que )
Soit l’ensemble des fonctions en escalier sur plus grandes que f (c'est-à-dire telles que )
Les ensembles et sont non vides : contient la fonction constante égale à , et la fonction constante égale à .
Soit l’ensemble des intégrales des fonctions en escalier de .
Soit l’ensemble des intégrales des fonctions en escalier de .
Les ensembles et sont donc des ensembles non vides de réels, et de plus tout élément de est inférieur à tout élément de : en effet, si et sont deux fonctions en escalier sur telles que , alors et par croissance de l’intégrale des fonctions en escalier, on a .
Donc admet une borne supérieure, notée , et une borne inférieure, notée . Ainsi, .
Si il y a égalité entre ces deux bornes, on dit que f est intégrable sur , et on appelle l’intégrale de f sur la valeur commune de ces bornes.
Dans le cas contraire, ou si f n’est pas bornée sur , on dira que f n’est pas intégrable sur .
Cette définition de l’intégrabilité est l’intégrabilité au sens de Riemann.
On peut noter que, selon cette définition, les fonctions en escalier sont bien intégrables sur , et que leur intégrale au sens de cette définition coïncide avec leur intégrale au sens de la définition du paragraphe précédent (en effet, il suffit de voir que, lorsque f est en escalier, f appartient à et à …)
Enfin, si f est intégrable sur , son intégrale sur est notée , ou ou encore (dans la dernière notation, t est une variable muette, elle peut prendre n’importe quel autre nom).
On voit que la définition correspond encore bien à une vision « géométrique » de l’intégrale : aire algébrique de la surface délimitée par la courbe de f et l’axe Ox.
Fonctions continues par morceaux
Définition et généralités
Soit f une fonction définie sur . On dit que f est continue par morceaux sur s’il existe une subdivision de telle que :
Pour chaque i de 1 à n, f est continue sur l’intervalle ouvert , admet une limite finie à droite en et une limite finie à gauche en .
La subdivision est alors dite subordonnée à la fonction continue par morceaux f.
On voit que si f est continue par morceaux sur , et si la subdivision est subordonnée à f, alors toute subdivision plus fine que est subordonnée à la fonction f.
Il est clair que f est continue par morceaux sur si et seulement si f ne présente qu’un nombre fini de points de discontinuité (voire aucun…), en lesquels f admets néanmoins des limites finies à droite et à gauche (à droite seulement pour a et à gauche seulement pour b).
Soit f une fonction continue par morceaux sur , et soit une subdivision subordonnée à f. Alors, pour chaque i de , la restriction de f à l’intervalle ouvert est prolongeable par continuité en une fonction continue sur le segment .
Il en résulte qu’une fonction continue par morceaux sur y est bornée : en effet, avec les notations précédentes, pour chaque i de , la fonction est continue sur le segment , donc bornée sur ce segment. Comme les points sont en nombre fini, f est bornée sur , un majorant de étant :
On montre, comme pour les fonctions en escalier que toute combinaison linéaire ou produit de fonctions continues par morceaux sur est encore continue par morceaux sur . De là, on tire que les fonctions continues par morceaux sur forment une sous algèbre de la R-algèbre des fonctions définies sur .
Encadrement par des fonctions en escalier
Théorème 1 :
Soit f une fonction continue par morceaux sur . Alors, pour tout réel strictement positif , il existe une fonction en escalier sur telle que .
Démonstration :
Commençons par le cas où f est continue sur .
Soit
Comme f est uniformément continue sur le segment (théorème de Heine), il existe tel que :
On considère un entier naturel non nul n tel que , et la subdivision régulière de définie par :
, avec (pas de la subdivision régulière)
On considère alors la fonction en escalier définie par :
et .
Alors :
Soit
Si , alors
Sinon, il existe tel que .
Alors , la dernière inégalité venant du fait que, pour , on a
Si maintenant f n’est que continue par morceaux :
On introduit une subdivision subordonnée à f, et, pour chaque i de , on considère la fonction comme introduite dans le A), qui est continue sur le segment et qui coïncide avec f sur . Etant donné , on applique alors le résultat précédent à chaque fonction pour construire, sur chaque segment une fonction en escalier telle que . On peut ensuite construire une fonction définie sur par :
, et .
Alors est évidemment en escalier sur , et .
Autre énoncé du théorème, plus commode pour la suite :
Théorème 1 : (variante)
Soit f une fonction continue par morceaux sur . Alors, pour tout réel strictement positif , il existe deux fonctions en escalier et sur telles que :
et
Les deux énoncés reviennent au même, car si est une fonction en escalier telle que , alors les fonctions et sont en escalier et on a et , et inversement, si et , alors évidemment .
Conséquence : intégrabilité
Théorème 2 :
Toute fonction continue par morceaux sur est intégrable sur .
Démonstration :
Soit f une fonction continue par morceaux sur .
Soit . Selon le théorème précédent, on peut introduire deux fonctions en escalier et sur telles que et .
Alors, en reprenant les notations de la définition du I, et , on a donc .
Par linéarité et croissance des intégrales des fonctions en escalier, on a alors :
Donc
Comme cet encadrement est valable quel que soit le réel , il en résulte, par passage à la limite, que
Ainsi, par définition, f est intégrable sur .
Compléments hors programme
On dit qu’une fonction f définie sur est réglée lorsque, pour tout réel strictement positif , il existe deux fonctions en escalier et sur telles que :
et .
Comme les fonctions en escalier sont bornées, il en résulte que toute fonction réglée est bornée. En regardant les résultat précédents, on remarque que le théorème 1 s’énonce alors ainsi : « toute fonction continue par morceaux sur », et, en regardant la démonstration du théorème 2, on voit qu’on peut énoncer le théorème : « toute fonction réglée sur est intégrable ».
On a donc les implications :
Continue par morceaux réglée intégrable bornée.
Mais toutes les réciproques sont fausses :
Exemple de fonction bornée non intégrable.
Soit f la fonction caractéristique de Q sur (c'est-à-dire si , 0 sinon)
Si est en escalier sur et , alors sur tout intervalle d’une subdivision subordonnée à , la valeur constante prise par sera nécessairement inférieure ou égale à 0 puisque f prend la valeur 0 sur (qui contient des irrationnels). Donc . De même, , d’où la non intégrabilité de f (au sens de Riemann).
Exemple de fonction non continue par morceaux, même non réglée, mais intégrable :
Soit f définie sur par si , 0 sinon. Déjà, f n’est pas continue par morceaux puisqu’elle n’a pas de limite en 0. De plus, on ne peut pas trouver deux fonctions en escalier et sur telles que et . En effet, comme f prend les valeurs -1 et 1 sur tout intervalle avec , si deux fonctions en escalier et encadrent f alors sur le premier intervalle d’une subdivision subordonnée à et , les valeurs constantes prises par ces fonctions sont distantes d’au moins 2.
Cependant, soit tel que . Alors f restreinte à est continue, donc encadrable, sur cet intervalle, par deux fonctions en escalier et sur , distantes d’au plus . Si on prolonge et sur en prenant et pour , alors il est clair que et sont en escalier sur , que , et que :
D’où, comme dans la fin de la démonstration du théorème 2 : .
Exemple de fonction non continue par morceaux, qui est pourtant réglée.
Soit f définie sur par si , 0 sinon.
Alors f n’est pas continue par morceaux, car elle a une infinité de points de discontinuité (les pour ). Cependant, on peut facilement l’encadrer à n’importe quel près par des fonctions en escalier (voir sur un graphique : pour n assez grand (tel que ), on encadre f sur par les constantes 0 et , et on conserve f sur )
Ainsi, f est réglée, et aussi intégrable. (d’intégrale ).